Les revendeurs, parasites ou futés du showbiz ?

Publié le 04/06/2011 à 00:00

Les revendeurs, parasites ou futés du showbiz ?

Publié le 04/06/2011 à 00:00

Payer 215 $ pour entendre chanter Roch Voisine ou encore 750 $ pour voir danser Rihanna au Centre Bell, est-ce bien le juste prix ? C'est en tout cas ce que vont débourser des fans irréductibles qui tiennent à une bonne place, même si le prix officiel des billets ne dépasse pas 114 $.

Alors, pourquoi ces écarts vertigineux ? Tout simplement parce que les revendeurs, s'ils sont interdits dans la rue, règnent en rois et maîtres sur Internet. Irrités, les producteurs de spectacles espèrent une loi musclée pour interdire la revente de billets à profit.

L'automne dernier, au gala de l'ADISQ, l'humoriste Louis-José Houde dénonçait l'entreprise Billets.ca et, en avril, aux Rencontres de l'industrie de la musique, les trafiqueurs de billets (scalpers) de la Toile, perçus comme des parasites, suscitaient de vives inquiétudes.

" Nous avons d'abord été alertés par le public, car des gens se sont aperçus qu'ils payaient trop cher et ils étaient en colère. Les consommateurs sont floués : ils déboursent davantage, sans valeur ajoutée ", souligne la directrice générale de l'ADISQ, Solange Drouin.

L'acheteur de billets peut facilement conclure une transaction sur Internet sans se rendre compte qu'il a affaire à un revendeur. Ticketsolutionsmontreal.com n'affiche nulle part ses couleurs. Billets.ca indique sur une petite ligne en page d'accueil qu'il est un site de revente et, depuis tout récemment, affiche un encadré précisant les prix d'origine des billets qu'il revend à prix d'or. L'entreprise a été sensible aux critiques, mais les producteurs de spectacles demeurent insatisfaits.

" Les artistes veulent contrôler l'accès à leurs spectacles aux conditions qu'ils jugent bonnes. Ceux qui s'adressent à une clientèle jeune tiennent à rester accessibles. Et puis, si tu paies 100 $, tu t'attends à un spectacle à grand déploiement et ça crée une déception quand tu as l'impression de ne pas en avoir pour ton argent ", explique Mme Drouin.

Ce qui indispose aussi les producteurs de spectacles, c'est que les revendeurs créent dans le marché une rareté artificielle en s'accaparant rapidement de grandes quantités de billets pour les spectacles les plus populaires. À titre d'exemple, Billets.ca a une quinzaine d'employés qui peuvent s'abonner aux salles de spectacles ou devenir membres de fan-clubs pour accéder aux préventes de billets.

" On a beau rayer certaines personnes de nos listes, on ne peut pas contrôler le phénomène à 100 %, admet Claude Paquet, directeur général de la Salle Albert-Rousseau à Québec. Ça nous met mal à l'aise face aux artistes. "

Pour attirer leur clientèle, les revendeurs sont champions du référencement sur les moteurs de recherches Internet. Si vous lancez une recherche sur Google avec les mots " billet " et " Rihanna ", Billets.ca apparaît en haut de page et plusieurs revendeurs suivent. La billetterie officielle apparaît toujours plus loin et les consommateurs n'y voient souvent que du feu.

" Pour les combattre, il faudrait payer de gros montants en référencement, ce qui n'a pas de sens, dit le producteur François Rozon de la maison Encore (Martin Matte). C'est dommage, parce qu'à la fin, seulement les plus riches peuvent avoir de bons billets. Et les prix élevés découragent certaines personnes d'assister à des spectacles. "

Interdire la revente, une solution ?

Sensible aux arguments de l'ADISQ, le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier étudie actuellement la possibilité de modifier la Loi sur la protection du consommateur, selon les recommandations fournies la semaine dernière par l'Office de la protection du consommateur. Va-t-on interdire la revente à profit, comme en Ontario, où des amendes de 5 000 $ guettent tant l'acheteur que le revendeur ? Le bureau du ministre reste muet pour le moment, mais la perspective d'une législation ne semble pas inquiéter les revendeurs.

" Une loi, je trouverais ça dommage, mais ça ne changerait rien pour nous, réagit Éric Bussières, qui a fondé Billets.ca. Je déménagerais mes serveurs au Nouveau-Brunswick et je continuerais. "

M. Bussières considère rendre service aux consommateurs, car il achète aussi des billets à des gens qui sont empêchés de se rendre à un spectacle comme prévu. Il considère transiger avec une clientèle avertie, qui ne voit aucun inconvénient à payer plus cher pour obtenir de bons billets. " Et puis, nous sommes les seuls à rembourser les clients s'ils sont mécontents ou ont un empêchement, fait-il valoir. Les producteurs et les salles ont pris du retard sur le Net. Je crois que c'est notre visibilité qui dérange, plus que le prix de nos billets. "

LE CAS DES ÉTATS-UNIS

Aux États-Unis, le marché de la revente de billets de concerts et d'événements sportifs atteindra 4,5 milliards de dollars (G$) en 2012, selon Forrest Research. Le géant Live Nation, qui possède Ticketmaster, le principal réseau de vente du pays, est aussi propriétaire du revendeur TicketsNow. L'an dernier, la Federal Trade Commission a ordonné à Ticketmaster de rembourser les fans de Bruce Springsteen qui, quelques minutes après la mise en vente de la tournée du printemps 2009, avaient été redirigés sur TicketsNow, où les billets se vendaient quatre fois le prix.

Lors des Rencontres de l'industrie de la musique, en avril à Montréal, l'avocate Heidy Vaquerano, du cabinet LaPolt Law, a affirmé que les pratiques de vente douteuses contribuent au déclin des ventes de billets de spectacles aux États-Unis (- 12 % de 2009 à 2010). De moins en moins de gens sont prêts à payer le gros prix fixé par les revendeurs. " Les fans devront se montrer plus rusés et trouver des billets en promotion ", a dit Mme Vaquerano.

valérie.lesage@transcontinental.ca

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