Après C2-MTL, matière à réflexion

Publié le 09/06/2012 à 00:00

Après C2-MTL, matière à réflexion

Publié le 09/06/2012 à 00:00

Une conversation de trois jours sur la créativité en affaires. Voilà ce que les organisateurs de C2-MTL ont voulu offrir, à la fin de mai à Montréal, aux quelques milliers de participants venus de 37 pays. Cette conversation a-t-elle eu lieu ? Les participants sont-ils retournés dans leurs entreprises la tête bourrée de «solutions créatives à leurs problèmes commerciaux», comme le promettait le slogan de l'événement ?

L'entrepreneur mexicain Rodolfo Ramirez estime que oui. Son entreprise, Redbox Innovation, accompagne les organisations dans leurs processus de changement. «Les organisateurs de C2-MTL ne se sont pas contentés de nous présenter des conférences cute. J'ai senti un équilibre entre les idées et l'action.»

Ainsi, l'Américain Ben Arment, pdg de la petite firme de création multimédia Chicago Story, compte revoir son marketing en s'inspirant de la conférence de Robert Wong, directeur du Google Creative Lab. «Plutôt que de faire de la publicité, je vais réaliser de petits documentaires ou des démos qui mettent en scène ce que fait mon entreprise. Je crois que cela aura plus d'effet auprès des clients potentiels», ajoute l'homme d'affaires de Virginia Beach qui a appris l'existence de C2-MTL en lisant le magazine Fast Company.

Près de cinquante conférenciers ont défilé devant les participants de C2-MTL, parfois étourdis par la quantité d'informations. «Le premier jour, j'étais au premier rang, super enthousiaste, raconte un entrepreneur indonésien, René Suhardono-Canoneo, fondateur du mouvement social Impact Factory. Le deuxième jour, je me suis assis au fond de la salle, pour prendre du recul. C'était trop. Maintenant, je dois trouver comment raconter aux gens, chez moi, ce que j'ai vécu ici. Il faut que je digère le contenu pour eux.»

Nous avons fait nous aussi cet exercice de synthèse, pour faire émerger quelques idées nouvelles ou, tout au moins, présentées sous un angle nouveau durant les conférences.

1 La créativité est une question de cran (grit)

«Dans un monde obsédé par le talent, on sous-évalue l'influence de la persévérance sur la créativité», déclare le journaliste Jonathan Lehrer, auteur de Imagine et How We Decide. Il cite le cas de l'école militaire de West Point. Au début des années 2000, celle-ci se débattait avec un problème de taille, le tiers des étudiants abandonnant au cours des premières semaines. Pour comprendre les raisons de ces départs, West Point demande l'aide d'Angela L. Duckworth, du Département de psychologie de l'Université de Pennsylvanie. Elle a développé un «test de cran» (grit test) qui vérifie l'opiniâtreté des candidats afin d'éviter les abandons. On demande : «Comment composez-vous avec le rejet ?» et «Avez-vous toujours voulu étudier à West Point ?»

Le cran, c'est ce qui vous pousse à vous accrocher. Une idée qui a inspiré Alex Vincent, consultant senior chez Knightsbridge. «La prochaine fois que je discuterai d'un projet audacieux avec un client, je vais lui demander : " Avez-vous le cran de l'appliquer ? "»

2 Le manque de sincérité des organisations nuit à leur créativité

«Les organisations manquent d'authenticité et de sincérité, elles cultivent le secret, constate Lotfi EL-Ghandouri, fondateur de la firme conseil Creative Society. Cette culture nuit à leur créativité.» Viser la sincérité les rendrait plus empathiques, plus vulnérables, plus imparfaites. «L'entreprise qui reconnaît ses imperfections a le courage de poser des questions. Et celle qui fait preuve d'empathie cherche des solutions. Elle tente de voir le monde autrement, ce qui la rend automatiquement créative», poursuit-il.

Ses propos ont trouvé écho dans la conférence intitulée «Comment conserver la créativité d'une start-up ?» Les start-ups sont reconnues pour leur créativité, certes. Mais elles ont aussi la réputation d'être plus transparentes (ouvertes) que les organisations traditionnelles. Cette culture de transparence fait leur force, estime l'entrepreneur Marc Gingras, qui a vendu sa start-up Tungle.me à Reseach in Motion en avril 2011. Sylvain Carle, auteur du blogue techno afroginthevalley.com, renchérit : «Les start-ups n'ont ni le temps ni les ressources suffisantes pour arriver à leurs fins seules, souligne-t-il. Nous n'avons donc pas d'autre choix que celui de partager notre histoire et nos infos afin de trouver l'aide nécessaire pour aller plus loin plus vite. Notre transparence nous rend plus créatives.»

3 Oui, on peut être trop créatif

«Je voulais tellement être différent, me démarquer, que mes créations ont connu une phase Frankenstein !» L'auteur de ces propos se nomme Ian Schrager. C'est à cet homme d'affaires américain que l'on doit la célèbre discothèque new-yorkaise Studio 54 qui, de 1977 à 1981, a vu défiler tout ce que la planète comptait de petites et grandes célébrités. Il a aussi imaginé le concept des hôtels boutiques. Les premiers qu'il a conçus étaient pleins de charme et de simplicité. Puis, grisé par le succès, il a poussé l'enveloppe un peu trop loin, avoue-t-il. Aujourd'hui, il est revenu à son point de départ. Du style, mais pas trop. Un service impeccable sans être obséquieux.

4 Investissez dans les «veaux à lait», pas dans les «vaches à lait»

Tara Hunt a l'habitude de demander pardon plutôt que de demander la permission. «C'est probablement pour cela que je n'ai pas eu une longue carrière dans la grande entreprise !» confie-t-elle en riant. Aujourd'hui, elle est entrepreneure. On lui doit le site de référence Buysphère, où des fashionistas aident d'autres fashionistas à mettre la main sur l'article idéal. Son constat : on tue la créativité en prolongeant indûment la vie des bonnes idées. Il faut plutôt en chercher d'autres, trouver son «veau à lait».

5 Travailler comme un col bleu

La création doit être balisée. Elle doit avoir un début et une fin, croit Mitch Joel, spécialiste des médias sociaux et auteur de Six Pixels of Separation. Il faut appliquer «l'éthique du travail» du col bleu au processus créatif. «Quand je m'assois à ma table de travail, j'ai un mandat et une échéance, et je veille à les respecter jusqu'à ce que ce soit terminé.» Un pour cent d'inspiration, 99 % de transpiration...

Fruit de la collaboration entre l'agence québécoise Sid Lee, le magazine américain Fast Company et HSM, spécialiste international de l'organisation de conférences, l'événement de créativité en affaires C2-MTL s'est tenu du 22 au 25 mai à Montréal. Au programme, une cinquantaine de conférences, des ateliers et aussi des spectacles, du Cirque du Soleil et du dj Moby.

«Je ne dis jamais à mes clients " Il faut être plus créatifs" ni " Il faudrait trouver une solution créative ", ça les effraierait. Je préfère dire " Il faut faire les choses de manière différente ". La tâche paraît moins imposante ainsi.»

- Alex Vincent, consultant senior chez Knightsbridge

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