«Le succès vient lorsqu'on fait des choses que les gens aiment !» - Karim Rashid, designer de réputation internationale

Publié le 28/09/2013 à 00:00, mis à jour le 26/09/2013 à 09:53

«Le succès vient lorsqu'on fait des choses que les gens aiment !» - Karim Rashid, designer de réputation internationale

Publié le 28/09/2013 à 00:00, mis à jour le 26/09/2013 à 09:53

Karim Rashid est l'un des designers les plus prolifiques de sa génération. Cet immigrant de 52 ans d'origine égyptienne ayant grandi au Canada a signé le design de 3 000 produits, a été primé plus de 300 fois et travaille dans 47 pays. Son style flamboyant et ses idées fortes ont fait de ce touche-à-tout, qui vit à New York, une icône de l'art de vivre. Nous l'avons rencontré dans le cadre d'une conférence organisée récemment par Index Design, à Montréal.

Les Affaires - Avez-vous toujours su que vous vouliez être un designer ?

Karim Rashid - Oui. Quand j'étais petit, à l'âge de cinq ou six ans, je dessinais tout ce qui se trouvait autour de moi : les souliers de ma mère, la chaîne stéréo de mon père, le sofa... Ensuite, je modifiais ces objets pour qu'ils soient à mon goût. J'ai toujours voulu façonner ce qui m'entourait. Longtemps, j'ai pensé qu'il fallait que je devienne architecte, mais quand je suis entré en design industriel à l'Université Carleton à Ottawa, j'ai su que j'avais trouvé ma vocation.

L.A. - Comment avez-vous fait avancer votre carrière ?

K.R. - J'ai fait une maîtrise en Italie. J'ai étudié avec Ettore Sottsass, Gaetano Pesce et Andries Van Onck. J'ai aussi suivi des cours du soir avec Achille Castiglioni. Je crois en l'importance des hautes études, cela vous apprend à apprendre. J'ai ensuite fait un stage de deux ans au studio de Rodolfo Bonetto à Milan, parce que j'admirais son travail. C'est ce que je conseille à ceux qui veulent réussir : frappez à la porte de ceux que vous admirez. Je suis ensuite revenu au Canada et j'ai travaillé pendant huit ans dans un studio de Toronto à concevoir des machines à rayons X, un appareil de mammographie, des outils pour Black & Decker, des sièges de train, des boîtes aux lettres. Cela ne m'excitait pas, mais c'est là que j'ai appris tout ce qu'il me fallait pour ouvrir mon propre studio à New York en 1993. Je reçois parfois des messages de jeunes diplômés qui me disent : "Je viens d'obtenir mon diplôme. J'ai dessiné une chaise ; comment je fais pour trouver un manufacturier ?" Je leur réponds : trouve-toi donc un job et apprends avant de partir à ton compte !

L.A. - Travailler à votre compte a-t-il été difficile au début ?

K.R. - Très. Je n'avais ni contrats, ni relations. J'ai envoyé plus 100 propositions à des entreprises trouvées dans les Pages jaunes. Je frappais à toutes les portes, me rendais dans tous les coins des États-Unis, rien ne débloquait, et j'ai failli faire une dépression. Puis un jour, j'ai vu un objet de table fabriqué par une entreprise de Santa Fe, Nambe, dont j'aimais le travail. J'ai offert mes services à l'entreprise, un cold call. Je suis bien tombé, elle venait d'être rachetée et se cherchait un designer. C'est avec elle que j'ai gagné mon premier prix, et il m'arrive encore de travailler pour cette entreprise. Mon succès s'est bâti lentement, petit à petit, à force de constance.

L.A. - Comment définissez-vous le succès ?

K.R. - C'est simple, le succès vient lorsqu'on fait des choses que les gens aiment ! Je suis populiste à cet égard. Vous savez, j'ai le respect de peu de grands designers ; ils me regardent de haut. Mais j'ai le respect du public, et c'est ce qui compte pour moi. J'ai 100 000 fans sur ma page Facebook et je ne suis pas une rock star ! Ma philosophie est la suivante : le design ne devrait exister que parce qu'il améliore l'expérience de vie des utilisateurs. Sinon, il ne sert à rien !

L.A. - Vous travaillez sur une centaine de projets en même temps, mais votre studio ne compte que 18 employés. Pourquoi un si petit effectif ?

K.R. - Moins j'ai d'employés, meilleur sera mon travail. Je pourrais avoir 150 employés, mais comment je les gérerais ? Je deviendrais fou, parce que je suis du genre à m'investir dans toutes les étapes d'un projet.

L.A. - Que faites-vous quand vous voyagez ?

K.R. - Je ne voyage jamais longtemps. Même si je vais au Japon, je ne reste pas une semaine, car je veux être à mon bureau au moins un jour par semaine.

L.A. - Comment un designer peut-il convaincre un client d'adhérer à sa vision ?

K.R. - J'ai deux suggestions. D'abord, si vous voyez que le client est inquiet et trouve votre proposition trop radicale, complimentez-le sur ce qu'il a accompli avant vous. C'est ce que j'ai fait dans un projet de complexe de logements à prix modique pour la ville de Saint-Pétersbourg. Un autre truc : emmenez votre client visiter les projets que vous avez réalisés. Cela va le rassurer. Mais cela dit, le designer n'est pas un artiste. Il ne peut pas être égoïste. Il doit faire des compromis et travailler en collaboration avec son client. Son objectif doit toujours rester commercial. Vos clients ne seront pas patients avec vous si vous ne faites pas augmenter leur chiffre d'affaires.

L.A. - Quel projet avez le plus aimé faire ?

K.R. - Je me souviens de la fierté que j'ai éprouvée devant la chaise Oh de Umbra (1995). J'aime quand mes idées se matérialisent dans des produits d'usage quotidien.

L.A. - Un produit ou un projet que vous n'avez pas fait et que vous aimeriez faire ?

K.R. - Un hôtel à Montréal. J'avais pris contact avec le Groupe Germain, mais il n'était pas intéressé.

L.A. - Vos conseils pour les designers qui veulent lancer leur boîte ?

K.R. - Soyez cohérent. C'est la clé : il faut que votre nouvelle oeuvre soit aussi bonne, sinon meilleure que la dernière. Soyez patient. Apprenez à apprendre. Soyez pratique mais original. Tout a été fait, mais aujourd'hui, l'originalité est dans la nuance. Vous devez vous concentrer sur l'humain et ses émotions. Utilisez la technologie pour lui rendre la vie plus facile et agréable. N'oubliez pas que vos clients ne sont pas vos invités.

suzanne.dansereau@tc.tc

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