Nouveau concept Sears : l'avis de trois experts

Publié le 01/12/2012 à 00:00, mis à jour le 29/11/2012 à 09:25

Nouveau concept Sears : l'avis de trois experts

Publié le 01/12/2012 à 00:00, mis à jour le 29/11/2012 à 09:25

À l'aube de ses 60 ans, Sears a besoin d'un sérieux coup de barre pour reconquérir les clients et retrouver le chemin de la rentabilité. Son nouveau président, Calvin McDonald, est le premier à l'admettre. Résultat, le concept des magasins a été redessiné, les catégories élaguées, la présentation modernisée. Ce «nouveau Sears» marquera-t-il un tournant ? Les Affaires a demandé à trois experts de se prononcer.

Testée depuis le printemps en Ontario, la version 2012 du magasin Sears vient d'arriver au Québec (aux Galeries d'Anjou et au Carrefour du Nord, à Saint-Jérôme). Les travaux ont été terminés dans «un temps record» de six semaines, précise le détaillant, qui refuse de divulguer les coûts de l'opération et ses plans pour l'an prochain.

«L'adresse est la même, mais tout le reste a changé», peut-on lire sur la porte du Sears d'Anjou, celui que nos experts ont visité. Or, la transformation n'est pas flagrante. «Les entrées ne suscitent guère de wow, puisque le coup d'oeil est similaire à ce que l'on connaît de Sears. Une fois à l'intérieur, c'est encore le statu quo. Et depuis le centre commercial, aucun changement n'est apparent», dit Louis Garceau, président de Brand Momentum, qui doute de la capacité du détaillant à convaincre de nouveaux clients de franchir les portes.

JoAnne Labrecque, de HEC Montréal, est du même avis. «Sur le coup, on se demande où sont les changements.» Mais le président de l'agence Shop, Brian McConnell, n'est pas d'accord. Il estime plutôt qu'il y a une «énorme amélioration» par rapport aux autres Sears qu'il a vus récemment.

«Rien de ce que j'ai vu ne générera d'achalandage additionnel, analyse Louis Garceau. Mais le panier moyen augmentera, car les produits sont mieux présentés.»

Résultats ontariens

En Ontario, les résultats sont encourageants, a confié Calvin McDonald à Les Affaires, tout en visitant le magasin d'Anjou. «Nous accueillons des clients plus jeunes, et nos habitués viennent plus souvent. Je pense que les clients constatent que les produits leur parlent différemment. Les ventes montent, et la locomotive est la mode. Nous voyons un changement de trajectoire dans les deux chiffres.»

Le président de 41 ans dit que Sears a perdu son «rythme» en «cessant de faire les bonnes choses». Il compte bien réussir à faire repartir la machine. «Il y a beaucoup d'aspects que nous contrôlons et que nous pouvons régler.» Le véritable test pour le magasin des Galeries d'Anjou est imminent avec l'arrivée l'an prochain de Simons et Target.

Louis Garceau

Expert en marchandisage et président de Brand Momentum, entreprise spécialisée dans la vente et le marketing

«La navigation et la signalisation demeurent déficientes dans l'ensemble du magasin, que ce soit pour trouver les sorties, les escaliers ou une section en particulier. On espère nous imposer la tournée du magasin pour repérer ce que l'on cherche. C'est une attitude démodée qui est loin de simplifier l'expérience.»

JoAnne Labrecque

Professeure de marketing à HEC Montréal et membre de la Chaire de commerce Omer DeSerres

«J'ai eu quelques coups de coeur : le secteur de la lingerie et celui des chaussures. Par contre, je n'ai pas eu l'impression d'être dans un grand magasin, mais plutôt dans un magasin à prix réduits avec moins d'efficacité, puisque les allées ne sont pas rectangulaires. Pour ce qui est du look, ce n'est pas un Walmart, mais pas loin. Cela manque de lumière, c'est encombré. Ça peut passer tant que Target n'est pas encore ici, mais ensuite...»

Brian McConnell

Président de l'agence Shop, expert en marchandisage, en design de magasins et en vente au détail

«On ne peut pas tout mettre dans les entrées du bas. Mais on aurait pu créer, en bas, le désir d'aller voir ce qui se trouve en haut. On ne ressent pas le lien entre les deux étages. Mais du point de vue du marchandisage, c'est plusieurs coches au-dessus de ce que c'était avant. Ça a l'air 10 ou 15 ans plus jeune.»

LES COSMÉTIQUES

Dans l'entrée du magasin qui donne sur le mail, le rayon des cosmétiques n'a pas été renouvelé. L'usure des comptoirs est visible. Sears justifie son choix en disant que les produits de beauté ne font pas partie de ses catégories clés.

