Mode : réflexions stratégiques

Publié le 20/07/2013 à 00:00

Mode : réflexions stratégiques

Publié le 20/07/2013 à 00:00

D'un côté, un festival en pleine santé et exportable. De l'autre, une semaine de la mode en quête d'une nouvelle formule. Chapeautant les deux, un couple d'entrepreneurs bien décidés à s'outiller et à se questionner tant qu'il le faudra pour continuer de développer le Groupe Sensation Mode, qu'ils ont fondé il y a 15 ans.

Lorsqu'ils déboulent dans la salle de conférence de leurs bureaux du quartier Saint-Henri, à Montréal, Jean-François Daviau et Chantal Durivage ont encore la tête pleine des budgets et derniers préparatifs du Festival Mode et Design, qui prendra son envol le 31 juillet. En riant, M. Daviau se passe les mains sur le visage : voilà, il s'extirpe du brouhaha et prend le recul nécessaire pour l'entrevue.

Du recul, le couple a essayé d'en prendre régulièrement depuis deux ans, question de définir le chemin qui permettra à leur entreprise de devenir «florissante, rentable et performante». «La mode est en train de changer de A à Z sur le plan international et ça crée beaucoup d'occasions», explique Jean-François Daviau. En les saisissant correctement, lui et sa conjointe espèrent assurer la pérennité de leur groupe, malgré une diminution attendue des subventions. «Puisque faire payer le public n'est pas vraiment envisageable, il faut revoir notre modèle d'entreprise.» S'il faut dans la foulée réorienter certaines activités et innover, ils le feront.

Cap sur l'international

Depuis 2000, le Groupe Sensation Mode produit le Festival Mode et Design (FMD), un événement créé par M. Daviau et Mme Durivage pour présenter la mode au grand public. L'entreprise s'occupe depuis 2007 de la Semaine Mode Montréal (SMM), présentée en février et en septembre.

Maintenant à sa treizième édition, le FMD jouit d'un budget de près de trois millions de dollars (dont 25 % de subventions) et rejoint, sur quatre jours, 500 000 personnes sur l'avenue McGill et ses environs. Lors d'une récente rencontre à Berlin avec une vingtaine d'influenceurs mode internationaux, Chantal Durivage avait les gens «pendus à ses lèvres» quand elle décrivait son festival «fashiontainment» - une combinaison de mode, musique, danse et autres. «Un événement mode grand public comme le FMD, ça n'existe pas ailleurs. Or, il y a un réel intérêt pour des événements qui s'adressent aux consommateurs.»

Groupe Sensation Mode envisage ainsi de produire, en partenariat avec des producteurs locaux, des FMD adaptés à différents marchés comme Berlin, Bruxelles ou Tokyo, trois villes intéressées par le concept. Le groupe mettrait à profit ses liens avec les grandes enseignes (Aldo, Forever 21, etc.), inclurait du contenu local et ferait découvrir quelques créateurs québécois. «Nous analysons en ce moment par quelle ville commencer», explique Mme Durivage, qui vise au «maximum trois villes, très bien ciblées» d'ici cinq ans.

«Comme le marché du Québec est limité, nous sommes rendus à nous tourner vers l'exportation pour croître», dit M. Daviau.

L'entreprise mise aussi sur le Web pour générer des dollars frais. Elle pourrait tirer profit du volumineux contenu produit par le FMD et la SMM (textes, photos, vidéos, etc.). Des partenaires voudraient-ils payer pour en utiliser une partie ? M. Daviau et Mme Durivage envisagent aussi un volet transactionnel, qui pourrait desservir tant les grandes enseignes que les créateurs locaux.

Revoir la formule

Les choses sont plus difficiles pour la Semaine Mode Montréal. Les designers hésitent à investir temps et argent dans l'organisation de ces défilés qui génèrent peu de ventes. En plus, ils doivent faire des acrobaties logistiques pour produire leurs collections aussi tôt dans le calendrier. En février dernier, Marie Saint Pierre, Denis Gagnon et Philippe Dubuc ont ainsi préféré s'abstenir.

«La SMM n'est probablement pas rentable pour certains designers, puisque les acheteurs ne sont pas là», explique Ying Gao, designer et professeure à l'École supérieure de mode de Montréal. Mme Gao ne lance pas la pierre aux organisateurs : les bons designers québécois ne sont tout simplement pas assez nombreux pour motiver des acheteurs japonais ou italiens à se déplacer.

De plus, les acheteurs internationaux prennent peu de risques en ce moment, selon Mme Durivage. «Ils se concentrent sur les collections qui vendent déjà bien.»

L'avenir de la SMM pose un dilemme : «difficilement rentable», elle est essentielle pour que Montréal puisse se qualifier de ville de mode. «La SMM doit devenir une volonté des gouvernements, un peu comme l'opéra ou l'orchestre symphonique», dit Mme Durivage. Chaque édition a un budget de 1,2 M$, dont 25 % en subventions.

La semaine de la mode gagnerait-elle à être présentée en même temps que le Festival Mode et Design, qui fonctionne bien ? «C'est à considérer, puisque ça mettrait en commun l'argent et l'énergie, plutôt que de les diviser. Mais ça ne veut pas dire que c'est la formule à adopter.»

S'outiller pour réfléchir

M. Daviau et Mme Durivage ont senti le besoin de s'entourer et de réaliser une planification stratégique il y a deux ans. Ils ont d'abord mis sur pied un comité consultatif de cinq personnes pour le FMD en 2011, et ils complètent actuellement un conseil d'administration de sept personnes pour la SMM, qui sera présidé par l'avocat Jean Pierre Desrosiers, associé chez Fasken Martineau. Réticent au début, M. Daviau est surpris des résultats : «C'était notre force, au début, de ne pas venir de la mode. Ces gens nous aident à sortir de notre carré de sable.»

Pour se concentrer sur la croissance, les entrepreneurs ont bonifié leur équipe de direction de trois personnes. «Ça nous permet de voir plus loin», se réjouit Mme Durivage.

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