Metro pour la solidité, Loblaw pour le gain élevé

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Metro pour la solidité, Loblaw pour le gain élevé

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Par Marie-Claude Morin

Pas de doute, les prochaines années seront plus corsées pour les épiciers. Target s'apprête à couper ses premiers rubans au Canada, Walmart mène une offensive alimentaire au Québec et les Shoppers et Couche-Tard de ce monde font la part belle aux produits frais. Cela n'empêche pas ces titres de continuer de jouer leur rôle traditionnel de refuge. Lequel choisir ? Comparaison entre Metro, Loblaws et Empire, propriétaire d'IGA.

METRO : UNE VALEUR SÛRE, MAIS PAS DONNÉE

Avec ses constantes hausses de dividende et ses rachats d'actions généreux, Metro dispose de puissants atouts pour séduire les investisseurs. Les résultats des derniers trimestres, l'achat d'Adonis et la participation dans Alimentation Couche-Tard aident également.

Depuis un an, le titre a grimpé de 46 $ à 57 $, un bond d'environ 25 %. Même à ce prix, l'évaluation n'est pas un frein pour Marie-Ève Savard, gestionnaire de portefeuille chez Investissements Standard Life. «Payer 11,5 fois les bénéfices [prévus l'an prochain] pour acquérir une entreprise qui offre une croissance intéressante, c'est raisonnable.»

Selon elle, Metro (Super C, Marché Richelieu et Brunet, entre autres) continuera d'augmenter ses bénéfices de plus de 10 % par année en gagnant des parts de marché et en contrôlant ses coûts. L'enseigne de produits ethniques Adonis, dont Metro a acquis 55 % à l'automne 2011, nourrira aussi la croissance du détaillant montréalais. En plus de diversifier son offre dans l'ensemble de ses magasins, l'épicier compte doubler à 10 le nombre de succursales Adonis au Québec et percer le marché ontarien en ouvrant cinq ou six établissements. «L'acquisition a très bien fonctionné, et Adonis contribuera aux profits de façon croissante», juge Mme Savard, dont Metro est le titre favori dans le créneau des épiciers.

L'entreprise profite aussi de l'expansion outre-Atlantique de Couche-Tard, dont elle détient 21 millions d'actions, soit 11,6 % du capital-actions. Au dernier trimestre, sa quote-part aux bénéfices de la chaîne de dépanneurs s'est élevée à 13,6 millions de dollars, par rapport à 6,9 M$ à la même période l'an dernier.

À plus long terme, Metro, gérée par Éric R. Laflèche depuis 2008, pourrait elle-même prendre de l'expansion. Son bilan solide et l'expertise acquise avec l'achat de l'ontarienne A&P en 2005 la positionnent avantageusement pour profiter d'une éventuelle consolidation du secteur dans l'Ouest canadien. «Il y a des cibles potentielles. Il reste à voir quand et comment la consolidation se concrétisera. Chose certaine, Metro a un bilan qui lui permet de faire des acquisitions», soutient Philippe Le Blanc, président de Cote 100.

Performance supérieure

Metro est clairement le chouchou de M. Le Blanc. «Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sa performance financière est de loin supérieure à celles d'Empire et de Loblaw depuis plusieurs années», dit-il, tout en signalant que la croissance «n'est pas fracassante».

L'évaluation du titre ne reflète pas son rendement financier supérieur, estime pour sa part Marc-André Robitaille, gestionnaire chez AGF. «Metro présente les meilleurs indicateurs de performance, mais s'échange à un cours similaire à Empire et à escompte par rapport à Loblaw.» Gestionnaire d'un fonds de dividendes, M. Robitaille a un penchant avoué pour une entreprise aussi disciplinée dans l'envoi de chèques à ses actionnaires. «C'est l'épicier qui retournera le plus de liquidités à ses actionnaires, tant en bonifiant son dividende qu'en rachetant ses actions.»

Une concurrence plus vive en vue

Mark Petrie, analyste chez Marchés mondiaux CIBC, sert toutefois une mise en garde : Metro pourrait subir les contrecoups d'une concurrence plus vive au Québec. Jusqu'à présent, il n'y a eu ni guerres de prix ni offensives majeures dans la Belle Province, où l'épicier réalise 60 % de ses ventes et les deux tiers de ses profits. La donne pourrait changer avec l'ouverture accélérée de Walmart et l'arrivée de Target. «On ne s'attend pas à ce que Metro puisse de nouveau mieux performer que l'industrie au cours de la prochaine année. Le marché québécois va changer radicalement», prévient M. Petrie.

