Les économistes québécois participeront à un nouveau type de vote lors de leur 37e congrès annuel, qui se tiendra à Montréal du 2 au 4 mai. Chaque participant choisira, en temps réel, la proposition qu'il juge le plus à même d'assurer la prospérité du Québec, parmi celles qui seront disséquées par les conférenciers. Et ce, pour chacun des thèmes abordés au cours de l'événement, dont les services publics, la fiscalité, l'innovation et l'entrepreneuriat.
Jean-Michel Cousineau, professeur titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal, s'attaquera aux inégalités économiques. Le thème est porteur : selon un récent sondage réalisé par Léger Marketing pour l'Association des économistes québécois auprès d'un millier de Québécois, 70 % des répondants considéraient qu'une plus grande redistribution des revenus contribuerait à la prospérité du Québec.
Reste à trouver comment y arriver ! M. Cousineau proposera aux congressistes trois façons de faire de la redistribution de revenus un outil de croissance. Il les a expliquées à Les Affaires.
1 Investir en éducation
Selon une récente étude de M. Cousineau, l'éducation est l'un des facteurs expliquant de manière marquée les inégalités. Lorsque les années de scolarité augmentent, les inégalités de revenus s'amoindrissent. Plus les gens ont un bagage comparable, plus leurs revenus se ressemblent.
«Nous n'avons pas, au Québec, fait le plein en matière d'éducation. Nous sommes encore en retard par rapport aux États-Unis et au reste du Canada», dit M. Cousineau.
Le chercheur propose trois sous-mesures liées à l'éducation : investir dans la petite enfance, réduire le décrochage scolaire et améliorer l'efficacité du système d'éducation. «L'éducation augmente la productivité des gens de manière définitive. Cela brise la chaîne de pauvreté, qui se perpétue souvent d'une génération à l'autre. Par contre, ça coûte cher.»
Coût : élevé
Effet : à long terme
2 Hausser les paiements de transfert
Une autre façon de diminuer les inégalités serait d'augmenter les paiements liés aux programmes de sécurité sociale, notamment l'assurance emploi et la sécurité de la vieillesse. «On peut soulager plusieurs personnes de cette façon, et ça ne coûte pas très cher», dit M. Cousineau.
L'effet est immédiat, mais comporte des risques. «Si les gouvernements donnent de l'argent aux gens qui ne font rien, ceux-ci risquent à long terme de sombrer dans le piège de la pauvreté.» Il faudrait donc coupler ces augmentations à un programme d'insertion en emploi et à une politique active du travail. «Les mesures pour réduire les effets secondaires supposent des dépenses importantes et des rendements plus incertains.»
Une majoration de la taxe de vente pourrait financer l'augmentation des transferts, dit M. Cousineau.
Coût : faible
Effet : immédiat
3 Miser sur l'incitation au travail
Le taux d'activité, soit le pourcentage des gens en âge de travailler présents sur le marché du travail, est la variable la plus importante pour expliquer les inégalités de revenus, dit une étude à laquelle se consacre M. Cousineau. Ses travaux, en cours, laissent entrevoir que l'inégalité des revenus tient plus de l'inégalité en emploi que celle des salaires.
Les différentes mesures d'incitation au travail pourraient être augmentées : l'assurance parentale ainsi que l'encouragement au maintien et au retour des 55 ans et plus sur le marché du travail. Le salaire minimum, par contre, a un effet pratiquement nul, à cause des réductions d'emplois qui découlent de son augmentation.
Coût : moyennement élevé, avec une partie d'autofinancement
Effet : effet réel après environ 10 ans
Sur lesaffaires.com
Quelle est la meilleure de ces trois propositions ? Votez sur lesaffaires.com/sondages. Les économistes de l'ASDEQ se prononceront de leur côté. Les résultats de ces consultations paraîtront dans notre numéro du 12 mai.