Cinq blue chips canadiens sous pression

Publié le 19/01/2013 à 00:00, mis à jour le 17/01/2013 à 09:17

Cinq blue chips canadiens sous pression

Publié le 19/01/2013 à 00:00, mis à jour le 17/01/2013 à 09:17

L'étoile d'une poignée de blue chips canadiens, autrefois vénérés par les investisseurs, a bien pâli ces dernières années. Le cours de leur action a baissé ou a offert un rendement inférieur à la hausse de 86 % du S&P/TSX depuis 2002. Les Weston, Power Corp., Thomson Reuters, Barrick Gold et BCE ont-elles ce qu'il faut pour mieux rebondir ? Voici des catalyseurs qui pourraient propulser leurs titres.

GEORGE WESTON PREND DE NOUVEAUX MOYENS POUR LIVRER DU RENDEMENT (Tor., WN, 70,38 $)

Recul de l'action depuis 10 ans : - 24,7 %

La famille Weston détient 63 % des actions

Après avoir placé une série de nouveaux dirigeants à la tête de Weston et de Loblaw depuis juillet 2011, la famille Weston de Toronto donne un coup de barre pour mettre en valeur son épicier, dont le redressement tarde à donner des résultats.

Loblaw représente les trois quarts de la valeur de sa société de portefeuille George Weston.

En mars 2012, Weston a notamment recruté Richard Dufresne, de Metro, comme chef de la direction financière.

Quinze mois après être entré en poste à la direction de Loblaw, Vicente Trius a éliminé 700 postes administratifs et a annoncé la création d'un fonds de placement immobilier (FPI) qui abritera 70 % de ses immeubles.

Pour sa part, Weston a relevé son dividende de 5,9 % pour la première fois en huit ans.

«Il est clair que Weston s'immisce davantage dans les affaires de Loblaw, ce qui est de bon augure pour les actionnaires des deux entreprises», dit Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

Ces décisions visent à faire patienter les actionnaires en attendant que le nouveau système de gestion SAP donne les gains de productivité attendus.

Loblaw génère un rendement du capital de 8 %, de 50 % inférieur à celui de 12 % de sa rivale Metro, précise Carl Simard, président de Medici.

«Les cours de Weston et de Loblaw ont réagi en bondissant respectivement de 11 % et 23 % récemment, mais leurs titres ont encore du potentiel», croit Marie-Ève Savard, portefeuilliste chez Investissements Standard Life.

Le cours des deux sociétés ne reflète pas encore ce que Weston pourra faire des liquidités de deux milliards de dollars, qui dorment dans ses coffres. La société cherche des fabricants de produits de boulangerie surgelés.

«Si l'action de Loblaw tient déjà compte de la valeur des actifs immobiliers mis au jour par la création d'un FPI, elle ne reflète pas encore ce que Loblaw pourrait faire des capitaux que libérera l'entrée en Bourse de ce fonds», ajoute Mme Savard.

Avec le temps, le rachat d'autres immeubles de Loblaw et le remboursement des prêts entre les sociétés procureront à Loblaw des liquidités qui pourront servir à racheter des actions et à bonifier son dividende.

Des acquisitions font aussi partie des possibilités. La spéculation des analystes se centre sur l'épicier Canada Safeway que son actionnaire californien Safeway pourrait décider de vendre. M. Caicco estime que Canada Safeway vaut 4,9 G$.

THOMSON REUTERS : UN CHANGEMENT DE LA GARDE QUI LAISSE PRÉSAGER UN VIRAGE (Tor., TRI, 29,39 $)

Recul de l'action depuis 10 ans : - 34,4 %

La famille Thomson détient 55 % des actions par l'intermédiaire de Woodbridge

Dans les empires qui évoluent au rythme des générations, le moindre mouvement à la haute direction peut devenir un signal d'alerte. La nomination d'un nouveau président à la tête de la société privée de la famille Thomson, Woodbridge, pour la première fois en 15 ans, a mis les analystes aux aguets.

David Binet, auparavant chef de l'exploitation de Woodbridge, est entré en poste le 1er janvier.

Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux, y voit un indice que la famille la plus riche du pays «perd patience de voir Thomson générer de bons rendements».

