Léger, léger

Publié le 20/10/2012 à 00:00

Léger, léger

Publié le 20/10/2012 à 00:00

Côté technologie, les PME ne peuvent pas s'offrir les systèmes complexes des grandes entreprises. Mais cette légèreté leur fait gagner en agilité.

Les Mongols ont conquis le monde au 13e siècle, en dépit de retards techniques et de la pauvreté de leurs terres. Comment y sont-ils parvenus ? Ils étaient beaucoup plus rapides que les armées ennemies mieux équipées qu'ils attaquaient. Comme ils faisaient la guerre à dos de cheval, ces nomades n'emportaient avec eux que le strict nécessaire. Comme eux, les PME ont sur les multinationales l'avantage de la vitesse, de la souplesse et de la mobilité.

Les multinationales traînent une infrastructure TI qui limite leurs mouvements. Qui plus est, elles ont des richesses à protéger, et sont moins tolérantes au risque que les PME. Ces dernières n'hésitent pas à embrasser l'informatique dans les nuages, ni à laisser leurs employés s'exprimer librement sur les médias sociaux. Si elles emploient également les TI, c'est pour accroître leur flexibilité en éliminant l'utilisation du papier et en permettant à leurs employés de travailler à distance.

Le bureau sans papier

Le bureau sans papier est un concept qui a été mis en avant depuis que les entreprises ont troqué les machines à écrire contre des ordinateurs. Jusqu'à maintenant, il ne s'est jamais imposé. Aujourd'hui, l'omniprésence des tablettes et l'accessibilité des logiciels d'archivage ont permis au concept de devenir une réalité dans de nombreuses PME. Les entreprises qui traitent un volume minimal de documents sont celles qui ont le plus à gagner d'une politique sans papier, mais rares sont les contextes où le papier est le support d'archivage ou de communication le plus efficace.

Chez Picard, Choronzey, Harvey, un petit cabinet de comptables de Montréal, la quête du bureau sans papier découle d'une décision pragmatique quant aux coûts de location : «Quand il fallait louer dans des entrepôts spécialisés, nous nous sommes rendu compte que ça nous revenait plus cher du pied carré que nos propres bureaux», explique Sylvie Choronzey.

Depuis lors, tous les documents qui n'ont pas besoin d'être conservés physiquement sont d'abord numérisés, puis détruits. L'entreprise dispose pour ce faire d'un numériseur qui peut traiter 40 pages à la minute. Les documents sont alors automatiquement classés par CCH Doc, un logiciel de gestion de contenu destiné aux comptables : «Auparavant, nous devions entreposer environ quatre caisses de papiers par client. Aujourd'hui, un dossier d'une épaisseur de quelques centimètres suffit à archiver les documents signés pour lesquels nous devons conserver des originaux», explique Sylvie Choronzey.

L'entreprise, dont tous les employés sont équipés de tablettes, a également banni le papier des réunions. L'économie en matière d'entreposage et de papier n'est toutefois pas le principal bénéfice de cette stratégie. En effet, les employés de la PME peuvent mettre la main sur n'importe quel document en quelques clics, ce qui leur évite de passer leur temps à chercher et à replacer des dossiers pleins de documents : «L'économie de temps est beaucoup plus tangible que l'épargne réalisée sur le papier. Je dirais que le gain en productivité est de 25 à 30 %», affirme Sylvie Choronzey.

Les firmes comptables ne sont pas les seules PME québécoises à avoir fait le pari du bureau sans papier : «Dès qu'une entreprise reçoit 500 factures par mois, elle a tout avantage à utiliser notre solution de traitement de documents dans les nuages», soutient Patrick Galamé, président d'INTEGRIM. L'entreprise montréalaise facture à ses clients de 0,25 à 1 dollar par document classé par un logiciel de reconnaissance automatique de caractères, qui classe automatiquement les documents soumis. Ces derniers sont alors entreposés sur les serveurs d'INTEGRIM, et sont accessibles à partir de n'importe quel ordinateur connecté à Internet.

