Diriger en reconnaissant ses émotions

Publié le 13/11/2008 à 16:04

Diriger en reconnaissant ses émotions

Publié le 13/11/2008 à 16:04

Par lesaffaires.com
Un leader doit prendre conscience de ses motivations et de celles des autres, dit Estelle Morin, professeure à HEC Montréal.

Entrevue. 

Journal Les Affaires - L'intelligence émotionnelle est un concept qui s'est imposé au fil des ans, mais dont on ne cerne pas toujours les contours. À vos yeux, qu'est-ce que cela recouvre ?

Estelle Morin - Il y a effectivement plusieurs définitions qui circulent, mais elles ont des points communs : la capacité de reconnaître ses propres émotions et celles des autres, ainsi que de réagir en conséquence. On peut y parvenir plus ou moins intuitivement - tout le monde ne maîtrise pas formellement cette habileté - mais elle accompagne le développement de la maturité et de la sagesse. Certaines émotions sont plus faciles à reconnaître, parce qu'elles ne sont pas menaçantes, par exemple l'amour. Mais d'autres, comme l'anxiété, présagent une menace, et on refusera de l'accepter, parce que c'est troublant. Même chose pour la colère. « Moi, je vais bien, dira-t-on, le problème, c'est les autres. » La colère a une mauvaise image. Ce n'est pas une belle émotion. Si on fait preuve d'intelligence émotionnelle, on reconnaît le comportement qui en découle, et on cherche à agir pour le modifier - et non pas modifier l'émotion elle-même. On travaille à adapter ses comportements de façon cohérente, sans nier les faits.

JLA - Et comment définissez-vous le terme « émotion » ?

E.M. - Les émotions sont des représentations psychologiques d'un état physiologique.

JLA - En d'autres mots, c'est la jonction entre le corps et les émotions. Et quels liens peut-on faire entre l'intelligence émotionnelle et le leadership ?

E.M. - Lorsqu'on dirige un groupe, il faut être capable de prendre conscience des motivations qui nous poussent à le diriger, tout en étant ouvert aux motivations des autres. Par ailleurs, les gens vont suivre quelqu'un qui a leur intérêt à cœur. Donc, est-on prêt à faire le même chemin que celui qu'on demande aux autres ? On ne fait pas que se projeter; il faut mettre en pratique ce que l'on prêche. Pensez à un politicien qui dirait vouloir améliorer les politiques familiales, mais qui dresserait des obstacles. C'est une question de cohérence, et la cohérence passe par la connaissance.

JLA - Il faut donc se demander si on est sensible aux intérêts des gens qu'on veut diriger ?

E.M. - Oui. Et il ne s'agit pas de pousser à tout prix. Diriger, ce n'est pas s'efforcer de faire entrer un clou dans un mur.

JLA - À qui cette approche peut-elle s'adresser ?

E.M. - Honnêtement, je ne pense pas que tout le monde peut devenir un leader. On doit, à mon sens, posséder deux traits de personnalité essentiels. Un, il faut être altruiste. Un leader, ce n'est pas un chef. Pour servir une cause commune, il faut aller au-delà de ses propres intérêts. Un chef va vouloir obtenir l'obéissance en faisant preuve d'autorité, mais c'est souvent la crainte qui motive ses troupes. Le leader ne suscite pas la crainte. Il obtient l'adhésion. Deuxièmement, pour avoir le goût d'être en avant, il faut être un peu exhibitionniste. Pas dans le sens péjoratif du terme, mais on doit accepter de sortir du rang, d'être évalué. Diriger un groupe s'accompagne de beaucoup de pression. Il faut que cette charge soit compensée par le plaisir d'être vu et d'être observé. Tout le monde n'aime pas se retrouver sur le devant de la scène. Pour certaines personnes, c'est même assez pour qu'il se mettent à trembler, à rougir, et leur salive va s'épaissir. Une véritable épreuve ! On le voit chez des politiciens, par exemple. Or, un leader ne peut pas se cacher, pas plus qu'il ne peut masquer ses sentiments.

Pour aller plus loin que le seul QI

Le concept d'intelligence émotionnelle, ou IE, a gagné en popularité au milieu des années 1990, quand le psychologue américain Daniel Goleman a publié son livre, devenu fameux, Emotional Intelligence.

En gros, il y soutenait que le seul calcul du quotient intellectuel, ou QI, d'une personne négligeait la dimension émotionnelle de cette personne, tout aussi puissante pour évaluer ses chances de réussir dans la vie.

L'idée était apparue quelques années auparavant, à partir du moment où on a remis en question le recours systématique au QI pour mesurer les habiletés mentales.

C'est bien d'être super intelligent, mais si on est nul sur le plan des relations inter-personnelles, parce qu'on est incapable de faire face à ses émotions ou à celles de ses vis-à-vis, les chances de réussite s'amenuisent...

De là la nécessité de prendre conscience de ce qu'on ressent pour modifier ses comportements en conséquence, disent les tenants de l'intelligence émotionnelle.

Cet article a été publié dans le Journal Les Affaires le 15 novembre 2008. 

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