Laurent Beaudoin: le leader stratégique

Publié le 05/02/2011 à 00:00, mis à jour le 24/02/2011 à 09:54

Laurent Beaudoin: le leader stratégique

Publié le 05/02/2011 à 00:00, mis à jour le 24/02/2011 à 09:54

Quand il a pris la barre de Bombardier, Laurent Beaudoin n’avait pas encore 25 ans. Le défi était grand, mais il a su faire sa place et prendre des décisions stratégiques tout au long de sa carrière.

R.V. - Laurent Beaudoin, je vous ramène en 1964. Vous prenez alors la relève de celui qui était déjà pratiquement une légende au Québec : Joseph-Armand Bombardier. Près de 700 travailleurs se demandent ce qui va leur arriver. Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là ?

L.B. - Cela a commencé un peu plus facilement que ça. En fait, je suis arrivé à Valcourt le 1er mai 1963, comme contrôleur adjoint de M. Bombardier, mon beau-père.

R.V. - On vous connaissait déjà ?

L.B. - On me connaissait très peu à Valcourt, parce que j'avais auparavant mon bureau de comptable à Québec. C'est mon beau-père qui m'a convaincu de venir à Valcourt. Quand je suis arrivé, il m'a immédiatement donné son grand bureau, car il passait la plupart de son temps au département de recherche. Moi, le jeune, qui avais 24 ans à ce moment-là, il fallait que je passe devant tous les employés de l'administration pour aller au bureau du grand patron. Au début, c'était un peu intimidant...

En septembre, nous avons appris que mon beau-père était malade. Graduellement, mes responsabilités ont changé. J'ai commencé à m'intéresser davantage aux opérations, à travailler avec les gens, à aller sur les lignes d'assemblage, à comprendre un peu plus ce qui se faisait au point de vue opérationnel, à faire le tour de tous les services et à réellement m'impliquer sur le plancher auprès des employés.

Il a fallu que j'accepte des responsabilités avant même que mon beau-père ne meure, parce qu'il fallait quelqu'un pour diriger les activités. J'ai eu à prendre des décisions importantes. C'est là que la confiance s'est installée avec les employés et que mon leadership s'est établi. Selon moi, le leadership ne s'impose pas. Il faut le démontrer réellement en travaillant de près avec les employés et en prenant des décisions quand c'est nécessaire.

R.V. - Vous n'étiez quand même pas vieux...

L.B. - Quand mon beau-père est mort, je n'avais pas encore 25 ans. Mais j'éprouvais déjà un intérêt pour la mécanique, même si j'avais choisi de faire mes études universitaires en comptabilité. Quand je suis arrivé à Valcourt, le produit m'intéressait. Mon engagement était un peu naturel. La comptabilité m'a aidé à comprendre les chiffres, à faire des budgets et à établir des projections. Cela m'a laissé un peu de temps libre pour m'occuper des opérations. Je me suis alors impliqué directement avec les employés. Ils voyaient que j'étais intéressé et que j'avais certaines capacités.

R.V. - Il reste que c'est une transition importante : c'est vous qui devenez le patron et qui allez mener la barque. Comment cela s'est-il déroulé au fil du temps ? Est-ce que vous avez senti le besoin, malgré votre jeune âge, de vous imposer, de démontrer votre autorité ?

L.B. - Je ne peux pas dire que je me suis imposé. Je ne pense pas qu'un leader doive le faire. Lorsque c'est le cas, c'est mal reçu. Je pense que diriger, c'est être proche des gens, comprendre leurs problèmes, travailler avec eux et leur montrer qu'en prenant des décisions, on fait avancer les choses. C'est à ce moment-là qu'ils vous font confiance.

R.V. - Il y a eu plusieurs moments cruciaux dans le parcours de Bombardier, dont celui où la motoneige traverse une période plus difficile. Il faut donc la relancer tout en développant de nouvelles fonctions. Comment ce changement s'est-il effectué ?

L.B. - Il y a eu plusieurs périodes importantes. La première, c'est quand Bombardier est devenu une compagnie publique, en 1969. Puis, quand nous avons acquis la société d'Autriche qui fournissait nos moteurs, Rotax. Par la suite, en 1973, en raison de la crise de l'énergie, le marché de la motoneige a chuté de façon dramatique. Nous avons alors décidé de soumissionner le contrat du métro de Montréal et de nous diriger vers le transport en commun.

Une décision pour l'avenir

R.V. - Vous auriez pu décider de fabriquer des tracteurs, des roulottes ou n'importe quoi d'autre. Or, vous avez choisi le métro. Vous avez pris une décision qui allait influencer l'histoire de Bombardier en matière de transport en commun, une décision capitale !

L.B. - Dans la vie, il y a souvent une série de facteurs qui vous amènent à prendre ce genre de décisions. Pour commencer, lorsque nous avons acheté Rotax, à Vienne, en Autriche, il a également fallu acheter la compagnie-mère, Lohner-Werke, qui fabriquait déjà des tramways. Nous n'étions pas censés la conserver, car le fils [de l'entreprise familiale] devait la reprendre. Mais il nous a dit de la garder.

Cela nous a apporté une certaine connaissance quant aux métiers nécessaires pour construire des wagons de transport en commun. En même temps, Montréal songeait à l'expansion des lignes de métro. Le maire Drapeau m'avait dit : " Bombardier devrait envisager de soumissionner. On a seulement un soumissionnaire et on aimerait bien avoir de la concurrence. Il me semble que ce serait naturel pour Bombardier de s'y intéresser. " Quand il m'en a parlé la première fois, je n'étais pas tellement en faveur de l'idée. Mais, après y avoir réfléchi, j'ai changé d'avis.

Il faut aussi se rappeler qu'en 1973, la crise de l'énergie a complètement changé le transport en commun. Jusque-là, les villes enlevaient leurs lignes de tramway pour les remplacer par des autobus. À la suite de la crise de l'énergie, elles se sont mises à penser à leur avenir. Vienne, qui avait commencé à démanteler son réseau, nous a demandé de remettre à neuf ses véhicules. Elle a même parlé de construire de nouvelles voitures. En parallèle, il y avait les projets du maire Drapeau. La main-d'oeuvre nécessaire était assez similaire à celle que nécessitaient nos véhicules récréatifs : des assembleurs, des soudeurs, des machinistes... Après y avoir réfléchi, nous avons décidé de mettre une équipe en place et de soumissionner le projet du métro de Montréal, en nous disant que c'était peut-être là un domaine qui pouvait nous intéresser à long terme.

R.V. - Tout le monde était-il d'accord avec cette décision ?

L.B. - Nous n'avons pas rencontré beaucoup d'objections. La situation de la motoneige à ce moment-là demandait une restructuration. Il nous fallait développer un autre secteur d'activité, parce qu'on ne savait pas du tout comment les produits récréatifs évolueraient dans le futur. Je pensais aux 4 000 employés de Valcourt, au pic de l'effectif, et je me disais : " Il faut absolument trouver autre chose. " Tous ces facteurs mis ensemble, nous avons décidé de tenter notre chance avec le métro de Montréal.

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