Le bureau mobile

Les PME qui ont numérisé l'ensemble de leurs documents papier ont un avantage sur les autres en matière de mobilité. Celles qui favorisent le télétravail ne se contentent plus seulement de rendre leurs archives accessibles en ligne ; de plus en plus de PME s'assurent que leurs employés peuvent travailler à distance avec le même numéro de téléphone et les mêmes outils informatiques. Cette approche est surtout populaire auprès des entreprises dont les employés sont souvent en déplacement, et des sociétés qui favorisent le télétravail.

Les bureaux de Nashen Technologies, une PME de 12 employés qui oeuvre dans le secteur du soutien informatique, accueillent rarement plus de six d'entre eux. Le taux d'absentéisme de l'entreprise n'est pas en cause, bien au contraire : les employés peuvent travailler de chez eux. «Par exemple, le consultant qui a deux rendez-vous travaillera de chez lui le matin, avant son premier rendez-vous, et rentrera chez lui directement après le second, illustre Barry Nashen, vice-président de l'entreprise. Si nous lui évitons deux trajets de 30 minutes ce jour-là, l'entreprise gagne une heure de travail de plus.»

Grâce au système de téléphonie IP dont Nashen Technologies s'est dotée, les employés peuvent être joints au même poste téléphonique. Lorsqu'ils se déplacent, ils prennent leurs appels sur leur téléphone cellulaire. Ils peuvent également accéder à leurs outils de travail sur Internet : «Nous avons développé notre propre CRM [logiciel de gestion de la relation client], qui est accessible à partir de n'importe quel ordinateur ou téléphone, explique Barry Nashen.La moitié de la trousse d'outils est accessible en ligne. Pour le reste, nos employés peuvent utiliser leur portable pour se connecter à leur poste de travail par VPN .»

Nashen Technologies héberge ses applications sur ses propres serveurs. Il faut dire que l'entreprise oeuvrant en informatique, la gestion des serveurs est loin de poser problème. De plus en plus d'entreprises qui accordent de l'importance à la mobilité optent toutefois pour des logiciels hébergés dans les nuages. C'est notamment le cas de la maison de production de disque montréalaise Analekta, dont le domaine d'expertise est la musique classique. La PME montréalaise, qui emploie 10 personnes, a ainsi adopté la suite de productivité Google Apps.

Analekta utilise Google Docs pour faire le traitement de texte et Gmail pour les courriels. Elle emploie Google Drive pour archiver tous ses documents. François Mario Labbé, président de la PME, peut ainsi accéder à tout ce dont il a besoin pour travailler lors de ses fréquents voyages à l'étranger, et ce, à partir de n'importe quel appareil branché à Internet.

Ses employés, qui sont tous équipés d'un iPhone et d'un iPad, travaillent également à distance à l'occasion. «Depuis que nous nous servons de Google Apps, j'ai noté un gain en productivité, qui est surtout attribuable à la simplicité et la fiabilité du produit, souligne François Mario Labbé. Nous réalisons aussi des économies, puisqu'en un an d'utilisation de Google Apps, nous n'avons pas une seule fois fait appel à un technicien en informatique.»

Le marketing social

Les PME peuvent rarement rivaliser avec les grandes entreprises en matière de marketing. Par contre, sur les médias sociaux, leur petite taille constitue un avantage que toutes les PME qui vendent directement aux consommateurs ont intérêt à exploiter.

Les grandes sociétés citées comme des exemples à suivre en matière de médias sociaux sont celles qui, comme IBM et Dell, incitent des employés de tous les services à s'engager. Or, dans de telles entreprises, cette pratique est encore l'exception qui confirme la règle, notamment en raison des coûts de formation qu'elle entraîne et des risques qu'elle sous-tend.

Dans les PME, il est d'usage que tous les employés mettent la main à la pâte. Chez Crudessence, un restaurant-traiteur montréalais, il est ainsi monnaie courante qu'un cuisinier prenne des photos pour Pinterest ou qu'un vendeur rédige un texte pour Facebook. «Je gère les comptes, mais j'encourage tous les employés à m'envoyer du contenu», explique Paul Gélinas, responsable du marketing de l'entreprise.

Crudessence publie notamment des recettes de plats faits à partir de produits qu'elle vend, et ses soldes sur Facebook, sur Twitter et sur Google+. Elle alimente également une chaîne YouTube avec ses vidéos et entretient une présence sur Fousquare. Bref, l'entreprise réagit vite aux tendances, et malgré des ressources limitées, elle fait bonne figure par rapport aux grands détaillants.

