Jusqu'où les sociétés en Bourse doivent-elle dévoiler l'état de santé de leur pdg ?

Publié le 04/07/2009 à 00:00

Jusqu'où les sociétés en Bourse doivent-elle dévoiler l'état de santé de leur pdg ?

Publié le 04/07/2009 à 00:00

Des spécialistes de la gouvernance expriment des réserves quant à la pertinence d'imposer de nouvelles exigences au sujet de la divulgation de l'état de santé des dirigeants, bien qu'ils reconnaissent que la santé précaire d'un patron ayant un ascendant comme Steve Jobs sème l'incertitude sur l'action d'Apple.

Que doivent faire savoir les sociétés inscrites en Bourse de l'état de santé de leur pdg ? La question se pose à la suite de la révélation par le Wall Street Journal, le 20 juin, que le chef de la direction d'Apple, en congé de maladie depuis janvier, a subi une transplantation du foie en avril.

Une information que la société à qui on doit l'iPhone n'a jamais démentie ni confirmée, se contentant de dire que M. Jobs reviendra au travail prochainement, comme il avait été prévu au moment de la prise de son congé de maladie il y a six mois. Ce qu'il a fait le 29 juin.

Enquête des autorités américaines

La discrétion d'Apple sur l'état de santé de son légendaire maître à penser suscite la controverse. Il a été rapporté dans les médias que la police des marchés financiers, la Securities and Exchange Commission, enquête afin de déterminer si la société de Cupertino, en Californie, a failli à ses obligations de divulgation, comme le pense l'investisseur Warren Buffett, qui s'en est ouvert à CNBC.

M. Buffett a dit que s'il devait lui-même subir une importante opération chirurgicale, les actionnaires de sa société Berkshire Hathaway devraient le savoir, au même titre que les actionnaires de General Electric devraient être mis au courant si Jeff Immelt passait sous le bistouri.

De là à exiger l'adoption par les autorités boursières de nouvelles règles contraignant les sociétés à dévoiler l'état de santé de leur pdg, il y a un pas que refuse de franchir Toby Heaps, éditeur en chef de Corporate Knights, une publication spécialisée en responsabilité sociale des entreprises.

" L'occasion est donnée aux grandes entreprises et même aux autorités boursières d'amorcer une réflexion sur l'étendue des renseignements à divulguer portant sur la santé des membres de la haute direction quand celle-ci influe sur leur capacité à effectuer le travail qu'on attend d'eux ", dit M. Heaps.

Pour sa part, Olivier Gamache, pdg du Groupe Investissement responsable, préfère savoir si la société a élaboré un plan de relève ou de transition en cas de départ ou d'incapacité de son pdg.

" Le conseil d'administration a une responsabilité de s'assurer de gérer les risques et d'avoir une personne capable de gérer l'entreprise au quotidien. On peut le sanctionner pour son défaut à présenter un plan de succession ou de transition ", dit-il.

Pour M. Gamache, la divulgation de l'état de santé au quotidien du patron n'a pas de valeur ajoutée, en plus d'enfreindre le droit à la vie privée. Sur cet aspect, Toby Heaps souligne que les entreprises justifient souvent la rémunération qu'elles versent à leur pdg par le fait que ceux-ci sont irremplaçables. En vertu de ce même principe, les entreprises devraient n'avoir aucun scrupule à divulguer l'état de santé de leur dirigeant.

L'influence de Steve Jobs au sein d'Apple reste toutefois un cas d'espèce. John Coffee, professeur de droit à l'Université Columbia, a dit à l'hebdomadaire économique BusinessWeek qu'il faut remonter aux dernières années de la vie de Walt Disney, dans les années 1950, pour trouver un cas comparable.

Cofondateur d'Apple en 1976 avec Steve Wozniak, M. Jobs quitte l'entreprise en 1985 pour y revenir en 1996. À son retour, l'entreprise n'est plus que l'ombre d'elle-même et l'action vaut environ 4 $ US. Elle vaut aujourd'hui plus de 142 $.

Des règles différentes au Canada

Ce caractère exceptionnel fait en sorte qu'il est difficile d'en tirer des conclusions, d'autant que les règles de divulgation au Canada diffèrent de celles aux États-Unis.

" Au Canada, il y a un test objectif de divulgation. Un changement dans l'activité, l'exploitation ou le capital d'un émetteur qui, croit-on, aurait un impact important sur le cours des actions doit être divulgué ", explique Me Gilles Leclerc, associé principal chez Fasken Martineau et spécialiste du droit des affaires.

L'avocat ne voit guère d'exemples canadiens comparables, sinon Guy Laliberté au Cirque du Soleil, mais sa société n'est pas inscrite en Bourse.

Aux États-Unis, une société doit publier toute information significative ou nécessaire à l'investisseur pour faire un choix éclairé quant à l'achat ou à la vente du titre.

( REPÈRES )

L'état de santé de Steve Jobs défraie les manchettes depuis 2004, lorsqu'il a été traité contre une rare forme de cancer du pancréas. Le 5 janver 2009, Apple publiait un communiqué dans lequel M. Jobs attribuait sa perte de poids à un simple déséquilibre hormonal avant d'annoncer une semaine plus tard son départ en congé de maladie pour les six prochains mois.

andre.dubuc@transcontinental.ca

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