Les recruteurs doivent composer avec les cours gratuits en ligne

Publié le 08/06/2013 à 00:00, mis à jour le 06/06/2013 à 09:30

Les recruteurs doivent composer avec les cours gratuits en ligne

Publié le 08/06/2013 à 00:00, mis à jour le 06/06/2013 à 09:30

Timur Ridjanovic a fait un pari très risqué en décembre dernier. Victime d'une compression de personnel, l'analyste en marketing en a profité pour mettre à exécution un plan auquel il songeait depuis un moment : se réorienter en informatique en suivant des cours en ligne ouverts et massifs (MOOC). Depuis lors, ce bachelier en administration de l'Université Laval étudie à temps plein sur son ordinateur, sans savoir si sa formation sera reconnue par les employeurs, car elle ne donne pas de crédit universitaire.

«À Stanford [une université californienne qui offre des MOOC], les cours en informatique sont vraiment orientés vers les start-ups, ce qui n'est pas le cas des cours offerts par les universités au Québec», dit M. Ridjanovic. Il juge ainsi que les MOOC offerts gratuitement sur Internet lui permettront d'acquérir des compétences qu'il n'aurait pas acquises dans une université québécoise.

S'il remporte son pari, il aura gagné du temps et économisé de l'argent, puisque son objectif est de décrocher un emploi en informatique dès septembre prochain, après avoir suivi une quinzaine de MOOC et de cours alternatifs en ligne.

Aux États-Unis, plusieurs jeunes font le même pari en renonçant aux études universitaires traditionnelles pour plutôt suivre des MOOC. À compter de septembre, le MOOC Campus, situé en Caroline du Nord, accueillera sa première cohorte de 25 à 55 étudiants ayant opté pour cette approche. Le nouveau programme vise à briser l'isolement de ces étudiants, tout en les aidant à composer leur programme de formation.

«Je suis chanceux, car le domaine où je veux me réorienter, c'est une industrie où les compétences sont plus importantes que les études», dit M. Ridjanovic.

Dans les faits, au Québec, les diplômes universitaires demeurent incontournables pour de nombreuses entreprises en informatique. «Pour la majorité de mes clients, le diplôme, c'est une condition non négociable», met en garde Frédérick Brassard, associé chez 3pod, une agence de recrutement montréalaise servant les industries du jeu vidéo et des TI.

Mireille Castonguay, directrice du recrutement pour les services partagés chez CGI, n'avait jamais entendu parler des MOOC avant notre appel. Néanmoins, elle nous a expliqué que l'expérience des candidats pouvait souvent compenser l'absence de diplômes. «Dans le cas de la consultation, par exemple, ce que notre client type veut, c'est un expert qui sera en mesure de l'aider», explique-t-elle.

Pour un grand nombre d'employeurs comme CGI, l'expérience est plus importante que les diplômes. Ainsi, l'impact des MOOC sur le marché de l'emploi pourrait être indirect. En effet, ces cours permettent à quiconque d'acquérir les compétences lui permettant de prouver sa valeur sur le marché du travail, que ce soit en fondant une entreprise ou en bâtissant son portfolio.

Accroître la légitimité des cours

Le principal obstacle à la reconnaissance des MOOC par les employeurs vient du fait qu'il est difficile d'évaluer la valeur d'une attestation non créditée. D'une part, la correction est automatisée ou est effectuée par les pairs. D'autre part, rien n'empêche un étudiant de demander à un ami de faire un examen à sa place.

Afin de mettre les employeurs en confiance, le site Coursera.org offre déjà aux étudiants inscrits dans certains de ses cours d'obtenir un certificat vérifié, moyennant des frais de 30 à 100 $ US. Ces certificats offerts en ligne garantissent l'identité de l'étudiant, résument le contenu du cours réussi et précisent le temps nécessaire pour le terminer.

La plateforme concurrente Udacity souhaite elle aussi accroître la légitimité de ses cours. «Nous cherchons à créer un processus afin de garantir l'authenticité du travail et des compétences de nos étudiants, de manière à ce que les employeurs et les autres institutions soient mieux à même de reconnaître leur travail», dit Clarissa Shen, vice-présidente du développement des affaires chez Udacity.

Pour Jean Talbot, initiateur d'EDUlib, la plateforme de MOOC lancée par HEC Montréal l'année dernière, ce n'est qu'une question de temps avant que ces cours ne soient reconnus. «Le jour où les employeurs reconnaîtront que ces formations sont bonnes, ça aura un impact majeur sur le marché du travail. Quant à l'enjeu de la vérification, on peut imaginer que ce sera le rôle des employeurs de faire passer des tests.»

DES SERVICES DE RECRUTEMENT

Les employeurs ne sont pas insensibles aux vertus des MOOC, puisque certains sont prêts à payer pour entrer en contact avec des candidats ayant suivi certains MOOC. Depuis décembre 2012, Coursera offre en effet des services de recrutement.

LA GRATUITÉ, L'ARME SECRÈTE DES MOOC

Si les MOOC crédités sont manifestement recherchés en Occident, c'est la version originale et gratuite de ces cours qui est révolutionnaire. Ces cours sont en effet à la portée de centaine de millions d'internautes des pays émergents, dont un grand nombre n'a pas les moyens d'aller à l'université. Et c'est sans parler de ceux qui n'ont accès qu'à des universités offrant des cours de moindre qualité.

Grâce aux MOOC, toutes les universités de la planète se retrouveront bientôt en concurrence avec les grandes universités américaines et britanniques. «On vient d'ouvrir un marché mondial de la formation, et l'attrait de Harvard va être difficile à combattre», dit Jean Talbot, responsable de la plateforme EDUlib de HEC Montréal.

Cette concurrence accrue devrait avoir pour effet de relever le niveau de qualité de toutes les universités... et le niveau de compétence de la main-d'oeuvre dans les pays émergents. Les entreprises occidentales pourraient alors y délocaliser davantage de postes hautement qualifiés. Une mauvaise nouvelle pour les employés occidentaux de certains secteurs. Cependant, globalement, plusieurs voient cette accessibilité accrue à l'éducation comme un bienfait : «L'éducation est la solution à la plupart des problèmes mondiaux. Alors, l'accessibilité rendue possible par les MOOC, c'est transformateur», dit Arshad Ahmad, professeur agrégé en finance à l'Université Concordia.

Parfaire la formation en entreprise

Bien que le Canada soit l'un des pays où le taux de diplômés universitaires soit le plus élevé du monde, Jean Talbot considère que l'accès facile aux MOOC aura un effet ici aussi : «Il y a plein de gens au Québec qui, pour différentes raisons, ne peuvent pas aller à l'université», soutient-il. Si les deux premiers cours proposés par EDUlib ont été suivis par de nombreux étudiants en provenance de pays émergents, ils ont également été utilisés pour faire de la formation en entreprise au Québec.

julien.brault@tc.tc

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