La responsabilité sociale, version 2020

Publié le 08/12/2012 à 00:00

La responsabilité sociale, version 2020

Publié le 08/12/2012 à 00:00

En Europe, la responsabilité sociale ne consiste plus seulement à produire un rapport annuel de développement durable et d'en mousser la publication. Une nouvelle initiative, appelée Entreprise 2020, lancée par l'Union européenne, s'attend à ce que les entreprises privées contribuent à régler des problèmes sociaux. Qu'elles fassent de «l'innovation sociale» et «créent de la valeur partagée».

C'est ce qu'a expliqué Stefan Crets, directeur exécutif du regroupement d'entreprises CSR Europe, lors d'un passage à Montréal cet automne, dans le cadre d'une conférence sur la responsabilité sociale en Europe.

«La notion de responsabilité sociale a évolué, a-t-il expliqué en entrevue à Les Affaires. Avant, cela tournait autour de la gestion de l'impact d'une entreprise sur ses employés, la communauté et l'environnement, et de la conformité à certaines normes. Maintenant, qu'une entreprise soit socialement responsable signifie qu'elle doit poser des gestes profitables pas seulement pour ses produits ou services, mais aussi pour la société.»

Certaines multinationales européennes sont déjà sur cette lancée, relate M. Crets. Il donne l'exemple de la pharmaceutique suisse Novartis qui s'est associée à l'entreprise de télécommunications Vodafone pour distribuer des vaccins contre la malaria dans des régions éloignées d'Afrique, où la population n'y avait pas accès auparavant. «Le résultat a été bon pour Novartis - qui a pu vendre plus de vaccins - mais aussi pour la population», d'expliquer M. Crets.

Autre exemple : la multinationale française Veolia, qui a créé une coentreprise avec la Banque Graamen, du Bangladesh, pour traiter les eaux contaminées de puits de ce pays. Les profits sont réinvestis dans le système au lieu de rapporter des dividendes aux actionnaires.

Gouvernement et entreprises

Stefan Crets voit d'un bon oeil que les gouvernements se tournent vers le secteur privé pour traiter certains problèmes sociaux ou environnementaux. «C'est la nouvelle tendance, fait-il valoir. Les entreprises doivent revoir leurs modèles commerciaux dans la nouvelle économie qui est de nature circulaire», poursuit-il.

Elles doivent non seulement chercher à faire des profits, mais aussi à trouver des solutions pour les sociétés où elles sont actives, en collaborant de façon plus étroite avec les parties prenantes, y compris les organismes non gouvernementaux, soutient-il.

Sa conférence à Montréal a attiré une cinquantaine de représentants d'entreprises, clientes de National, le cabinet de relations publiques organisateur de l'événement. Ce qui se passe en Europe attire d'autant plus l'attention que le Canada s'apprête à signer une entente de libre-échange avec l'Union européenne.

L'Amérique du Nord est-elle moins avancée que l'Europe en matière de responsabilité sociale ? M. Crets pense que cela est peut-être le cas en ce qui a trait aux politiques, mais sur le terrain, les américaines font du bon travail selon lui, que l'on pense à GE ou IBM, notamment. Quant au Canada, le spécialiste n'en connaît pas assez, mais s'est dit surpris de voir une publicité de compagnie pétrolière qui se limitait à vanter sa marque. «Chez nous, cela ne passerait pas ainsi», nous a-t-il confié.

Plus de travail

Marc Paquin, pdg du groupe-conseil en développement durable Unisféra, assistait à la conférence de M. Crets. Selon lui, les entreprises canadiennes ont du pain sur la planche. «Au début, c'est facile. On revoit notre programme de dons et de commandites. On met des bacs de recyclage dans les bureaux, des ampoules qui consomment moins d'énergie... Mais la nouvelle étape consiste à créer de la valeur partagée, et cela demande plus de travail.»

Selon lui, le développement économique du Nord-du-Québec représente une occasion idéale pour les entreprises qui y sont actives de montrer ce qu'elles peuvent faire au chapitre de la responsabilité sociale. «Elles ont la possibilité de renforcer le tissu social, en faisant travailler des fournisseurs locaux et la population locale, explique-t-il.

Elles peuvent aussi contribuer à enrayer ou amenuiser des problèmes sociaux comme la toxicomanie, ajoute-t-il. Unisféra est en réflexion stratégique à ce sujet, précise M. Paquin.

Chez National, le responsable de la pratique en responsabilité sociale, Pierre-Philippe Lortie, conseille aux entreprises canadiennes d'intégrer leur responsabilité sociale à leur planification stratégie et leur exploitation, plutôt que de la considérer comme une unité d'affaires parmi d'autres. Mais cela demande un changement de culture. Certaines entreprises en sont encore à leur premier rapport de développement durable.

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