L'analyste n'est pas le seul à montrer un optimisme prudent à l'égard du titre de l'épicier québécois, compte tenu de la menace accrue de la concurrence et de la progression du titre. Des 13 analystes sondés par Bloomberg, six en recommandent l'achat, six autres de le conserver et un dernier, de le vendre. À 59,13 $, le cours-cible moyen offre un gain potentiel de 3,75 % sur un an, auquel s'ajoute un rendement de dividende de 1,5 %.

Metro

Hausse du titre de 63,3 % depuis trois ans

Source : Bloomberg

LOBLAW : POTENTIEL MAXIMUM... ET RISQUES MAXIMUMS

Depuis le milieu des années 2000, Loblaw (Provigo et Maxi, entre autres enseignes) a connu son lot de problèmes. Pour mieux concurrencer Walmart, la chaîne détenue à 60 % par Weston s'était lancée avec enthousiasme dans les marchandises générales, des téléviseurs aux ensembles patios, mais a dû faire marche arrière en constatant les résultats décevants. L'épicier ontarien nourrissait aussi de grandes ambitions par son plan quinquennal de réduction de coûts. Celui-ci a toutefois été plus difficile à implanter qu'on ne l'avait espéré. Le tout avec une équipe de direction souvent changeante.

Le nouveau pdg, Vicente Trius, est entré en poste en août 2011. Il a lui aussi concocté un plan quinquennal, visant principalement à améliorer l'offre de services et à réaliser de nouveaux investissements, entre autres dans les systèmes informatiques.

L'implantation du système d'exploitation SAP représente d'ailleurs un des principaux défis à relever. Après les sites hors magasins, la chaîne s'attaque à ses points de vente, ce qui pourrait entraîner des coûts imprévus, en plus de perturber l'exploitation. Loblaw est le dernier des trois épiciers à se doter de ce puissant outil, qui permet de mieux gérer l'inventaire. La direction a toutefois assuré qu'elle procéderait graduellement et ralentirait l'implantation en cas de pépin.

«C'est toujours un processus difficile, mais j'ai confiance en la direction», dit Mel Mariampilla, gestionnaire chez Sionna Investment Managers. Pour un chasseur d'aubaines comme lui, l'évaluation de Loblaw représente une occasion en or. «Comme le portefeuille immobilier vaut de 20 $ à 30 $ l'action, on ne paie vraiment pas cher les opérations.» M. Mariampilla prévient toutefois qu'il faudra être patient. Un regain significatif du titre prendra au moins 18 mois, sinon plus.

Marie-Ève Savard, d'Investissements Standard Life, voit aussi une occasion intéressante dans le titre de Loblaw, mais préfère attendre une amélioration de sa performance financière avant d'en accumuler. Une tendance à la hausse des ventes comparables et une tendance à la baisse des coûts la mettraient en confiance. «Des trois épiciers, Loblaw est celui qui offre le plus de potentiel d'appréciation, mais c'est aussi le plus risqué», dit-elle, en rappelant que le titre s'échange toujours à prime par rapport à ses concurrents en raison de ses propriétés immobilières.

Se défendre contre Target et Walmart

Comme Loblaw est en meilleure santé qu'il y a quelques années, le détaillant pourrait être tenté de jouer la carte des prix pour regagner des parts de marché, notent différents observateurs. Cela lui permettrait de se défendre contre Target et Walmart, mais risquerait de déclencher une guerre de prix, ce que personne ne souhaite dans l'industrie.

Les analystes recommandent en majorité l'achat du titre - huit sur six conseillent plutôt de le conserver. Ils affichent toutefois des cibles prudentes, allant de 33 $ à 43 $. Le cours cible moyen qui en résulte, 37,17 $, représente un potentiel d'appréciation d'un peu plus de 10 %. À cela s'ajoute un dividende qui procure un rendement de 2,5 % au cours actuel.

LOBLAW

Hausse du titre de 7,8 % depuis trois ans

Source : Bloomberg

EMPIRE : NI CHAUD NI FROID

Le propriétaire de Sobeys, IGA et Boni Soir laisse les gestionnaires et analystes plutôt tièdes. L'alimentation représente près de 90 % des bénéfices d'exploitation du conglomérat de la Nouvelle-Écosse. Ses autres investissements comprennent les cinémas Empire et des participations d'environ 40 % dans le fonds de placement immobilier Crombie REIT et dans des fonds de Genstar, un promoteur immobilier.