LG - Le fait que le premier coup d'oeil ne soit pas différent est une erreur majeure. Le rayon des cosmétiques aurait dû faire partie des priorités, car c'est un point d'attrait pour la clientèle du centre commercial.

JL - S'il y avait une place à rénover, c'est bien l'entrée ! C'est là que tu montres ta promesse, mais Sears n'a rien changé. Le but, et ce qui est le plus difficile, c'est de faire entrer les clients dans ton magasin. Pour réussir, il faut que ce soit wow. Ce sont des comptoirs d'une autre ère, le satin bleu ne rappelle rien, et on ne comprend pas ce choix qui n'est pas harmonieux.

BM - Il aurait fallu retoucher les cosmétiques, mais en même temps, le Sears est au bout du centre commercial, alors je me demande s'il y a tant de monde que ça qui passe devant. Et puis, tout le monde vend des cosmétiques... Pire, quand je suis allé, l'entrée était bloquée par des tables et des chaises. Bloquer l'entrée d'un magasin, c'est la pire chose à faire.

LES PETITES ROBES NOIRES

Une boutique de petites robes noires (et ses accessoires) a été aménagée au coeur du magasin. Elle bénéficie de son propre éclairage. C'est le changement dont Calvin McDonald est le plus fier.

LG - L'idée est intéressante, peu coûteuse, et elle rejoint un bassin optimal de consommatrices. Mais la boutique aurait dû être utilisée comme attrait à l'entrée du magasin donnant sur le mail plutôt que de laisser cet espace premium à une catégorie qu'on «dépriorise», c'est-à-dire les cosmétiques.

JL - C'est intéressant, mais c'est aménagé en fonction du plancher. Donc, c'est trop serré, trop encadré. Je dirais même que c'est caché. Et c'est difficile d'y entrer. Avec les cadres, on veut faire de la théâtralisation, mais ça prend de la place pour rien. Si on enlève les cadres, on voit mieux les mannequins. Ils ont voulu être différents, mais c'est le produit qu'on veut voir. De plus, on a l'impression que c'est fragile.

BM - Toutes les structures qui annoncent les catégories sont bien faites. Ça crée des shop-in-shop [espaces-boutiques], des zones pour que les clients s'y retrouvent, et ça met en valeur la profondeur des catégories. Le faux miroir, c'est une belle mise en scène, c'est simple, c'est répétitif. J'aime la boutique de petites robes, car la maman, la cliente cible, en porte. Il manque cependant le côté ludique, le party, le fun... On n'achète pas seulement une robe noire pour aller au salon mortuaire.

LA SECTION CUISINE

Dans certains rayons, on a regroupé plusieurs produits similaires sur un mur afin de montrer que chaque catégorie est exploitée avec plus de profondeur. «Tout a été fait pour faire parler le produit», dit le directeur du magasin d'Anjou, Serge Tremblay.

LG - La mise à l'avant de certains produits en masse donne une image de volume, de variété et de disponibilité. L'idée est intéressante, mais demandera une mise à jour fréquente pour que son impact soit maintenu.

JL - C'est sympa. Mais ça ne fait pas ressortir les produits. C'est une amélioration, mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus performant. Le défi d'un grand magasin, c'est de faciliter les choix. Surcharger la présentation nuit à cela. On ne peut pas faire du théâtre partout.

BM - Un vrai travail de marchandisage a été fait dans plusieurs sections. Et c'est la première fois que je vois ça chez Sears. Quand tu entres dans le magasin, tu sens qu'il se passe quelque chose. Dans notre jargon, on dit «massifier» l'offre, ce qui veut dire que tu t'appropries l'expertise. Tu donnes l'impression aux clients que tu es un professionnel de la catégorie. C'est bien fait.

LES BIDULES AUX CAISSES

Sears vend des chocolats, de la gomme à mâcher et des gadgets électroniques aux caisses «afin de stimuler les achats impulsifs et d'augmenter la valeur du panier moyen».

LG - Les achats impulsifs sont un mal nécessaire, mais un peu plus de travail sur la sélection et le lien thématique aurait pu créer une expérience plus intéressante pour le consommateur. Une confiserie n'ajoutera rien à mon achat de robe ou de chandail...

JL - Tout le monde fait ça, mais les confiseries, ça n'a pas sa place là. Tu perds la chance de vendre quelque chose de plus approprié. Ça pourrait être des idées-cadeaux ou des gadgets déjà emballés pour Noël. Le chocolat Lindt, à la limite, ça pourrait aller avec la vaisselle.

Sur lesaffaires.com

Nos experts se prononcent sur le rayon pour enfants, la quincaillerie, les outils, les produits saisonniers et le revêtement de sol. Sur bit.ly/Rg4bGB

marie-eve.fournier@tc.tc

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