Éloge des entrepreneurs, surtout les ambitieux

Publié le 25/08/2012 à 00:00, mis à jour le 23/08/2012 à 09:10

Éloge des entrepreneurs, surtout les ambitieux

Publié le 25/08/2012 à 00:00, mis à jour le 23/08/2012 à 09:10

François Legault veut intégrer un cours d'entrepreneuriat dans le programme de Secondaire IV. L'idée est intéressante, mais il faudrait d'abord commencer par un cours de terminologie. J'en veux pour preuve, entre autres, une histoire dont j'ai eu connaissance il y a quelques années dans la région de Québec.

Les Fonds locaux de solidarité FTQ avaient organisé un événement où on discutait précisément d'entrepreneuriat. En cours de journée, on présente un film vidéo tourné dans une école secondaire des environs. Des adolescents parlent de leurs ambitions à partir de ce qu'ils vivent au quotidien. Une jeune fille d'une quinzaine d'années se démarque par sa débrouillardise et sa détermination. Elle fabrique des vêtements qu'elle a elle-même conçus et elle les vend à ses camarades de classe. L'intervieweur lui demande si elle entend continuer dans cette voie et devenir plus tard entrepreneure à son compte. Elle lui répond, horrifiée : «Moi, entrepreneure ? Jamais !» Un peu comme si on lui avait suggéré d'attraper la lèpre.

Et pourtant, elle était déjà en affaires, mais elle ne le savait pas, ou ne voulait pas le savoir. Un peu comme le Monsieur Jourdain de Molière, dans Le Bourgeois gentilhomme, qui faisait de la prose sans en connaître le nom : or, c'est simplement le terme qui s'applique au langage courant. Il était, lui, tout heureux de l'apprendre. La demoiselle en question, elle, ne tenait absolument pas à être associée à l'univers ténébreux de l'entrepreneuriat, même si elle y participait.

Nous avons des problèmes de vocabulaire au Québec. Pas tant parce qu'il nous manque des mots, mais bien parce que le sens de certains d'entre eux nous échappe. Pire, à la longue, nous avons fini par en pervertir quelques-uns, inoffensifs au départ, diabolisés par la suite.

Pensez à ambitieux. Nous devons bien être dans un des seuls endroits au monde où le mot ambitieux, ou son équivalent, est chargé de reproches. Dire «C'est un ambitieux» signifie, au fond, que la personne en question n'a aucun scrupule et qu'elle ne reculera devant rien pour arriver à ses fins. C'est étrange, parce que l'ambition demeure un des plus puissants moteurs de l'humanité.

Christophe Colomb était ambitieux. Joseph-Armand Bombardier aussi, tout comme Jacques Brel ou Steve Jobs. Avoir de l'ambition, c'est vouloir passer à un niveau supérieur. L'homme de Cro-Magnon qui traquait un mammouth en avait, de l'ambition. L'ambition peut être bonne ou mauvaise, selon qu'elle habite une personne bien motivée ou pas, sauf qu'elle ne devrait pas être perçue a priori comme répréhensible.

Mais ici, pas de pardon. Mieux vaut rentrer dans le rang. Vous risquez autrement d'éveiller les soupçons avec vos ambitions. Surtout si elles vous conduisent à faire de l'argent, vilenie ultime. Pourtant, en anglais, on sent même de l'admiration dans une remarque comme «He's an ambitious young man». Question de culture ?

En tout cas, le mot entrepreneur est victime du même phénomène. Il a été noirci au fil du temps. Les récents scandales dans la construction ont sans doute aggravé la situation, mais de là à penser que les entrepreneurs sont le plus souvent des bandits... La dérive est malheureusement en train de faire son chemin dans notre imaginaire collectif, notamment chez les jeunes.

C'est une catastrophe en devenir. Déjà, on compte proportionnellement moins d'entrepreneurs ici qu'ailleurs au Canada, et les intentions d'entreprendre sont elles aussi plus faibles, d'après le Global Entrepreneurship Monitor, même si on observe une timide remontée depuis quelques années. Le gouvernement ne peut pas tout faire tout seul. Il nous faut du renfort. Ce sera compliqué avec une population vieillissante. S'il faut en plus que les jeunes se détournent des affaires parce qu'ils n'y voient que du méchant, nous sommes mal partis.

On pourrait donc proposer un changement de terme. Mais ce n'est pas évident. Faiseur ? Ça sonne trop comme faiseux. Et agisseur rime avec ravisseur. Non. Il est plus facile de nettoyer l'image de l'entrepreneur et de mettre en relief des modèles inspirants. Il doit bien s'en trouver deux ou trois dans le lot...

Entreprendre à la mode des Affaires

En passant, à compter de cette semaine, ce journal présente une nouvelle rubrique intitulée simplement «Entreprendre», à l'intention de jeunes qui veulent se lancer en affaires. Au-delà des habituelles histoires, on y trouvera plein d'outils de référence pratiques et de circonstance. Allez, au boulot !

DE MON BLOGUE

Travail

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Dans «productivité», il y a bien plus qu'ardeur au travail [...] Même si le collègue François Normand vient de montrer que nous faisons mieux que des pays asiatiques comme la Corée du Sud ou le Japon, il faudra réaliser que pour devenir un véritable enjeu compris et accepté par une bonne partie de la population, la productivité devra également être mieux comprise.

Vos réactions

«On peut manipuler des données pour nous faire voir les choses sous un meilleur jour, mais ce n'est rendre service à personne que de déformer ainsi notre vision de la réalité. Prenez une classe à l'école et renvoyez tous les cancres et les élèves médiocres, et voilà, c'est magique, la classe devient tout à coup très performante.

- pbrasseur

«Le parallèle avec le Japon est tiré par les cheveux. Le système de rémunération du Japon est l'un des plus avancés de la planète. Les avantages sociaux sont presque entièrement payés par l'employeur et le gouvernement, et il couvre les employés et les familles "mur à mur".»

- YBertrand

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

rene.vezina@tc.tc

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