Jardin des glaciers de Baie-Comeau : autopsie d'un échec

Publié le 08/06/2013 à 00:00

Jardin des glaciers de Baie-Comeau : autopsie d'un échec

Publié le 08/06/2013 à 00:00

Après avoir été lancé en grande pompe en 2009, le Jardin des glaciers à Baie-Comeau a fermé ses portes il y a quelques jours. Cette attraction touristique majeure de la Côte-Nord, construite au coût de 12 millions de dollars, ne rentrait pas dans ses frais.

En trois ans d'exploitation, l'entreprise n'a jamais réussi à attirer plus de 19 000 visiteurs par année. Elle en visait 40 000. Que s'est-il passé ?

«La Ville ne pouvait plus se permettre d'absorber les dettes du Jardin», souligne Christine Brisson, mairesse de Baie-Comeau. En refusant, en avril, d'accorder une subvention de 625 000 $, dont 400 000 $ en argent et 150 000 $ pour payer un emprunt de l'établissement, la municipalité a provoqué la fermeture de l'attraction. La subvention de la Ville, souligne la mairesse, n'aurait même pas couvert la dette d'exploitation, qui s'élève à 450 000 $.

Mauvaise évaluation

Situé au coeur de la Réserve mondiale de la biosphère Manicouagan-Uapishka, le Jardin des glaciers avait été aménagé pour bonifier l'offre des croisières auprès des quelque 10 000 passagers qui débarquent sur le quai de Baie-Comeau chaque automne. L'entreprise employait une quarantaine de personnes, dont quatre à temps plein.

«La Ville, ajoute la mairesse, était prête à faire sa part. Nous avions d'ailleurs quadruplé notre participation financière annuelle initiale, de 100 000 à 400 000 $. Mais nous ne pouvions plus nous enliser dans un gouffre financier sans refiler la facture aux citoyens», insiste la mairesse, en précisant que la Ville avait également, au préalable, investi 5,7 M$ dans les infrastructures du Jardin.

Comment expliquer cet échec ? «Voilà l'archétype du produit touristique qui n'a d'abord pas tenu compte du réel impact de sa clientèle locale», soutient Paul Arsenault, titulaire de la Chaire de tourisme UQAM-Transat.

«N'importe quelle grande chaîne d'épicerie, de restaurants ou d'hôtels évalue minutieusement le volume de sa future clientèle avant de s'implanter dans un secteur. Ce que certains promoteurs de l'industrie touristique n'ont pas tendance à faire», explique M. Arsenault. En fait, plusieurs sont enclins à surévaluer le réel volume de visiteurs, note-t-il.

Le titulaire de la Chaire de tourisme indique également une autre lacune. «Ces gros projets largement subventionnés consacrent leur budget principalement à la création et à l'aménagement des infrastructures. Ils oublient souvent de budgéter la gestion des opérations et le renouvellement de produit», rapporte M. Arsenault.

L'établissement s'autofinançait à 60 %, soutient Cédric Mimeault, ex-directeur général du Jardin des glaciers, «ce qui se compare à la plupart des musées du Québec», dit-il.

Le hic ? La population ne s'est jamais vraiment approprié l'attraction. Au cours des trois dernières années, à peine 10 % des visiteurs du Jardin des glaciers provenaient de la région.

Même le milieu des affaires s'est montré frileux pour ce qui est de participer au plan de relance. «Pourquoi venir nous voir seulement lorsque le feu est pris ? Peut-être aurait-on dû nous consulter dès le départ pour la réalisation de ce projet d'envergure», soutient Michel Truchon, président de la Chambre de commerce de Manicouagan.

M. Mimeault reconnaît que l'appui de la population locale n'était pas encore au rendez-vous. «Et pourtant, pour chaque dollar que les visiteurs du Jardin investissaient dans la région, 80 % revenait à l'économie régionale», maintient l'ex-directeur, qui n'a pas encore jeté l'éponge.

Il reste tout de même une lueur d'espoir. La mairesse se dit prête à rediscuter pour rouvrir le Jardin, du moins en partie, à condition que d'autres acteurs se joignent à elle. Son message a été reçu. Ébranlés par la fermeture soudaine du site, des centaines de citoyens ont commencé à se manifester pour trouver une solution. Plus de 1 000 personnes se sont inscrites sur la page Facebook du plan de relance.

«Cette mobilisation de la population démontre l'importance d'un tel produit d'appel pour la région. Ces gens doivent jouer le rôle d'ambassadeurs», souligne Grétha Fougères, directrice générale de l'Association touristique de Manicouagan, en soulignant que le Jardin des glaciers répond aux attentes du plan de développement de l'industrie touristique 2012-2020 de Tourisme Québec, qui met en valeur le fleuve Saint-Laurent.

POURQUOI ÇA N'A PAS FONCTIONNÉ

La clientèle locale n'a pas été assez développée

Le budget n'a pas pris suffisamment en compte la gestion des opérations et le renouvellement du produit

Les investissements importants ont dépassé la capacité de financement de la municipalité

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