Pour ou contre la confidentialité des ententes entre minières et autochtones ?

Publié le 14/09/2013 à 00:00, mis à jour le 12/09/2013 à 10:16

Pour ou contre la confidentialité des ententes entre minières et autochtones ?

Publié le 14/09/2013 à 00:00, mis à jour le 12/09/2013 à 10:16

Dans sa réforme de la Loi sur les mines, le gouvernement Marois a introduit, en catimini, deux dispositions obligeant les minières à divulguer les ententes qu'elles signent avec les communautés autochtones dans le cadre de leurs projets. Or, la plupart de ces ententes, appelées Ententes sur les répercussions et avantages (ERA), sont confidentielles, et ce, à la demande des deux parties.

Bien qu'il arrive que certaines dispositions de ces ententes soient rendues publiques (celles qui touchent la création d'emplois, la formation, l'octroi de contrats, etc.), les clauses financières, qui concernent des paiements ou des redevances aux communautés, sont tenues secrètes.

Pour justifier sa réforme, la ministre responsable Martine Ouellet invoque une volonté de transparence. «Les Québécois, à qui appartiennent les ressources naturelles, ont le droit de savoir», dit-elle. Mais du côté des minières et des communautés autochtones, on a plusieurs raisons de vouloir maintenir le statu quo. En effet, il s'agit d'ententes commerciales qui contiennent «des données stratégiques», fait valoir Jean Gagné, l'avocat qui a négocié l'entente entre la minière Goldcorp et les Cris dans le projet Éléonore à la Baie-James. «La divulgation d'une ERA peut porter atteinte aux avantages concurrentiels d'un projet», explique-t-il.

«C'est un contrat comme un autre, et le gouvernement n'a pas à mettre son nez là-dedans», tranche le chef innu, Mike McKenzie. Il signale, en passant, qu'Hydro-Québec n'est pas soumise aux nouvelles dispositions proposées par Québec.

Effet de surenchère ?

Les minières craignent surtout un effet de surenchère si le contenu des ententes est dévoilé. Une communauté autochtone qui connaîtrait les détails d'une entente signée entre une minière et une autre communauté serait portée à réclamer davantage, plaident-elles.

Les communautés autochtones, quant à elles, craignent de voir leur capacité de négocier handicapée. Chaque projet minier a des effets distincts sur une communauté, que ce soit des impacts financiers, environnementaux et sociaux, fait valoir John-Paul Murdoch, l'avocat qui négocié l'ERA d'Éléonore pour la partie crie. Si les minières commencent à comparer, cela va compliquer la négociation, explique-t-il.

MM. Murdoch et McKenzie anticipent aussi un ressac contre les communautés autochtones. «Les données vont sortir tout croche, et on va encore dire qu'on fait des cadeaux aux autochtones», dit M. Murdoch.

Autre inquiétude : une fois les ERA dévoilées, les communautés non autochtones vont-elles réclamer leur part du gâteau ? C'est ce que se demande Pierre-Christian Lebeau, avocat chez Norton Rose. La préoccupation perce déjà dans le discours de certains élus blancs de la Baie-James.

Moins de transferts gouvernementaux

Un autre effet négatif concret suscite de l'appréhension de la part des Premières Nations, surtout chez celles qui n'ont pas signé de traité : on craint que la publication des ERA ne se traduise par une diminution des transferts gouvernementaux. «C'est peut-être cela, le réel objectif», avance M. Murdoch. Dans une initiative semblable, le gouvernement fédéral veut lui aussi que les ERA soient rendues publiques et que les revenus autonomes des Premières Nations soient pris en compte dans le calcul des transferts fédéraux. «Martine Ouellet veut-elle qu'Ottawa se déleste de ses responsabilités ?» lance M. Murdoch.

Forte pression sur les minières

Cela dit, la pression est forte pour que les entreprises extractives soient plus transparentes. Même si les normes comptables et les obligations d'information continue n'obligent pas une société à divulguer les paiements versés aux autochtones, aux États-Unis, le Dodd-Frank Act oblige les sociétés inscrites à la Bourse de New York à publier tout paiement fait à des gouvernements.

La minière canadienne Agnico-Eagle est inscrite à la Bourse de New York. Et elle endosse l'idée d'une divulgation complète des ERA. «Les gens vont savoir ce qui se passe et où va l'argent», indique Louise Gendron, vice-présidente environnement et développement durable d'Agnico-Eagle. Cependant, la future ERA que signera Agnico-Eagle concerne un projet au Nunavut, où les ERA et la divulgation de leur contenu sont obligatoires. De plus, le gouvernement du Nunavut est autochtone et autonome - un contexte fort différent de ce qui prévaut au Québec.

Dans son mémoire sur le projet de loi 43, Agnico-Eagle signale par contre que, même si les minières s'accordaient pour publier le contenu des ERA, il leur faudrait le consentement des autochtones. Un point qui n'est pas mentionné dans le projet de loi québécois. Ce qui provoque l'ire des communautés autochtones et pousse les minières à dire que le projet de loi a besoin d'éclaircissements et de paramètres avant d'être acceptable.

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