Déménager à Toronto ou plafonner à Montréal ?

Publié le 04/02/2012 à 00:00

Déménager à Toronto ou plafonner à Montréal ?

Publié le 04/02/2012 à 00:00

Toronto est-elle un passage obligé ? La question se pose pour tous ceux qui veulent faire progresser leur carrière en finance. Robert Beauchemin en revient. Bernard Letendre s'y installe. Deux hauts cadres. Deux Québécois. Deux parcours.

Robert Beauchemin, 47 ans, vient de rentrer à Montréal après avoir passé cinq ans dans la Ville reine à titre de président et chef de la direction de McLean Budden, une entreprise de gestion de placements qui avait son siège social à Montréal jusqu'en 1982. Sa famille est restée à Montréal pendant tout ce temps. «Je prenais l'avion tous les lundis et revenais tous les vendredis. Il y avait un petit groupe de Montréalais dans l'avion chaque semaine...»

À la faveur du rachat récent de McLean Budden par la Financière Sun Life, Roger Beauchemin a quitté son poste fin 2011. Il est ravi de revenir à Montréal, un souhait qu'il s'attendait de toute façon à réaliser prochainement. «À Montréal, il y a peu d'occasions d'obtenir des postes en haut de la pyramide. Mais j'apporte mon expertise et je ne doute pas que je vais trouver quelque chose d'intéressant.»

C'est justement pour accéder à des fonctions supérieures que Bernard Letendre, 42 ans, a déménagé avec son épouse et ses trois ados à Toronto en août dernier. Une perspective qu'il savait incontournable depuis longtemps. Désormais, il est vice-président et directeur général du marché haut de gamme chez Manuvie. «Ce n'est pas une décision qu'on prend à la légère, mais je plafonnais à Montréal. Il n'était pas possible pour moi de grimper plus haut en restant au Québec.» Pour accéder à de telles responsabilités dans la Belle Province, «il aurait fallu attendre qu'un poste se libère, car ici, les sièges sociaux de grandes entreprises se comptent sur les doigts de la main», rappelle M. Beauchemin.

L'effet des fusions-acquisitions

Ce ballet des cadres québécois entre Montréal et Toronto représente un phénomène important, accentué par les fusions, qui limitent le nombre de sièges sociaux et ont parfois pour conséquence leur transfert de Montréal à Toronto, comme lors de l'acquisition d'Alcan par Rio Tinto.

«De plus en plus, les entreprises partagent des services et les regroupent au siège social. C'est le cas des services de comptabilité, qui ne sont plus systématiquement présents dans toutes les filiales, mais réunis au siège social, souvent situé à Toronto», explique Laurent Vorelli, CRHA, directeur d'Adecco professionnel.

Recul du nombre des grandes entreprises

Cet exode vers la Ville reine, Carl Gauvreau, associé de Force5 et président de la section québécoise du Financial Executives International Canada (FEI), une association qui regroupe les hauts cadres de la finance, le perçoit nettement. «Historiquement, nos membres venaient de la grande entreprise, mais comme il y en a de moins en moins au Québec, leur nombre décroît. Si bien qu'on en recrute de plus en plus au sein des PME», constate-t-il. Le départ à la retraite des baby-boomers contribue aussi à expliquer cette diminution. Le FEI a perdu 71 membres sur 200 adhérents entre juillet 2009 et décembre 2011, et n'a réussi à en recruter que 44 dans des entreprises de tailles moins importantes.

Forte concurrence

Pour les entreprises québécoises, la problématique ne semble pas cruciale. «On connaît quelques difficultés à recruter des cadres supérieurs, mais on arrive toujours à trouver des collaborateurs de talent ici», assure Louise Grégoire, directrice principale, stratégies et recrutement chez Desjardins. Le recrutement se fait en priorité par le programme de relève des cadres, à l'interne. «Avoir son siège social à Montréal est même un atout», affirme Anne-Marie Bourgeois, directrice principale, recrutement et formation, à la Banque Nationale. Car la métropole jouit d'une bonne réputation en matière de qualité de vie. Toutefois, la concurrence est féroce : les hauts cadres étant une denrée rare, ils sont, à l'instar de Charles Guay, qui a quitté la présidence de Placements Banque Nationale pour prendre celle de la Standard Life du Canada en décembre dernier, fortement courtisés et parfois débauchés par leurs concurrents.

LA MÉTROPOLE QUÉBÉCOISE PEINE À REGAGNER DU TERRAIN

Qui se souvient du temps où Montréal était une importante place financière ? Aujourd'hui, si plusieurs entreprises québécoises d'envergure sont situées au Québec, beaucoup de sociétés ont migré à Toronto, le troisième centre financier en Amérique du Nord.

La Ville reine est devenue, en 2011, le 10e centre financier mondial selon le Global Financial Index, un rang qu'elle convoitait depuis longtemps. Montréal est à la 20e place (derrière Vancouver, classée 17e), ce qui représente néanmoins un progrès, puisqu'encore récemment, elle se situait à la 31e place (2008). Des progrès attribuables notamment à l'image de solidité des institutions financières dont profite le Canada depuis la crise financière de 2008. «Montréal n'est plus un pôle critique», regrette Roger Beauchemin, encore tout récemment président et chef de la direction de McLean Budden, à Toronto.

Or plus les entreprises sont nombreuses à s'installer à Toronto, plus d'autres, à l'heure de choisir l'emplacement de leur siège social, seront attirées par cette plaque financière. «Il y a aussi, par conséquent, plus de services aux entreprises et les professionnels qualifiés sont aussi plus nombreux puisqu'ils savent qu'il y a plus d'occasions», observe Jean-Paul Caron, économiste, consultant pour Finance Montréal. «Si Toronto a des chances de croître, ça va être difficile pour Montréal de rejoindre les principales places financières notamment d'autant plus que l'activité se déplace peu à peu vers l'Asie», estime pour sa part Lawrence Kryzanowski, professeur à la chaire en finance de l'École de gestion John Molson de l'Université Concordia.

Montréal

81 sièges sociaux

90 000 emplois

Source : Finance Montréal

Toronto

175 sièges sociaux

205 000 emplois

Source : Investir Canada

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