J'arrive à peine chez Isabelle Desaulniers, dans le quartier Saint-Michel, que son fils Mathéo, cinq ans, m'entraîne dans sa salle de jeux. Il me présente fièrement son coffre au trésor, cadeau d'un ami. En brassant ses pièces d'or - des pièces de un dollar -, il m'explique qu'il peut, s'il le veut, les utiliser au Dollarama. Il résiste le plus possible, par contre, puisqu'il a un grand projet : acheter un Lego Star Wars.
Le coffre a plusieurs avantages, estime sa mère. «Cela concrétise la valeur de l'argent, en plus de le faire compter. Mathéo a aussi appris à ne pas laisser traîner son argent depuis qu'il en a perdu.»
Isabelle n'hésite pas à parler des choses telles qu'elles sont avec son fils, malgré son jeune âge. Lorsqu'elle n'a pas les moyens d'accéder à une de ses demandes, elle lui dit pourquoi. Au guichet automatique, elle explique que «ce n'est pas magique», qu'il faut gagner de l'argent et le déposer avant depouvoir en retirer. «Il connaît l'expression "l'argent ne pousse pas dans les arbres"».
Elle aborde des concepts plus complexes, quitte à ce que Mathéo ne les saisisse pas entièrement tout de suite. Il sait par exemple que des taxes s'ajoutent aux achats, même s'il ne comprend pas tout à fait à quoi elles servent. Pendant leur voyage de cinq semaines en Équateur, l'automne dernier, il savait également que sa mère avait un budget à respecter. «J'utilise les vrais termes, comme "budget" et "gérer"», précise la trentenaire.
Selon Julie Hauser, agente à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, il n'est jamais trop tôt pour commencer à parler d'argent avec les enfants. Dès qu'ils ont quatre ans, leurs parents peuvent leur expliquer ce qu'est l'argent, leur apprendre à reconnaître les différentes pièces de monnaie et à distinguer leurs besoins de leurs désirs.
Robin Taub, auteure du livre Guide à l'intention des parents : apprendre la gestion financière à nos enfants, conseille aux parents d'aborder des concepts financiers dès que leurs enfants manifestent de l'intérêt. «Commencez par des choses simples, puis développez à mesure qu'ils vieillissent.»
Pas besoin de planifier de moments consacrés au sujet. «Les gens ne savent pas quand parler d'argent, mais en fait, on peut en parler n'importe quand !» dit Julie Hauser.
Dans la cuisine de son duplex, où elle prépare le souper, Isabelle Desaulniers le dit sans hésitation : l'argent n'est pas un but dans sa vie. Consultante en programmes éducatifs et culturels pour des musées, elle pratique un métier qu'elle aime et adapte son train de vie à ses revenus. Elle espère faire de Mathéo un adulte autonome qui, sans avoir à se priver, ne sera pas un consommateur compulsif. Pour le moment, elle le trouve «plutôt matérialiste», ce qui la déstabilise. Elle se rassure toutefois en se disant qu'après tout, il n'a que cinq ans !
