Comment la Banque Scotia étend ses tentacules en Amérique latine

Publié le 25/02/2012 à 00:00

Comment la Banque Scotia étend ses tentacules en Amérique latine

Publié le 25/02/2012 à 00:00

Par François Normand

Présente dans plusieurs marchés stratégiques comme le Mexique, le Chili et la Colombie, la Banque Scotia (Tor., BNS) a maintenant des vues sur le Brésil.

Elle aimerait faire son entrée dans le marché des services aux particuliers de ce pays de 200 millions d'habitants. «Notre défi est de trouver une banque intéressante et qui soit à vendre !» dit Dieter W. Jentsch, vice-président, Amérique latine, à la Scotia.

La banque a déjà un pied-à-terre au Brésil. En septembre 2010, elle a acquis la banque d'investissement Dresdner Bank Brasil, une filiale de l'allemande Commerzbank. Cette transaction a permis à l'institution canadienne d'accroître sa présence dans la gestion de portefeuilles et les services aux entreprises.

La troisième banque canadienne est toujours en quête d'acquisitions pour accroître sa présence et ses revenus en Amérique latine.

Statistique éloquente : en seulement cinq ans, la Scotia a mis la main sur 15 banques dans la région. Aujourd'hui, elle a des activités dans 36 pays d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud et des Caraïbes, dont des paradis fiscaux. Dernière acquisition en date, celle de la banque colombienne Banco Colpatria, en octobre 2011.

Toutefois, même si elles sont fréquentes, les acquisitions ne sont pas le seul modus operandi dans la stratégie internationale de la Scotia en Amérique latine. En fait, elle achète des banques pour rentrer dans un pays. Quand ses parts de marchés se situent entre 3 et 5 %, la banque progresse par croissance interne et acquisitions.

En revanche, quand ses parts de marché atteignent une masse suffisante, elle mise exclusivement sur son réseau local pour générer de nouveaux revenus. «C'est ce que nous faisons au Pérou, où nous détenons de 15 à 18 % du marché. Notre présence nous permet de grandir désormais par croissance interne», explique M. Jentsch.

Une exception à la règle

«Historiquement, la Scotia prend des participations minoritaires», écrit John Reucassel, analyste chez BMO Marchés des capitaux.

«Ça nous permet de comprendre le marché dans lequel nous investissons», précise Dieter Jentsch. Posséder une participation minoritaire est beaucoup moins engageant que d'acheter et de contrôler une banque : cela permet de jauger les risques et les occasions d'affaires avec un recul, sans être aux commandes.

L'acquisition de la Banco Colpatria, en Colombie, a toutefois été une exception : la Scotia a acquis 51 % du capital-actions, une transaction évaluée à un milliard de dollars américains. «L'occasion d'acheter un bloc majoritaire était là et nous l'avons saisie», dit Dieter Jentsch, sans préciser davantage sa pensée.

Acheter le marché et l'expertise

Il faut dire que la Colombie est un pays intéressant pour la Scotia. Le marché des prêts aux particuliers y est sous-développé. Au Chili, le ratio de ces prêts par rapport au PIB est de 72 % par rapport à 32 % en Colombie.

Par ailleurs, la Banco Colpatria - cinquième banque en Colombie sur le plan des revenus - détient 19 % des parts de marché du segment des cartes de crédit dans le pays (elle occupe le deuxième rang de ce marché).

Alors que la Scotia est forte dans les prêts hypothécaires en Amérique latine, l'acquisition de la colombienne lui permet d'accroître son expertise sur le marché des cartes de crédit, soulignent Mario Mendonca et Lemar Persaud, analystes chez Canaccord Genuity. «Elle pourrait à terme élargir son offre de cartes de crédit dans plusieurs pays de la région.»

L'apaisement politique en Colombie a peut-être joué dans la décision de la Scotia de prendre cette participation majoritaire. Le pays est beaucoup plus stable depuis la fin de la guerre civile, au milieu des années 2000. «La Colombie semble avoir rejoint le groupe de pays sud-américains plus stables, comme le Chili et le Brésil», écrit John Reucassel.

La Scotia refuse d'identifier ses concurrentes en Amérique latine. Mais selon les analystes, la banque espagnole BBVA en est une. En Colombie, cette dernière détient 9 % du marché, juste devant la Colpatria (5 %).

Pour se démarquer dans la région, la Scotia mise sur des services bancaires diversifiés et de proximité. «Nos succursales sont toujours dirigées par des gestionnaires locaux», insiste Dieter Jentsch.

La Banque Scotia couvre déjà l'Ouest du continent sud-américain

Zones bleues : Présence d'établissements offrant une gamme complète de services bancaires aux sociétés, aux entreprises et aux particuliers ainsi que de services de financement des transactions commerciales.

Points bleus : Établissements offrant des services bancaires aux sociétés et des services bancaires d'investissement ou des services aux marchés financiers ; bureaux de représentation ; réseaux de gestion de placements ou de services bancaires aux particuliers comptant moins de 10 succursales.

Le Mexique est le principal marché de la Banque Scotia à l'étranger

(répartition géographique des opérations internationales, au 31 octobre 2011)

Amérique latine, Asie et autres 44 %

Antilles et Amérique centrale 34 %

Mexique 22 %

1 485 M$ CA Bénéfice net réalisé par les opérations internationales de la Banque Scotia en 2011, ce qui représente 26 % de son bénéfice total.

Source: Banque Scotia

LES RISQUES DE LA BANQUE SCOTIA

Risque de croissance économique trop rapide

Le principal risque d'affaires de la Banque Scotia à l'étranger tient paradoxalement au dynamisme des économies dans lesquelles elle est présente, explique Dieter W. Jentsch, vice-président Amérique latine. «Si la croissance économique est trop rapide, cela pose un défi pour l'intégrité du système financier.» Par exemple, en Amérique latine, plusieurs pays ont vu leur économie croître rapidement au cours des dernières années. Parfois, les structures pour collecter et analyser les données sur les consommateurs n'ont pas suivi le rythme. Résultat ? La Scotia peut se retrouver dans la fâcheuse situation qui l'empêche d'obtenir facilement des renseignements «solides» et «approfondis» pour analyser des dossiers de prêts. Par conséquent, cette information n'est pas toujours à la hauteur des normes internationales en vigueur, notamment au Canada. «Nous devons être prudents dans nos pratiques concernant les prêts», souligne d'ailleurs Dieter Jentsch.

Risque de conditions de marchés

En Amérique latine, la Banque Scotia affronte des risques plus spécifiques qui peuvent toucher ses revenus, soulignent les analystes de Canaccord Genuity. Parmi ceux-ci, la faiblesse des marchés boursiers locaux (qui peuvent réduire par exemple la demande du financement, y compris les premiers appels publics à l'épargne), la baisse des taux d'intérêt (qui réduit les revenus d'intérêts sur les prêts accordés par la Scotia) et la fluctuation du taux de change (qui diminue les revenus en dollars canadiens de la Scotia quand le huard s'apprécie par rapport à une autre devise locale). La banque canadienne peut réduire ces risques financiers en effectuant des opérations de couverture sur taux d'intérêt ou sur devises.

19 % Parts de marché que détenaient les banques étrangères dans le secteur bancaire au Brésil en 2011. Source : Thomas White International

Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise québécoise et analysons ses risques.

Sur le Web, Les Affaires s'associe à L'actualité, Canadian Business, The Report on Business, The Economist Intelligence Unit et à la banque HSBC pour offrir un site axé sur les exportations. À lire sur affairessansfrontieres.ca.

françois.normand@tc.tc

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