La valeur du placement de la famille dans Thomson Reuters a fondu de 20 à 12 G$, depuis l'achat historique de Reuters, juste avant que la crise de 2008 ne vienne décimer les rangs des abonnés à ses services d'informations financières.

Le rendement de 8,8 % du capital réalisé au cours des 12 derniers mois est insuffisant pour couvrir son coût en capital, note Carl Simard, président de Medici.

À tout près de 14 fois le bénéfice de 2012, son titre est chèrement évalué pour une entreprise dont la croissance prévue est anémique, ajoute-t-il.

La plupart des analystes s'attendent à un nouvel effort de compression chez Thomson Reuters, à la vente de petites filiales moins performantes, ainsi qu'à des acquisitions sélectives de fournisseurs d'informations professionnelles pour renforcer ses divisions légales, scientifiques et comptables.

Tout récemment, Thomson a vendu sa division d'impôts fonciers, qui emploie 600 personnes, au spécialiste mondial des impôts, Ryan. En revanche, Thomson a acquis Practical Law Company, un fournisseur londonien et new-yorkais d'outils de travail pour avocats.

Drew McReynolds, de RBC Marchés des Capitaux, n'exclut pas la possibilité que la société augmente la cadence ou la taille de ses désinvestissements ou encore qu'elle procède à des acquisitions de plus grande envergure, afin de se procurer plus de croissance, au cours des prochaines années. «La division financière fait face à des changements structuraux qui freinent sa croissance. Cela pourrait exiger une nouvelle stratégie plus musclée», écrit-il dans un rapport.

Cette spéculation provient d'une phrase insérée dans l'annonce de la nomination de M. Binet. «Ce changement survient alors que la société entre dans une nouvelle ère importante».

D'ici là, M. Casey juge que l'action de Thomson Reuters ne reflète pas pleinement la valeur de l'ensemble de ses actifs.

BARRICK GOLD GAGNERAIT À VENDRE DES MINES COÛTEUSES (Tor.,ABX, 33,67 $)

Hausse de l'action depuis 10 ans : 40,3 %

Le principal producteur d'or du monde, avec le plus de réserves et de mines, a un gros défi à relever : faire un succès de la mine Pascua-Lama, qui a entamé sa production commerciale en décembre, après des dépenses de 3,7 G$ US.

Barrick a encore une fois remplacé son président en juin 2012 après que les coûts de cette mine, située aux confins de l'Argentine et du Chili, eurent triplé à 8,5 G$ US depuis trois ans.

Peter Munk, 84 ans, fondateur de Barrick et président de son conseil, est derrière ce dernier changement de la garde, comme il l'avait été lors du départ de Randall Oliphant en 2003, une autre époque de performance décevante pour son action en Bourse.

L'explosion des coûts est généralisée dans l'industrie, tout comme l'est la mobilité à la direction des entreprises. Six producteurs ont changé de président en 2012, rapporte l'agence Bloomberg.

Par conséquent, celles-ci sont incapables de profiter de la hausse ininterrompue que l'or enregistre depuis 12 ans.

Les producteurs d'or connaissent une deuxième année consécutive de baisse en Bourse, pour la première fois depuis 1998. Barrick a perdu 24 % en 2012, le plus depuis 1997, et 13 % en 2011.

En fait, le cours des producteurs d'or en Bourse ne parvient pas à suivre celui de l'or, depuis six ans.

Jamie Sokalsky, promu au poste de chef de la direction financière, a promis que le capital serait mieux réparti et que l'accent serait mis sur le rendement des investissements et les flux de trésorerie. Après quatre trimestres consécutifs de résultats inférieurs aux prévisions, les financiers sont pour le moins sceptiques.

«Les investisseurs ont acheté Barrick pour profiter de la hausse du prix de l'or, mais ils ont sous-estimé le risque d'exploitation de ses mines. La hausse des coûts fait en sorte que la société n'a pas livré à ce jour de rentabilité acceptable», indique Carl Simard, président de Medici.

Son rendement du capital est imprévisible. Il a été inférieur à 10 % au cours des 12 derniers mois.

David Haughton, de BMO Marchés des capitaux, aimerait aussi que la société cède des mines moins performantes, afin de redresser son bilan.