Empire a affiché de solides résultats au dernier trimestre, dépassant les attentes avec un bénéfice par action en hausse de 22 %. Son action a cependant varié de 63 $ à 54 $ depuis un an, clôturant à 59 $ récemment - soit 11 fois le bénéfice net attendu l'an prochain.

Les observateurs n'ont pas de reproches sérieux à faire à Empire. Ils s'inquiètent plutôt du pouvoir limité qu'aura Sobeys, qui regroupe toutes les enseignes de supermarchés, lorsque la concurrence s'intensifiera. Comme la chaîne est peu présente dans le segment à escompte, elle peinera à maintenir ses parts de marché sans sacrifier ses marges, dans un contexte où les clients ont soif d'aubaines et où les épiciers non traditionnels se multiplient, résume Michael Van Aelst, chez Valeurs mobilières TD. Il déconseille par ailleurs d'extrapoler la hausse de 22 % du bénéfice à l'ensemble de l'année, les résultats d'Empire fluctuant plus que ceux de ses rivales.

Il reste que l'arrivée de Target n'est pas qu'une mauvaise nouvelle pour Sobeys, puisqu'elle approvisionnera le géant américain au Canada. «Ça protègera le volume des ventes total, mais ce ne sera pas une activité particulièrement rentable, ni une protection contre l'érosion des ventes des magasins affiliés à Sobeys», nuance Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

Un nouveau pdg

Installé dans le fauteuil de pdg de Sobeys depuis juin dernier, Marc Poulin revoit vraisemblablement la stratégie de la chaîne. Il occupe des postes de direction au sein de l'entreprise depuis 1997. Surtout, il a piloté le succès d'IGA au Québec.

Son plan d'action, croit Perry Caicco, sera axé sur l'optimisation de l'exploitation, la rentabilité de l'enseigne Freshco et un réseau d'approvisionnement national plus solide. «Considérant les changements dans le secteur canadien de l'épicerie, ces efforts prennent des allures de course contre la montre», juge l'analyste.

En plus de son expérience, M. Poulin pourra aussi alimenter la croissance grâce aux 250 stations-service de Shell au Québec et dans les Maritimes, acquises en mars dernier. Il devra s'assurer de maximiser les promotions croisées, une des pierres angulaires de la transaction.

Même si certains investisseurs restent sur les lignes de côté, ce n'est pas suffisant pour faire d'Empire une aubaine, aux yeux de Mel Mariampilla. «L'évaluation est raisonnable. Le titre n'est pas une aubaine comme celui de Loblaw, mais il est quand même moins cher que celui de Metro.»

Des huit analystes sondés par Bloomberg, deux recommandent d'acheter le titre, cinq, de le conserver et un, de le vendre. Leur cours cible moyen est de 60,29 $, pour un gain potentiel de 2,5 %. Empire verse un dividende procurant un rendement de 1,6 % au cours actuel.

EMPIRE

Hausse du titre de 40,2 % depuis trois ans

Source : Bloomberg

LES ÉPICIERS EN CHIFFRES

Cours/bénéfice (12 mois à venir)

Metro 11,47

Loblaw 13,40

Empire 10,99

1 000 $ investis il y a trois ans valent aujourd'hui...

Metro 1 701 $

Loblaw 1 457 $

Empire 1 141 $

Rendement de l'avoir (dernier exercice financier terminé)

Metro 11,86 % (septembre 2011)

Loblaw 8,14 % (décembre 2011)

Empire 8,91 % (mai 2012)

Source : Bloomberg

LA CONCURRENCE ACCRUE INQUIÈTE-T-ELLE LES ANALYSTES ?

«L'offre d'épicerie ne cesse de croître au Canada, sans que le nombre de clients augmente. Les épiciers, qui doivent concurrencer Walmart, mais aussi Shoppers et Costco, se défendent avec les prix, et c'est un réel problème. Attendez que Target arrive : eux savent comment concurrencer sur les prix !» - Richard Fogler, Kingwest

«La concurrence m'inquiéterait si les multiples d'évaluation étaient plus élevés. Aux cours actuels, la croissance n'est pas chère. De plus, les gens achèteront peut-être des articles alimentaires en passant chez Target, mais ils feront leur épicerie chez IGA, Metro ou Loblaw.» - Marc-André Robitaille, AGF

«Le marché était inquiet quand Walmart a ouvert ses Supercentres, mais Metro et Empire ont fait un très bon travail. Je pense qu'elles vont très bien se défendre contre Target aussi.» - Mel Mariampilla, Sionna Investment Managers

marie-claude.morin@tc.tc

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