Monsieur Concertation

Publié le 17/09/2011 à 00:00

Monsieur Concertation

Publié le 17/09/2011 à 00:00

Daniel Gauthier est habitué à la haute voltige. Mais il était loin d'imaginer les acrobaties à exécuter pour réaliser son rêve de faire de Charlevoix une destination touristique internationale.

Avant de connaître succès financier et gloire planétaire avec le Cirque du Soleil, qu'il a fondé en 1984 avec Guy Laliberté, Daniel Gauthier a dû convaincre des financiers d'investir dans les clowns, ce qui fût encore plus difficile quand, toute jeune encore, l'entreprise s'est retrouvée au bord de la faillite.

Aujourd'hui, son projet de 258 millions de dollars (M$) au Massif de Charlevoix, pour lequel il allonge 55 millions de sa fortune personnelle, est le plus important développement récréotouristique du Québec depuis des années.

"Je n'aurais jamais cru avoir autant à réapprendre un métier. Ça m'a obligé à un exercice d'humilité. Ce n'est pas parce qu'on a eu du succès qu'on va en ravoir automatiquement", confie Daniel Gauthier à l'occasion d'une entrevue, lors du voyage inaugural du Train de Charlevoix le 6 septembre.

Son train touristique de luxe sillonnera les paysages majestueux de Charlevoix, entre fleuve et montagnes, jusqu'à La Malbaie. Une étape importante d'un projet qui comprendra un complexe hôtelier de 150 chambres à Baie-Saint-Paul et 400 unités d'hébergement autour de la montagne de ski.

Avant de se lancer dans l'aventure, l'entrepreneur imaginait que deux ou trois ans d'efforts suffiraient à donner des ailes à son projet ; il lui en a fallu le double. Convaincre les gouvernements d'investir 65 M$ et les banques d'en prêter autant, trouver d'autres actionnaires, dont son ami Guy Laliberté (10 M$) : tout cela a nécessité patience et persévérance. Et quand la ferme achetée à Baie-Saint-Paul pour abriter l'hôtel a brûlé, en 2007, ce fût une autre mise à l'épreuve. Il a fallu repenser le concept et l'architecture, si bien que le train est arrivé avant les chambres, maintenant prévues pour 2012.

Le diplômé en arts plastiques n'avait jamais envisagé non plus de devenir propriétaire d'un chemin de fer pour faire rouler son train ! Mais, puisque le rail risquait d'être vendu, ce qui aurait sérieusement menacé le projet, aussi bien l'acheter et s'entourer de gestionnaires compétents dans le secteur ferroviaire.

"Devant un problème, Daniel se dit toujours que, si on ne trouve pas la solution aujourd'hui, on va la trouver demain. Pour lui, il n'y a pas de problème sans solution", note le pdg du Groupe Le Massif, Claude Choquette.

Tenir compte des craintes et des désirs

Le plus grand défi que Daniel Gauthier a eu à affronter a été de garder l'adhésion de la communauté à un projet géant qui risque de bousculer les habitudes d'une région paisible. "On avait peur d'un développement à la Tremblant ou qui n'ait pas de lien avec le milieu, du type village vacances", dit le maire de Baie-Saint-Paul, Jean Fortin. Les citoyens craignaient aussi que le développement n'entraîne une hausse des valeurs foncières et, par conséquent, de leurs taxes.

En 2003, peu après avoir acheté le Massif de la Petite-Rivière-Saint-François, Daniel Gauthier réunissait les gens du milieu pour connaître ce qu'ils voulaient voir autour du centre de ski. Il a conçu son projet en accord avec les craintes et les désirs exprimés.

Depuis, il n'a cessé de répéter sa vision : il voulait un développement économique durable, qui se fasse dans le respect de la nature et de la population locale. Pas question d'aller contre vents et marées. L'adhésion du milieu, comme celle des employés du centre de ski, avec qui il a signé une convention de six ans, était capitale.

"Au cirque, on voulait un monde meilleur. J'essaie de faire de même ici avec un projet qui donne du sens à la vie de bien du monde", dit Daniel Gauthier.

Le projet porte sur la destination Charlevoix, ce qui dépasse la montagne ou l'hôtel, souligne-t-il. "On bonifie l'offre touristique de Charlevoix et de Québec, pas juste celle du Massif. On veut être le plus vert possible, tout en créant et en partageant la richesse. On veut donner de bons emplois, à l'année, et attirer ici de nouvelles familles."

Par-dessus tout, ce père de deux enfants veut créer un effet d'entraînement. "Je veux être l'étincelle qui allumera le feu."

Daniel Gauthier suscite l'admiration dans son entourage. Son désir de contribuer, sa générosité en temps, en énergie et en argent, impressionne son bras droit. "Il n'a pas besoin de faire ça, il pourrait s'en aller tranquille sur une île", dit Claude Choquette.

Le tourisme québécois a besoin de projets de cette envergure pour attirer les touristes étrangers, et l'ancien maire de Québec, Jean-Paul L'Allier, rêve de voir une multitude d'entrepreneurs de la trempe de Gauthier. Sa vision audacieuse le séduit, parce qu'elle est patiente, inclusive et invite à la réflexion. "Il y a des gens d'affaires qui ne croient pas à la concertation. Ils ne croient qu'au modèle traditionnel. Mais il faut dépasser le stade du "tasse-toi, je développe"", dit M. L'Allier.

"La concertation a ralenti le développement du Massif ; pourtant, elle voue le projet à une viabilité certaine, soutient Alain April, président de l'Association québécoise de l'industrie touristique. C'est si facile pour des minorités de mettre un frein au développement qu'il faut se concerter. Montréal a perdu son projet de Casino avec le Cirque du Soleil à cause d'une minorité ; on a raté un beau projet."

Inventer à mesure

Pour Daniel Gauthier, un entrepreneur qui veut innover ne doit pas suivre de recette. "Tu l'inventes à mesure. Ça peut susciter des inquiétudes, car les attentes ne sont pas nécessairement comblées dans le temps."

Et le temps, tout le monde sait que c'est de l'argent. Le Train de Charlevoix arrive sur les rails alors que le premier marché visé, les États-Unis, tarde à se relever de la crise de 2008-2009. Encore là, pas question de se laisser démonter. Daniel Gauthier est patient, déterminé et confiant.

"Quand les jours seront meilleurs, on récoltera ce qu'on a semé. Il faut juste cultiver le jardin plus longtemps qu'on le pensait pour en récolter les fruits."

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