Après l'achat controversé du producteur de cuivre Equinox Minerals pour 7,3 G$ en espèces l'été dernier, la dette de Barrick s'élève à 14,1 G$, par rapport à une valeur boursière de 36,7 G$. C'est la dette la plus élevée de son industrie.

Le producteur d'or gagnerait des partisans s'il réduisait sa dette, en cédant des mines moins performantes ou trop coûteuses.

Un taux de production et des coûts meilleurs que prévu en 2014 à sa nouvelle mine d'or et d'argent Pascua-Lama, sous les glaciers des Andes au Chili, rassureraient aussi les financiers.

Cette mine, l'une des plus grosses du monde, devrait produire de 800 000 à 850 000 onces d'or au cours de ses 25 premières années.

BCE RÉPARTIT MIEUX SON CAPITAL

(Tor., BCE, 42,11 $)

Hausse de l'action depuis 10 ans : 42,6 %

Le géant des télécommunications doit continuellement combattre le déclin de ses services filaires, mais il est nettement mieux géré qu'avant, s'accordent à dire plusieurs analystes. Il lui aura tout de même fallu cinq ans pour retrouver le prix de 42,57 $ par action qu'avait offert la caisse de retraite Teachers pour l'acquérir, en 2007.

«La société utilise mieux son capital réinvesti dans son réseau sans fil après l'avoir négligé, ce qui lui a redonné plus de croissance», estime Stephen Gauthier, associé et stratège chez FIN-XO.

BCE a doublé son bénéfice par action depuis quatre ans, précise Carl Simard, président de Medici.

BCE a aussi généré un rendement de l'avoir à la fois stable et adéquat de 14,6 %, au cours des dernières années, ajoute le gestionnaire de portefeuille.

Le principal hic toutefois : son titre est relativement cher, se négociant à un multiple de 13 fois les bénéfices prévus en 2014.

«La force d'attraction de son dividende a soulevé son titre pour les mauvaises raisons. À la moindre défaillance d'exploitation, l'action pourrait reculer, d'autant que ses dividendes, le déficit actuariel de son régime de retraite, ses frais d'intérêt et diverses charges consomment tous ses flux trésorerie», craint M. Simard.

La société utilise tout de même ses flux de trésorerie à meilleur escient que dans le passé. Elle se procure de la croissance, sans trop s'éparpiller cette fois, dit Marie-Ève Savard, portefeuilliste chez Investissements Standard Life.

«Les achats des réseaux de télévision CTV et RDS apportent de la croissance, tandis qu'une gestion plus rigoureuse soutient et peut même améliorer les marges», dit Mme Savard.

L'achat d'Astral Media, si le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CTRC) approuve sa deuxième offre, ferait progresser davantage ses bénéfices et son dividende. La décision est attendue en février.

Non seulement le rendement de 5,4 % que procure son dividende actuel est attrayant, mais ce dividende peut croître du même ordre annuellement, ajoute Mme Savard.

M. Gauthier ne s'attend pas à plus d'un rendement total de 9 % par année, composé de meilleurs bénéfices, de dividendes accrus et de rachats d'actions.

L'action de BCE peut s'apprécier encore de 7,5 % d'ici 12 mois, dit Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux. Il n'en recommande toutefois pas l'achat, car il projette un léger recul de son bénéfice d'exploitation en 2014.

POWER CORPORATION ATTEND-ELLE SON HEURE POUR FAIRE DES ACQUISITIONS ?

Hausse de l'action depuis 10 ans : + 39,6 %

La famille Desmarais détient 60 % des droits de vote

Contrairement aux familles Weston et Thomson, on ne perçoit pas de sentiment d'urgence chez la famille Desmarais pour fouetter la performance de Power Corporation (Tor., POW, 25,69 $).

«La famille Desmarais est prudente. Leur réputation de visionnaire s'est un peu estompée, mais ce sont d'excellents gestionnaires», juge Stephen Gauthier, associé et stratège chez FIN-XO.

Depuis cinq ans, la croissance des revenus de ses filiales a ralenti, note M. Gauthier.

L'assureur-vie Great-West, qui fournit à Power 70 % de sa valeur, a vu ses bénéfices diminuer à un rythme annuel de 2,7 %, depuis cinq ans. Le contraste d'avant et d'après la crise est frappant. Great-West n'a pas augmenté son dividende depuis 2008, alors qu'il avait crû à une cadence élevée de 19 % de 1997 à 2007.

