«Un leader doit faire preuve d'humilité.»

Publié le 01/07/2011 à 09:13, mis à jour le 08/07/2011 à 09:13

«Un leader doit faire preuve d'humilité.»

Publié le 01/07/2011 à 09:13, mis à jour le 08/07/2011 à 09:13

Par Premium

On le sait, succéder à son père pour prendre les rênes d’une entreprise familiale n’est pas une mince affaire. C’est pourtant le défi que relève brillamment Ève-Lyne Biron, présidente et chef de la direction de Biron Groupe Santé, depuis déjà plus de 15 ans. Son secret ? Une vision stratégique claire alliée à un sens inné de l’harmonie qui lui ont permis de passer d’une famille en affaires à une entreprise familiale. Résultat : une croissance soutenue et une valeur ajoutée tant pour l’entreprise que pour les propriétaires-actionnaires. Elle raconte.

par Ève-Lyne Biron, résidente et chef de la direction Biron Groupe Santé

Dès mon jeune âge, j’ai été exposée au travail de mon père, Denis Biron. Fort de sa formation de biochimiste, il avait démarré une petite entreprise, en 1952, qui réalisait des analyses de sang et d’urine. Le soir, il allait parfois faire des prélèvements, les ramenait à la maison et effectuait ensuite la centrifugation au sous-sol, avant de les entreposer... dans notre frigo ! Le lendemain, il apportait le tout au laboratoire où il m’amenait parfois. Mon premier souvenir est celui d’un local de quelque 300 mètres carrés, dans le sous-sol d’une clinique de la Rive-Sud de Montréal.

En devenant caddy pour un joueur de golf professionnel, mon père a découvert un milieu aisé, aux antipodes de celui d’Hochelaga-Maisonneuve, son quartier d’enfance. C’est notamment ce premier contact avec la richesse qui lui a donné le goût des affaires. Un goût qu’il m’a transmis en même temps que sa passion pour le golf. Résultat, à 18 ans, j’ai gagné le championnat québécois junior, puis le Championnat provincial amateur quelques années plus tard. J’ai par la suite représenté le Canada dans des compétitions internationales, au Mexique, en Angleterre, en Nouvelle-Zélande.###

Après des études en sciences pures au cégep, j’ai obtenu une bourse pour préparer un baccalauréat en commerce, majeure marketing, tout en jouant avec l’équipe de golf, à l’Arizona State University, l’alma mater du célèbre golfeur Phil Michelson. J’aurais pu devenir golfeuse professionnelle, mais, comme je voulais rester proche de ma famille, j’ai décidé de me joindre à l’entreprise à titre de responsable des ventes et du marketing. J’avais 23 ans et un diplôme universitaire en poche — un atout important aux yeux de mon père, plutôt habitué à suivre son intuition d’entrepreneur.

À mon arrivée, l’entreprise affichait une croissance soutenue, grâce à l’inauguration de 15 à 20 nouveaux points de service chaque année. Je m’occupais de tout l’aspect ventes et marketing : service à la clientèle, prise de rendez-vous, recherche de locaux, négociation de baux, etc. Mon père était très présent, mais pas du tout directif. Il était calme et posé, mais aussi ambitieux et très déterminé. J’ai hérité, je crois, de plusieurs de ses qualités.

Pendant six ans, mon père m’a initiée à tous les dossiers. Un jour, j’ai participé à un montage de capital de risque. Les finances n’étant pas ma force, je me suis sentie très mal à l’aise. Cette expérience m’a convaincue d’obtenir un MBA, à HEC Montréal. Mon intérêt pour la finance n’a certes pas grandi (hélas !), mais je suis moins ignorante et je peux soutenir des échanges avec des experts en finance.

De famille en affaires à entreprise familiale

Mon père ne parlait pas de sa succession, mais je sentais que ce moment viendrait tôt ou tard. Si bien que je m’y préparais, tout en travaillant de concert avec ma sœur Geneviève qui, comme mon autre sœur Caroline, s’était jointe à l’entreprise.

Le jour où mon père m’a annoncé qu’il était prêt à me passer le flambeau, en 1995, ma réaction fut immédiate : « oui mais, est-ce que mes deux sœurs sont d’accord ? » Mon père s’est empressé de me rassurer. Vrai, j’avais quelques doutes sur mes compétences, mais, au fond de moi, je me sentais prête à prendre les rênes de l’entreprise. D’autant que je savais que je pouvais toujours demander conseil à mon père qui, je dois le dire, a eu la sagesse de se retirer complètement de l’entreprise et de me laisser le champ libre. Je suis d’un naturel réservé, et je tenais à ce que la transition se fasse en douceur. Ce fut le cas, même si cela a certes posé un grand défi, soit celui de concilier affaires et famille.

Par exemple, lorsque les membres d’une même famille portent plusieurs chapeaux, soit gestionnaire, propriétaire, administrateur et actionnaire, cela complique inévitablement la gestion au quotidien. Il faut alors veiller à définir le plus précisément possible les rôles de chacun, de sorte que l’harmonie soit préservée au sein de la direction. C’est une valeur fondamentale que m’a transmise mon père et qui guide mes décisions, encore aujourd’hui.

