Des routes et des ponts à construire

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Des routes et des ponts à construire

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Daniel Fournier : «Quel est l'impact de la croissance des classes moyennes dans les pays émergents ?»

Dans les grands pays émergents, les classes moyennes sont en pleine explosion. Au Brésil et en Inde, des millions de personnes quittent les favelas pour s'installer dans des quartiers dotés d'électricité et d'eau courante. En Chine, les habitants veulent des routes convenables pour leur nouvelle voiture. Les villes doivent faire face à la musique.

«Ça crée une pression énorme sur les services et les infrastructures routières, mais aussi les équipements d'assainissement de l'eau, le transport aérien, le transport collectif», dit Marie-Ève Jean, directrice, marchés Asie-Pacifique et Océanie au ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur (MRIFCE).

Autant d'occasions pour les entreprises d'ici. Sans même avoir un plan de développement des affaires dans les pays émergents, le constructeur beauceron Pomerleau a reçu un appel de l'indienne Consolidated Construction Consortium Limited pour participer à la construction de l'agrandissement de l'Aéroport international de Chennai (Madras).

«Ils avaient besoin de notre expertise dans les aéroports internationaux», explique Saadé Fadous, vice-président principal, construction, chez Pomerleau.

Depuis 2008, il s'est rendu 19 fois dans le pays pour réaliser le projet, inauguré le 31 janvier. Un contrat de 300 millions de dollars pour le consortium avec CCCL. Pomerleau refuse de divulguer sa part du contrat.

La Chine, centre du monde

Selon une étude de la firme de consultants internationaux McKinsey & Company, pas moins de 28 % de la croissance du produit brut mondial sera provenu des 225 plus grandes villes chinoises, de 2010 à 2015. «C'est surtout dû aux investissements dans les infrastructures, l'immobilier, l'environnement, l'assainissement des eaux et l'énergie», dit Marie-Ève Jean, au MRIFCE.

Les migrations massives des paysans vers les villes se poursuivent depuis la fin des années 1970. «Shanghai accueille 500 000 personnes de plus chaque année !» souligne Marie-Ève Jean. D'ici 2050, le nombre de Chinois vivant dans les villes passera de 2 à 3,3 milliards.

«Les produits "Made in China" sont moins chers, parce qu'ils sont produits par d'anciens paysans qui ont migré pour occuper les emplois dont les citadins ne veulent pas, explique Zhan Su, titulaire de la Chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales de l'Université Laval. Mais les nouvelles générations veulent elles aussi de la modernité.»

Petit pays, forte demande

Plus petit, le Brésil n'est cependant pas en reste. Après tout, avec ses 200 millions d'habitants, le pays est le plus peuplé d'Amérique, et sa classe moyenne est en constante progression.

Avocat brésilien et conseiller juridique pour ce pays au cabinet d'avocat Heenan Blaikie à Toronto, Frederico Marques souligne que Brasilia commence à privatiser des aéroports. «L'État ne peut pas investir suffisamment pour faire face à la hausse de fréquentation.» Avec la tenue de la Coupe du monde de soccer en 2014, puis des Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, le gouvernement craint les embouteillages aériens !

Pour profiter de la manne, le géant montréalais du génie-conseil, SNC-Lavalin, a conclu un partenariat avec la grande firme de génie et de construction brésilienne Alusa pour réaliser de grands projets d'infrastructure. Des stades, des routes... des aéroports.

De grands défis

Si Pomerleau a pu toucher d'importants revenus avec son contrat d'aéroport en Inde, cette entreprise de moyenne envergure ne cherche pas à répéter l'expérience à tout prix. «Nous sommes très occupés ici, et c'est compliqué, à l'étranger, parce qu'on a moins d'agilité, dit Saadé Fadous. Un petit problème devient vite un gros problème.»

C'est sans compter la concurrence. «Ces pays ont déjà des joueurs importants dans l'acier, le ciment... Leurs entrepreneurs ne sont pas des deux de pique !» dit Pierre Fournier, analyste géopolitique à la Financière Banque Nationale.

Économie planifiée pratiquant le capitalisme d'État, l'empire du Milieu est susceptible de donner beaucoup de fil à retordre à l'investisseur, ajoute-t-il. Les règles pour les entreprises peuvent changer à tout moment, selon le bon vouloir du Parti communiste.

Quant au Brésil... «Ce n'est pas un pays facile pour faire des affaires non plus, convient Rafael Sanchez, directeur, marchés Amérique latine, Afrique et Moyen-Orient au MRIFCE. Brasilia maintient encore une importante structure protectionniste. Les droits de douane sont très élevés et la bureaucratie est incroyablement complexe.»

Le fonctionnaire en sait quelque chose. C'est lui qui a ouvert la délégation du Québec à São Paolo en 2008. «Pour s'établir, obtenir des visas, enregistrer des organisations, le pays est un casse-tête.»

SON COMMENTAIRE

Il est absolument fascinant pour les entreprises québécoises d'observer, mais surtout de participer, au développement des économies émergentes. L'urbanisation accélérée dans certaines régions dépasse l'imagination. En quelques années à peine, la Chine, symbole fort de cette urbanisation, aura 10 fois plus de villes d'un million d'habitants que les États-Unis.

Nous assistons à la grande migration de centaines de millions de personnes défavorisées vers la classe moyenne, ce qui est en soi une bonne nouvelle. Mais cela représente des défis colossaux pour ces pays, qui cherchent par tous les moyens à maintenir la cadence de développement et à l'appuyer par des infrastructures et des équipements de production d'énergie.

Les défis sont nombreux pour nous, investisseurs étrangers et entreprises, qui souhaitons répondre à ces besoins. Ça implique une gestion du risque complexe, des partenaires locaux stratégiques et beaucoup de patience !

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