Vous venez de refaire la toiture de votre résidence et vous ne savez pas quoi faire de vos vieux bardeaux d'asphalte ? Hélas, il faudra vous résigner à les mettre à la poubelle, car, pour l'instant, il n'existe aucun moyen de valoriser cette matière. Mais cela pourrait changer. Cette matière pourrait entrer dans la composition des enrobés bitumineux, un mélange de gravier, de sable et de bitume qui constitue le revêtement de la chaussée des routes. " C'est faisable puisque la composition du bardeau et du bitume est sensiblement la même, affirme Alan Carter, professeur à l'École de technologie supérieure (ETS).
M. Carter est aussi membre du Laboratoire universitaire sur les chaussées, les routes et les enrobés bitumineux (LUCREB), qui a réalisé une étude sur le sujet pour le compte de Recyc-Québec et du Regroupement des récupérateurs et des recycleurs de matériaux de construction et de démolition du Québec (3RMCDQ). On pourrait ainsi détourner de l'enfouissement de 170 000 à 200 000 tonnes de ces vieux bardeaux qui sont jetés chaque année.
En fait, l'intégration du bardeau dans le bitume se fait déjà au Québec avec des bardeaux d'asphalte postfabrication (bardeaux rejetés parce qu'ils ont des défauts). Sintra, un constructeur de routes et de ponts, a développé un bitume qui contient une faible proportion (5 %) de ces matériaux. Cela se fait aussi de plus en plus aux États-Unis, selon l'universitaire.
Des réticences
Là où il y a place à l'amélioration, c'est du côté du bardeau postconsommation (celui que l'on jette à la suite de rénovations). Le ministère des Transports a déjà établi une directive pour les entreprises qui souhaiteraient utiliser ce résidu dans leur bitume : les vieux bardeaux peuvent représenter 3 % d'ajout pour la couche de surface et 5 % pour la couche de base. Alors pourquoi ne les recycle-t-on pas ? " Les municipalités sont encore réticentes à le faire, car qu'elles craignent que la qualité du bitume soit moins bonne ", dit M. Carter.
Des essais se déroulent en ce moment à Victoriaville où on trouve une section de route couverte de bitume avec bardeau postfabrication et deux autres sections couvertes de bitume contenant du bardeau postconsommation. Dès 2009, les chercheurs de LUCREB produiront un rapport sur la performance de cet enrobé.
Pour M. Carter, il y aurait plusieurs avantages à utiliser ce type de bitume. " Cela réduirait le coût de fabrication du bitume [un aspect intéressant considérant le prix du pétrole] et cela pourrait se faire partout dans la province, car du bardeau, il y en a partout. En plus, nul besoin de changer la recette. Il ne faut qu'une déchiqueteuse pour défaire les bardeaux en morceaux afin de les intégrer aux autres ingédients. " S.G.