Nombre d’entreprises familiales ont du mal à recruter à l’externe des personnes désireuses de joindre les rangs du conseil d’administration, qui n’est souvent qu’un conseil de famille — et j’avoue que notre groupe n’y a pas échappé. À vrai dire, mon père n’en voyait pas la nécessité. Ce n’était pas facile pour lui d’ouvrir ses livres et de faire confiance à des étrangers : et c’était normal ! Mais je voyais les choses autrement. En effet, j’estimais que le fait d’accueillir des gens de l’extérieur peut se révéler bénéfique pour l’organisation, ne serait-ce que pour leur regard neuf et leurs expériences issues d’horizons variés. Or, il m’a fallu trois ans pour convaincre mon père. J’ai su me montrer très persévérante ! Aujourd’hui, quatre membres issus de l’externe se sont ajoutés au noyau familial, à la plus grande satisfaction de tous.

Je crois enfin que le fait d’avoir pris le temps de m’arrêter et de me poser franchement la question « est-ce que je gère une famille en affaires ou une entreprise familiale ? » a nourri ma vision. Si bien que, comme présidente et gestionnaire, j’estime que je dois donner priorité aux intérêts de l’entreprise plutôt qu’à ceux de la famille. Une fois cette vision communiquée clairement au sein de l’organisation, on peut rallier les forces de chacun et aller de l’avant.

L’exigence d’une mission claire

On m’a souvent dit que j’avais un très grand sens du leadership. Je crois que cela tient à ma capacité d’élaborer une vision, de la communiquer et d’être très claire quant aux orientations stratégiques. Le processus est très exigeant, et rares sont les entreprises qui s’y astreignent sérieusement. Or, j’y crois fermement, et l’équipe s’y adonne rigoureusement depuis cinq ans. Grâce à ces réflexions en continu, j’en suis convaincue, nous sommes passés de simple fournisseur de tests en laboratoire au statut de plus grande entreprise de services de tests diagnostiques et thérapeutiques au Québec. Lorsque mes collaborateurs se plaignent du manque de temps pour ces réunions, je leur répète qu’elles sont essentielles si nous voulons poursuivre notre développement et soutenir notre croissance. Je leur conseille également de se rendre disponibles en déléguant encore plus, car la planification fait partie de leurs rôles et responsabilités.

Comme leader, je dois aussi transmettre ma vision, afin que chaque décision prise au quotidien s’aligne sur celle-ci. Chacun a la responsabilité de l’expliquer à ses employés. Communiquer efficacement n’est pas facile, mais nous utilisons entre autres l’intranet. De plus, notre mission est sans cesse rappelée dans toutes les réunions.

La vision de notre entreprise est claire : nous souhaitons que nos clients puissent un jour compter sur nous à toutes les étapes de leur vie, quels que soient leurs problèmes de santé. Sachant cela, il devient plus facile de saisir les bonnes occasions. L’une d’entre elles fut de mettre en place, en 2000, des services de diagnostics de l’apnée du sommeil, dont souffrent près de 10 % de la population. Puis, un peu plus tard, est née l’idée de regrouper en réseau les services existants d’imagerie médicale et de réaliser ainsi d’importantes économies d’échelle. Cet autre volet complétait avantageusement nos services. Les médecins ont en effet deux plateaux techniques pour poser un diagnostic : les prélèvements et la radiologie.

Humilité et confiance

À mon avis, un bon leader doit aussi faire preuve d’humilité. Pour gagner la confiance des employés, le patron doit leur donner l’impression qu’il est humain et qu’il peut se tromper. J’ai fait quelques erreurs, bien sûr, par exemple lorsque j’ai décidé de recruter des employés à l’externe. Mon père avait toujours accordé des promotions à l’interne. Des employés m’ont fait remarquer que mon approche quant à l’affichage de postes n’était pas équitable. J’ai vite rajusté le tir.

Cela dit, la confiance se gagne aussi à travers les réussites. J’ai réalisé mon premier bon coup au tout début de ma présidence. Lors de l’acquisition d’une entreprise de l’ouest de Montréal que mon père tentait d’acheter sans succès depuis sept ans, j’ai vraiment obtenu la confiance des employés. J’ai fait preuve d’écoute et j’ai pris le temps de les rassurer, en outre lorsqu’un vendeur a redouté que ses employés ne perdent leur emploi, alors que mon père avait toujours axé son offre, je crois, sur les rendements financiers. De plus, je n’ai jamais eu l’impression que le fait d’être une femme me causait des problèmes, peut-être parce que mon père n’a jamais refusé de possibilités d’avancement à ses filles, et je crois même que cela a joué en ma faveur. Ce succès a montré que j’étais sérieuse et que je prenais à cœur les intérêts de l’entreprise.

Je dois par ailleurs faire confiance à mes collaborateurs, et garder en tête que mon idée n’est pas nécessairement la meilleure. Il y a quelques années, par exemple, notre vice-président marketing a proposé de réunir les quatre composantes de l’entreprise, laboratoire médical, soins du sommeil, services aux entreprises et imagerie médicale, sous une seule bannière, et que le nom Biron, très connu, y occuperait une place centrale. Au départ, je trouvais ce changement prématuré. Il m’a fallu une certaine humilité pour lui faire confiance et je ne l’ai pas regretté. Mon employé m’a avoué par la suite à quel point mon attitude l’avait motivé. Un leader peut avoir du talent, mais il n’est pas expert en tout. J’ai appris à m’entourer de gens compétents. Car, sans une bonne équipe à qui se fier, un leader ne peut rien.

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