Sa performance reste respectable, compte tenu de la grave crise qui a frappé son industrie en 2008 et de la chute des taux à long terme depuis, indique John Reucassel, de BMO Marchés des capitaux.

Les taux d'intérêt très bas forcent les assureurs à augmenter leurs réserves actuarielles et leur capital afin de pouvoir s'acquitter des obligations envers les détenteurs de polices d'assurance, de fonds distincts et de rentes.

Le fournisseur de fonds communs Société financière IGM croît peu, mais c'est un générateur prolifique de flux monétaires, indique John Reucassel.

IGM a les moyens de racheter un milliard de dollars ou 9 % de ses actions, estime l'analyste de BMO.

Cette filiale a toutefois de plus en plus de difficulté à concurrencer les banques pour ce qui est des fonds communs, déplore Carl Simard, de Medici.

Avec ses placements dans les géants européens Lafarge, Imerys, Total GDF Suez et Pernod Ricard, la filiale européenne Pargesa de Power est aussi dans l'oeil de la crise, explique M. Gauthier. Pargesa représente 8 % de la valeur de Power.

Le rendement élevé du dividende et la très grande qualité des actifs permettent de patienter en attendant que l'Europe prenne du mieux et que les taux reviennent à la normale, fait valoir M. Gauthier.

La société attend peut-être son heure pour réaliser une acquisition à bon prix dans l'industrie financière, ce que personne ne voit venir encore.

Acquisition aux États-Unis

IGM pourrait aussi envisager de prendre pied aux États-Unis. L'américaine Waddell & Reed serait une bonne candidate pour IGM, pense M. Reucassel, car les deux entreprises partagent le même mode de fonctionnement.

«Il y a toutes sortes de possibilités. Les Desmarais sont très patients», dit M. Gauthier.

«Si la famille envisage quelque chose, elle va nous surprendre. Il n'y a rien à l'horizon», dit Steve Belisle, portefeuilliste chez Investissements Standard Life.

Une entente récente illustre cette vision à très long terme. Power vient de prolonger jusqu'en 2029 la durée de l'entente avec le Groupe Albert Frère de Belgique, qui régit leur partenariat stratégique en Europe.

Prolongée deux fois depuis 1990, l'entente encadre le pacte qui lie les intérêts communs des deux familles dans le Groupe Bruxelles-Lambert.

Les actions de Power Corp. et de Financière Power ne sont pas particulièrement bon marché, s'échangeant à une évaluation conforme à leur moyenne à long terme, dit M. Belisle.

En Bourse, M. Gauthier préfère la Financière Power à Power Corp., puisque cette société est plus près de l'exploitation de Great-West et de Financière IGM et qu'elle n'englobe pas Pargesa.

Power Corporation a aussi souffert de l'achat par Great-West du gestionnaire américain Putnam Investments, avant la crise de 2008. Cette transaction de 4,8 G$ n'a pas encore procuré de rendement à Power, ajoute M. Belisle.

«Pour générer un rendement adéquat, l'actif sous gestion de Putnam doit augmenter de 57 % à 200 G$ US», évalue M. Reucassel.

L'élément déclencheur pour l'empire Power n'est pas encore visible, mais des acquisitions par Great-West ou IGM insufflerait un nouvel élan à la société en lui redonnant une saveur de croissance.

+ 85 %

Croissance de l'indice S&P/TSX au cours des 10 dernières années.

LES RECOMMANDATIONS DES ANALYSTES

George Weston (Tor., WN, 70,38 $)

ACHETER 3

CONSERVER 7

Thomson Reuters (Tor., TRI, 29,39 $)

ACHETER 5

CONSERVER 16

VENDRE 3

Barrick gold (Tor., ABX, 33,67 $)

ACHETER 14

CONSERVER 13

VENDRE 1

BCE (Tor., BCE, 42,11 $)

ACHETER 4

CONSERVER 16

VENDRE 1

Power corporation (Tor., POW, 25,69 $)

ACHETER 1

CONSERVER 5

VENDRE 1

Source : Bloomberg

dominique.beauchamp@tc.tc

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