Les showroomers attaquent

Publié le 09/03/2013 à 00:00, mis à jour le 07/03/2013 à 10:57

Les showroomers attaquent

Publié le 09/03/2013 à 00:00, mis à jour le 07/03/2013 à 10:57

C'est le mot sur les lèvres de tous les détaillants. La plaie à combattre, le phénomène de l'heure. C'est la plus récente attaque contre les magasins de brique et mortier. Une mode qui fait peur, qui réveille, qui force à réagir. Son nom, plusieurs l'auront deviné : le showrooming.

L'Office québécois de la langue française traduit showrooming par «furetage en magasin». Ce terme encore inutilisé «fait référence à deux activités : le fait de fureter dans les magasins pour examiner le produit convoité et le fait de fureter ensuite sur Internet à la recherche du meilleur prix». En anglais, le mot showrooming illustre plutôt le fait que le magasin est considéré comme une salle d'exposition.

C'est exactement ce qui se produit. Le client entre dans un magasin, regarde la marchandise, la teste, pose des questions aux employés, jette un coup d'oeil à son téléphone... Et hop ! Surprise, le détaillant vient de perdre une vente sans même s'en rendre compte. La transaction a été conclue ou le sera plus tard (à la maison), avec un concurrent en ligne qui offre un prix inférieur.

Une pratique en plein essor

La pratique est contagieuse. Pas moins de 85 % des propriétaires de téléphones intelligents en Amérique du Nord le consultent en magasinant, selon une étude JiWire réalisée au troisième trimestre de 2012. Un bond de 33 % par rapport à la même période un an plus tôt. Le centre commercial est même l'endroit public où les propriétaires de téléphones intelligents sont les plus nombreux à surfer sur le Web. Pendant que certains achètent, d'autres comparent les prix, lisent les évaluations d'internautes ou les spécifications générales du produit.

IDC Retail Insights estime que 48 millions d'Américains (20 % de la population active) se sont adonnés au showrooming pendant la dernière période des fêtes, soit 135 % de plus en un an.

Au Canada, la mode est un peu moins répandue, mais 40 % des propriétaires d'iPhone et d'autre appareil Android «ont changé une décision d'achat en magasin à cause de l'information trouvée sur un produit au moyen de leur appareil», indique un récent sondage BrandSpark.

Les détaillants d'ici ne sont pas davantage à l'abri. L'enquête NETendances 2012 du Cefrio révèle que 31 % des détenteurs de téléphone intelligent du Québec ont utilisé leur appareil en magasin pour comparer les prix.

Les showroomers ont d'ailleurs commencé à sévir dans la boutique éponyme de luminaires de Paul Grégoire, à Sainte-Catherine en Montérégie. Irrité par la situation, l'entrepreneur a décidé d'installer des affiches interdisant la prise de photo. «On permet aux clients de prendre en photo les produits, mais pas les numéros de série, car on ne veut pas faciliter leur magasinage ailleurs.» Et ça fonctionne ? «Ça arrive quand même tous les jours... mais on ne met pas les gens dehors !»

Un ami au profil «intéressant»

Même si les statistiques ont de quoi rendre les commerçants pessimistes, une étude réalisée par Aimia (propriétaire d'Aéroplan) conclut que les adeptes du showrooming peuvent être les meilleurs amis des détaillants. «Ils sont plus enclins à participer à des programmes de fidélisation, plus disposés à échanger des renseignements personnels contre des récompenses et plus intéressés par le commerce mobile, indiqué Rick Ferguson, vice-président - Développement des connaissances chez Aimia. Les détaillants devraient tirer parti de cette tendance et transformer les showroomers en clients loyaux.»

C'est aussi l'opinion de Jill Puleri, experte du commerce de détail chez IBM, étant donné le profil «intéressant» des showroomers. «Ce sont le plus souvent des hommes de 18 à 34 ans qui ne magasinent pas parce qu'ils ont besoin de quelque chose, mais parce qu'ils ont envie d'acheter et qu'ils ont de l'argent», a-t-elle affirmé au dernier congrès annuel de la National Retail Federation, à New York.

La conférencière a par ailleurs rappelé aux détaillants qu'ils étaient souvent les artisans de leur propre malheur. Parmi les adeptes du showrooming, 25 % avaient l'intention d'acheter en magasin. Mais ils ont été déçus par leur expérience, ils n'ont pas trouvé ce qu'ils cherchaient ou n'ont pas trouvé de vendeur...

«Pour contrecarrer le showrooming, il faut prendre en charge le client quand il entre dans ton magasin», soutient François Gaumond, directeur commercial chez Umen innovation, à Montréal (création de sites et d'applications pour mobiles). Il donne l'exemple des magasins américains d'articles de sport et de plein air Moosejaw. Les employés ont tous en main un iPod leur donnant accès aux stocks et aux catalogues des fournisseurs. Cela permet d'éviter que les clients ne se tournent vers le Web si un produit est absent de la tablette. L'employé peut aussi fournir les évaluations d'internautes. «Les employés ne quittent pas les clients d'une semelle. Ce qui réduit leur envie de sortir leur propre téléphone. Ça devient gênant.»

Si les comparaisons de prix sont devenues monnaie courante, les chariots abandonnés sont encore assez peu fréquents. Aux États-Unis, où plus de la moitié des consommateurs admettent s'adonner au showrooming, «seulement» 14 % d'entre eux ont conclu une transaction sur leur mobile avec un détaillant concurrent, selon la plus récente étude de comScore. Mais attention, un simple rabais de 2,5 % suffirait à convaincre 45 % des consommateurs de se tourner vers le Web, indiquait la firme américaine de recherche GroupM Next, l'automne dernier.

marie-eve.fournier@tc.tc

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