Paul Gélinas affirme que le fait de miser sur les médias sociaux «est un excellent moyen de faire de la promotion à peu de frais». Bien qu'il n'ait pas mesuré avec précision les résultats de la stratégie, il est convaincu qu'elle rapporte à Crudessence : «L'important, c'est qu'elle nous permet de communiquer directement avec les gens qui croient en notre mission et qui aiment nos produits», lance-t-il.

Jean-Philippe Moquet, propriétaire de Crème et Myrtilles, s'est lui aussi lancé à l'aveuglette quand il s'est tourné vers le financement collaboratif au printemps dernier. Il avait pour objectif d'obtenir 10 000 dollars pour financer l'acquisition d'un batteur-mélangeur et d'un nouveau four. «Le crowdfunding est déjà très populaire en Europe et aux États-Unis, alors j'ai pensé que ça pourrait nous réussir, explique Jean-Philippe Moquet. C'était d'autant plus intéressant que c'était moins risqué et moins exigeant que de vendre des cartes-cadeaux, par exemple.»

Au final, la campagne de Jean-Philippe Moquet sur le site québécois fundo.ca a rapporté 10 900 dollars. En échange des contributions de 25 dollars à 500 dollars faites par les utilisateurs du site, la pâtisserie de Knowlton s'est engagée à offrir des boîtes de macarons et des services de traiteur.

Certes, ce sont surtout les grandes sociétés qui ont peaufiné les stratégies les plus citées sur les médias sociaux. Comme les Mongols, qui ont emprunté aux Chinois la poudre à canon, les PME n'ont toutefois pas perdu de temps pour se les approprier en vue de gagner des parts de marché... ou de conquérir le monde, c'est selon.

LES PME DOIVENT DÉFINIR LEURS BESOINS EN TI AVANT D'INVESTIR

Les PME québécoises investissent moins que leurs homologues canadiennes en TI. Qui plus est, selon le professeur Benoit Aubert, elles gaspillent leurs ressources limitées en faisant de mauvais choix technologiques. «Dans les plus petites PME, il est courant qu'on détermine mal les besoins : elles n'emploient pas de véritables spécialistes des TI», fait valoir le professeur en gouvernance et technologies de l'information à HEC Montréal.

Par conséquent, les PME devraient investir dans une solution répondant à leur besoin d'affaires principal avant tout. Par exemple, une entreprise de distribution devrait investir dans un logiciel de gestion des stocks efficace et conçu de telle manière qu'il le restera dans l'éventualité d'une croissance rapide. «Pour une PME, investir dans des solutions superflues, c'est comme peindre une maison avant d'avoir fini les fondations, souligne Benoit Aubert. Avant d'investir dans les TI, les PME devraient avoir déterminé leurs besoins actuels et à long terme.»

Dans cette optique, la souplesse des PME pourrait jouer contre elles : «La flexibilité procure un avantage à court terme, mais souvent, ce qu'on voit, c'est que les PME ne sont pas organisées pour croître à long terme», soutient Benoit Aubert.

56 %

Pourcentage de Canadiens qui peuvent travailler à distance et qui estiment que les employés en télétravail sont plus productifs. Ils expliquent ce phénomène par une meilleure concentration et par une satisfaction accrue liée au plus grand contrôle sur leur environnement et sur leurs horaires (À l'échelle mondiale, ce pourcentage s'élève à 65 %).

Source : Reuters/Ipsos Reid, janvier 2012

SATISFACTION DES PME CANADIENNES ACTIVES SUR LES MÉDIAS SOCIAUX QUANT AUX RÉSULTATS OBTENUS

5,6 % Pas du tout satisfaites

21,8 % Très satisfaites

21,8 % Satisfaites

15 % Peu satisfaites

26,6 % Modérément satisfaites

41 %

Pourcentage des PME américaines converties à l'informatique dans les nuages, et qui considèrent qu'elles peuvent maintenant affecter plus d'employés à des activités qui génèrent des revenus ou de la croissance.

Source : «Small/Medium Business (SMB) Cloud Study», comScore, mai 2012

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