Pourquoi l'industrie du fer craint le «Nord pour tous»

Publié le 10/11/2012 à 00:00, mis à jour le 08/11/2012 à 10:00

Pourquoi l'industrie du fer craint le «Nord pour tous»

Publié le 10/11/2012 à 00:00, mis à jour le 08/11/2012 à 10:00

L'industrie du fer au Québec peut-elle demeurer concurrentielle, avec la forte volatilité et les changements de réglementation envisagés par le gouvernement Marois dans le cadre de son «Nord pour tous» ? Dans la deuxième partie de notre reportage, nous examinons les craintes de cette industrie face à la volonté du gouvernement de l'inciter à faire plus de transformation sur place, et à sa position sur le financement des infrastructures et des coûts de l'énergie.

En entrevue avec Les Affaires, en septembre, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a dit refuser de financer les infrastructures et les coûts de l'énergie au même niveau que son prédécesseur, tout en ouvrant la porte à du soutien en échange de transformation ou d'actionnariat. Elle a aussi mentionné que les grands producteurs de fer dans la Fosse du Labrador seraient eux aussi visés par sa future politique sur la transformation des métaux.

À première vue, l'idée de transformer le concentré de fer produit dans la Fosse du Labrador semble irréaliste.

«Si on exige de la transformation, les trois quarts des projets attirés ici par le Plan Nord partiront, prévient un avocat qui représente plusieurs promoteurs. Car les acheteurs sont chinois et ils veulent du volume pour leurs aciéries». Pas des poutrelles d'acier.

La plupart des nouvelles aciéries sont en Chine. Les américaines ne fonctionnent qu'à moitié de leur capacité.

«Ce qu'on pourrait produire ici, c'est du fer de réduction directe (direct reduced iron, en anglais)», nuance Dean Journeaux, président de la petite société minière canadienne New Millenium, partenaire du géant mondial Tata Steel dans la Fosse du Labrador. Il s'agit de prendre des boulettes de fer (issues du concentré), d'en retirer de l'oxygène et d'augmenter le niveau de concentration à plus de 90 %.

À son complexe sidérurgique de Montréal, ArcelorMittal le fait déjà et prévoit ajouter une deuxième ligne de production en juin.

«Cela pourrait se faire à Sept-Îles aussi, mais à condition d'avoir du gaz naturel, dit M. Journeaux. Cela prendrait un autre investissement.» Or, le financement est dur à trouver dans le contexte actuel. On parle d'un milliard de dollars pour une usine, disent nos sources. Une intervention financière de Québec serait sûrement requise. Opportune ? Rappelons que Sidbec avait un déficit de 700 $ avant d'être vendue à ArcelorMittal.

En 2007, le gouvernement Charest avait accepté de soutenir une partie du projet de laminoir d'ArcelorMittal. Malgré cette aide, le projet a été abandonné, faute de marché, relate Daniel Robert, vice-président, ressources humaines et affaires juridiques, de l'entreprise.

«Si nous faisons actuellement de la transformation au Québec, c'est parce que nous avons déjà les installations. Mais repartir à zéro aujourd'hui ? Impensable.»

Tarifs d'électricité

Quelle que soit l'activité, les promoteurs de fer affirment que le prix de 9 cents le kilowattheure pour l'électricité, évoqué par le président d'Hydro-Québec, nuirait à leur compétitivité. À l'époque - récente - du Plan Nord, leurs scénarios de base prévoyaient un prix équivalent ou même inférieur au tarif L (4,5 cents le kWh), lequel doit, en théorie, disparaître en 2014.

«Je ne crois pas au prix de 9 cents le kWh», dit un promoteur. À titre de comparaison, au Labrador, IOC paie un demi-cent son kWh, avantage historique consenti lors de la construction du complexe hydroélectrique Churchill Falls, mentionne-t-il. Ainsi, lorsque Tata Steel Canada devra choisir entre le projet de mine de fer Kémag, au Québec, et celui de LabMag, au Labrador, elle devra comparer le tarif québécois à celui du Labrador, qui risque d'être plus bas. Et si les deux ne sont pas rentables, elle ira au Brésil, qu'elle lorgne déjà.

Les coûts d'électricité sont un facteur majeur dans la compétitivité des producteurs de fer, surtout pour ceux qui sont situés au nord de Schefferville. Le genre de fer extrait est la taconite, dont la production consomme cinq fois plus d'énergie que celle du fer de la région de Fermont.

Chemin de fer hypothétique

La construction d'un chemin de fer de 800 kilomètres dans la Fosse du Labrador, envisagé par le Canadien National et la Caisse de dépôt et placement, est un autre facteur d'inquiétude. On parle d'un débours d'au moins 5 milliards de dollars, ce qui représente une contribution de 500 millions pour chacun des cinq producteurs de fer ayant manifesté leur intérêt. (Le reste serait assumé par le CN et la Caisse.)

Or, le risque est élevé de ne pas trouver ce financement, «car les minières concernées sont relativement petites», explique Richard Deslauriers, expert en infrastructures pour la firme de consultants PwC Canada. Ce qui complique les choses, c'est que les projets ne démarreront pas tous en même temps. Selon lui, pour ce genre d'investissement à long terme, très risqué car on ne sait pas quel sera le prix d'une tonne de fer dans 10 ans, le seul acteur capable de donner des garanties financières est le gouvernement. Le CN et la Caisse ne pourront pas, selon lui, assumer un risque aussi élevé. La question devient alors : «comment le gouvernement du Québec peut-il jouer un rôle décisif par rapport à la réalisation ou à la non-réalisation de ce projet essentiel au développement des mines de fer, tout en agissant de façon responsable sur le plan fiscal ?» demande Richard Deslauriers.

Bref, en examinant ces trois facteurs, l'industrie constate que le gouvernement, s'il tient à l'entrée en scène de nouveaux acteurs dans le minerai de fer, sera invité à ouvrir ses goussets.

200

Nombre de millions de tonnes de fer envisagés par année par le total des promoteurs.

Source : Les Affaires

50

Nombre de millions de tonnes de fer qui devraient être produits au Canada en 2012

Source : Crédit Suisse

«Si nous faisons actuellement de la transformation au Québec, c'est parce que nous avons déjà les installations. Mais repartir à zéro aujourd'hui ? Impensable.»

- Daniel Robert, vice-président, ressources humaines et affaires juridiques, ArcelorMittal Montréal

- 41 % Recul du financement par capitaux propres des 100 principales petites sociétés minières canadiennes depuis 2011 Source : rapport Junior Mine, PwC, 5 novembre 2012

Sources : Indexmundi et Steelindex

suzanne.dansereau@tc.tc

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