Performer ou l'art de devenir maître de Kyudo

Publié le 03/02/2012 à 00:00, mis à jour le 02/02/2012 à 15:38

Performer ou l'art de devenir maître de Kyudo

Publié le 03/02/2012 à 00:00, mis à jour le 02/02/2012 à 15:38

Je m’inquiète de la performance de nos organisations, tant dans le secteur public que privé. La performance engendre l’abondance et suscite un sentiment de fierté et de confiance. Pour moi, elle est un résultat. Et pour y parvenir, il faut avoir consacré toute son attention à bien faire son travail, une chose à la fois, animé d’une bonne intention.

Le drame actuel, c’est que l’on a fait de la performance un objectif. C’est aussi ce que l’on a fait des résultats financiers. Les organisations ont dorénavant des objectifs de résultats. Par conséquent, nous avons détourné notre regard du client, de nos collègues et de nos actions. De cette façon, nous nous éloignons du processus qui engendre les résultats et la performance pour ne tourner notre regard que vers la cible : performer… Doucement, dangereusement, nous devenons obnubilés par la cible… La cible, toujours la cible. Et nous oublions tout ce qu’il y a autour et qui devrait pourtant mériter notre attention.###

J’ai été témoin de la contre-performance dans le milieu des soins de santé chez des soignants à qui on avait donné des objectifs de performance élevés et imposé un programme de suivi rigoureux. Dévoués comme on les connaît, ils se sont consacrés entièrement à la nouvelle cible, en se détournant de leurs patients. Ils ont augmenté leur efficacité indivi¬ duelle, certes, mais la performance globale s’est dégradée. L’augmentation du stress, la perte de sens et de motivation liées au fait de servir l’organisation plutôt que les malades a engendré de l’absentéisme et des congés de maladie accrus. Qui sait, peut-être que les patients guérissaient aussi moins vite ? La mission des soignants est de prendre soin des patients. N’est-ce pas ce sur quoi ils devraient d’abord se concentrer ?

Cette relation entre la cible et les moyens que l’on prend pour l’atteindre me font penser au Kyudo. Vous ne savez pas à quoi je fais référence ? Un jour, j’ai rencontré un jeune Japonais qui m’a demandé si je pratiquais le Kyudo… Devant mon ignorance, voici ce qu’il m’a dit sur cette discipline : « Le Kyudo est l’art du tir à l’arc japonais, un art qui exige plusieurs années d’apprentissage avant que l’élève n’atteigne le statut de maître de kyudo ». J’en concluais rapidement que cette technique était fort complexe. Il me confia pourtant qu’elle n’est fondée que sur huit phases distinctes et consécutives très simples, mais que le défi repose sur autre chose. « Atteindre la cible est la conséquence du bon équilibre entre un corps et un esprit disciplinés et harmonisés. » Autrement dit, il faut des années pour que l’élève se détache de la cible afin de se concentrer sur la chorégraphie gestuelle et d’arriver finalement… à atteindre cette cible. La cible n’est plus l’objectif, mais bien le résultat. C’est en se détachant de notre obsession de vouloir l’atteindre qu’on parvient à la toucher.

La cible est comparable à notre ego. Lorsque nous appliquons toute notre attention à l’atteindre, nous oublions tout ce qui l’entoure, et nous ne servons que nous-mêmes.

Pourtant, pour réussir, pour obtenir des résultats et être performant, il faut travailler à faire fondre son ego, à se détacher de la cible et concentrer toute son attention sur le processus : être présent à soi et aux autres. Il faut être occupé à servir.

Bien sûr, il importe d’avoir des rêves, des objectifs, des idéaux mais… Je suis convaincu que pour atteindre ces objectifs, il faut d’abord oser s’en détacher. C’est ainsi qu’on les dépassera.

Et vous, que demandez-vous à vos employés ? De performer ou de servir ?

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