Est-il plus difficile de recruter en période de crise économique ?

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Est-il plus difficile de recruter en période de crise économique ?

Publié le 01/03/2009 à 00:00

Tout d'abord, il faut dire que la crise n'a pas encore frappé le Québec avec la même force qu'elle l'a fait en Ontario ou aux États-Unis. Mais cela ne saurait tarder, car nous avons généralement de 12 à 15 mois de retard sur ce qui se déroule aux États-Unis. Les contrecoups de la crise devraient se faire sentir au cours du deuxième trimestre. Par contre, sur le terrain, certaines compressions ont déjà eu lieu : chez les cadres seniors, qui touchent de gros salaires, et dans le gras, c'est-à-dire chez ceux qui sont inefficaces.

Qui seront les moins touchés ?

Les cadres qui ont entre sept et douze ans d'expérience. Leur salaire est moins élevé que celui des seniors, ils ont de l'expérience, et il leur reste plusieurs années sur le marché du travail. Ce sont les perles rares que les organisations ne veulent pas perdre et que les concurrents courtiseront. Car il ne faut pas croire que la guerre des talents s'atténuera. Au contraire. La crise ajoute à l'insécurité. Elle devient une période de réflexion pour plusieurs, qui profitent des turbulences pour remettre en question leurs choix professionnels et leur appartenance à une entreprise. Par contre, la période sera plus difficile pour les travailleurs qui n'ont pas su développer leur employabilité, c'est-à-dire ceux dont les compétences ne sont pas à jour et qui n'ont pas étendu leur réseau. Car s'ils perdent leur emploi, le réveil risque d'être brutal. Ils auront du mal à se faire valoir. C'est le cas de certains cadres qui m'ont récemment contactée.

Les entreprises peuvent-elles tirer profit de l'instabilité actuelle ?

Tout dépend de leur réaction. Rappelez-vous la récession de 1991, lorsque des entreprises ont effectué des compressions de personnel pour traverser la crise. Résultat : la confiance des employés en a été fortement ébranlée et l'image de plusieurs sociétés en a souffert. Or, lorsque la confiance est ébranlée, il est difficile de renverser la vapeur. Cette fois, les entreprises doivent éviter d'agir de la sorte, même si la crise actuelle est plus grave que les précédentes. Car elle sera plus grave. Évidemment, plusieurs entreprises devront éliminer des postes, mais elles devront choisir leurs cibles, expliquer leurs raisons et analyser l'impact de leurs choix.

Comment doivent-elles s'y prendre ?

Les entreprises peuvent profiter de la crise pour renforcer la loyauté de leurs employés en leur proposant des solutions et en leur communiquant le message suivant : "Nous sommes une équipe. Nous traverserons la crise ensemble, et voici comment je vous propose de le faire". Celles qui réduisent tout de suite leur personnel sans donner d'explications commettent une erreur stratégique à long terme. Elles envoient le message que les employés sont les premiers à subir les contrecoups de la crise et qu'elles ne les appuient pas dans les moments difficiles. Un message plutôt paradoxal quand on sait que depuis des années, plusieurs d'entre elles affirment que les ressources humaines sont au coeur de leurs préoccupations.

Dans le contexte actuel, les organisations syndiquées sont-elles désavantagées ?

Dans une certaine mesure, oui. Elles devront peut-être garder certains employés au détriment d'autres qu'elles considèrent plus efficaces. Si ces entreprises ne parviennent pas à redéfinir les rapports entre le syndicat et la direction, elles pourraient souffrir davantage. Certaines conventions collectives devront être revues pour accorder plus de flexibilité. De plus, il ne faut pas s'en cacher, les jeunes qui arrivent sur le marché ne veulent pas des syndicats, surtout si ceux-ci les défavorisent. La crise est en quelque sorte une occasion de tisser un nouveau lien de loyauté avec ses employés, car tout le monde se trouve dans le même bateau.

Les entreprises devront-elles jouer leurs cartes différemment selon les générations auxquelles elles s'adressent ?

C'est le moment de montrer aux Y qui entrent dans le marché du travail que l'entreprise est à l'écoute et qu'elle les respecte. Les jeunes auront une perception positive ou négative d'une entreprise selon les décisions et les comportements que celle-ci adoptera. C'est un enjeu de taille pour l'avenir. J'espère sincèrement que les turbulences actuelles ne rendront pas les jeunes pessimistes face au marché du travail. Pour la génération X, la situation est différente, car ils sont très scolarisés. Il ne faut pas sous-estimer cette génération : elle comprend ce qui se passe. La loyauté envers l'entreprise est moins présente parce que cette génération a beaucoup souffert. Chose certaine, quelles que soient les réactions, ce qui est en jeu ici, c'est le branding de l'entreprise. Et l'entreprise qui ne reconnaît pas ses talents à leur juste valeur sortira perdante.

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