La réforme de la Loi sur la concurrence augmente les risques de poursuite

Publié le 15/05/2010 à 00:00

La réforme de la Loi sur la concurrence augmente les risques de poursuite

Publié le 15/05/2010 à 00:00

Vous pensez que la collusion pour fixer les prix est le fait des seules multinationales ? Attention ; si vous vendez des légumes dans un marché public et que vous vous entendez sur un prix de vente avec le marchand voisin, vous pourriez aussi être poursuivi.

Le gouvernement fédéral a profité du budget de mars 2009 pour adopter la plus importante réforme de la Loi sur la concurrence depuis 25 ans. Certaines de ces mesures sont entrées en vigueur en mars 2009, d'autres en mars 2010.

Trois avocats du cabinet McCarthy Tétrault nous expliquent comment ces changements touchent les entreprises : Madeleine Renaud, Yves Comtois et Dominic Thérien.

La collusion

La loi interdit depuis 1889 de s'entendre pour réduire indûment la concurrence. Mais le Bureau de la concurrence devait prouver les conséquences de l'entente sur le marché, ce qui n'était pas une mince tâche.

Par exemple, si dans une ville qui compte 20 stations d'essence, deux ou trois d'entre elles s'entendent pour fixer les prix, il n'y aura pas d'impact indu sur la concurrence. Même chose si deux fournisseurs s'entendent pour rester à l'écart du marché de leur concurrent ou pour réduire la production.

" Dans des cas comme ceux-là, il était presque impossible de prouver que l'entente avait influencé la concurrence dans le marché ", explique Madeleine Renaud.

Bonne nouvelle pour les consommateurs : depuis mars dernier, la preuve de la conséquence sur le marché n'a plus à être faite. S'il y a collusion pour fixer les prix, partager les marchés ou limiter la production, il y a crime. L'amende maximum est passée de 10 à 25 millions de dollars, et la peine d'emprisonnement, de 5 à 14 ans pour chaque chef d'accusation. " Depuis une dizaine d'années, le Bureau de la concurrence tend de plus en plus à accuser les employés plutôt qu'imposer des amendes aux entreprises ", affirme Yves Comtois.

Le trucage d'offres

La peine de prison maximale est passée à 14 ans par chef d'accusation pour les sociétés ou les individus qui s'entendent pour fixer le montant ou pour déterminer qui obtiendra un contrat lors d'appels d'offres. La loi prévoit une amende dont le montant est laissé à l'appréciation de la Cour.

Une nouvelle disposition non criminelle est entrée en vigueur en mars 2010. Elle permet au Tribunal de la concurrence de mettre fin à toute entente entre deux concurrents, comme les regroupements d'achats, les sociétés conjointes de R-D, ou à la mise en commun du réseau de distribution, s'il juge que celles-ci réduisent sensiblement la concurrence. Dans ce cas, il n'y a ni amende ni peine de prison.

" Le Bureau de la concurrence devra prouver les conséquences sur la concurrence, mais au civil, cette preuve est plus facile à établir qu'au criminel ", précise Dominic Thérien.

LES PRINCIPAUX CHANGEMENTS

Voici un rappel des changements apportés à la Loi sur la concurrence qui sont entrées en vigueur en mars 2009.

1 Avant mars 2009, il était criminel pour un fournisseur d'imposer un prix de détail minimum. Cela ne l'est plus. Permettre au fournisseur d'établir le prix de revente semble aller à l'encontre de l'objectif de la Loi sur la concurrence. Pourtant, l'expérience montre que le fait de permettre au fournisseur d'un nouveau produit de fixer son prix de revente pour assurer une marge bénéficiaire raisonnable à ses distributeurs peut leur donner une meilleure chance de se développer.

2 Le processus d'examen des fusions et acquisitions a aussi changé. Avant, les parties devaient informer le Bureau de la concurrence avant de compléter la transaction si la valeur des éléments d'actif ou les revenus de l'entreprise acquise dépassaient 50 millions de dollars. Ce seuil a été relevé à 70 millions.

Toutefois, le changement le plus important concerne la procédure même. Lors d'une fusion ou d'une acquisition, les sociétés concernées devaient attendre 14 ou 42 jours avant de conclure la transaction, afin de permettre au Bureau de l'examiner. Si le Bureau n'avait pas terminé son examen à la suite de ce délai, la transaction pouvait aller de l'avant.

Ce délai est maintenant de 30 jours. Pendant cette période, le Bureau peut dorénavant demander aux parties des informations supplémentaires, ce qui prolongera le délai d'examen de 30 jours après réception des informations. Celles-ci peuvent coûter des millions de dollars en experts aux sociétés engagées dans la transaction.

" Aux États-Unis, où cette mesure existe depuis longtemps, 2 à 4 % des transactions font l'objet d'un second request ", affirme l'avocat Yves Comtois.

3 Les informations contenues dans le préavis envoyé au Bureau de la concurrence doivent maintenant obligatoirement contenir toutes les communications avec la haute direction quant à l'impact de la transaction sur la concurrence, comme les études commandées à des consultants externes, les présentations effectuées au conseil d'administration, les courriels internes, etc.

Si vous avez exagéré les bénéfices de la transaction pour mieux la vendre aux membres du CA, cela peut vous retomber sur le nez.

dominique.froment@transcontinental.ca

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