Deux partis politiques proposent de réduire le crédit d'impôt pour dividende. Quel impact cette mesure pourrait-elle avoir ?
Voilà un bel exemple de certaines propositions qui semblent simples à implanter, mais la fiscalité reste un outil extrêmement complexe. Trop souvent, on mesure mal les interactions que les modifications peuvent avoir. La fiscalité est censée rendre l'homme d'affaires indifférent à l'égard du fait de gagner un revenu d'entreprise soit personnellement, soit par l'intermédiaire de sa société qui lui verse ensuite un dividende. Si on réduit la valeur du crédit d'impôt pour dividende, on défait ce principe. Évidemment, un investisseur ne demandera pas à une compagnie publique comme BCE de lui verser moins de dividendes, mais les entrepreneurs, eux, reverront leur mode de rémunération en réduisant l'utilisation des dividendes. Dans ce cas, les sommes attendues par la modification ne seront donc pas aussi élevées qu'on ne l'avait espéré.
Une autre proposition vise à augmenter de 50 à 75 % la part du gain en capital qui est imposable. Que doit-on en penser ?
Sur le plan technique, inclure les trois quarts du gain en capital dans les revenus imposables est réalisable, puisque c'est le taux qui a été appliqué de 1990 à 2000. Là n'est pas la question, mais ce serait toutefois la première fois que le Québec aurait un taux d'inclusion différent de celui d'Ottawa et des autres provinces. Je vous rappelle qu'on pouvait lire ceci dans le dernier rapport proposant une réforme fiscale au Québec, préparé en 1996 (Commission d'Amours) : « Un taux supérieur au Québec amènerait des contribuables à réaliser leur gain en capital à l'extérieur du Québec, et nous perdrions une partie du rendement fiscal de cette mesure. » Évidemment, rien n'oblige le Québec à inclure la même proportion du gain en capital que celle qu'on inclut ailleurs au Canada, mais un taux différencié fera travailler les fiscalistes.
Quels changements aimeriez-vous voir se produire à l'avenir ?
Deux choses. Premièrement, il serait bien que l'on connaisse l'état des finances publiques avant le déclenchement des élections, pour que les promesses de tout un chacun s'appuient sur un cadre financier commun et transparent, comme c'est le cas en Ontario depuis deux élections. Deuxièmement, le Québec est mûr pour une réforme en profondeur de sa fiscalité ; celle-ci deviendrait alors un puissant incitatif au travail et à l'investissement, ce qui favoriserait la croissance économique.
CV
NOM : Luc Godbout
TITRE : Professeur titulaire à l'Université de Sherbrooke et chercheur à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques
1,5 %
Sur 6178583 contribuables ayant produit une déclaration de revenus en 2009, seulement 93957 avaient un revenu total supérieur à 150000 $.