Entrevue n°258 : Dominique Lefebvre, président, Fédération nationale du Crédit agricole


Édition du 12 Septembre 2015

Entrevue n°258 : Dominique Lefebvre, président, Fédération nationale du Crédit agricole


Édition du 12 Septembre 2015

Par Diane Bérard
D.B. - Compte tenu de leur mission, les coopératives, comme Desjardins et le Crédit agricole, devraient-elles pousser davantage la vente de produits d'investissement responsable que les banques ?

D.L. - Oui, mais ce n'est pas évident. Certains clients demandent qu'on privilégie l'investissement dans le tissu local et l'investissement responsable. D'autres ne veulent que du rendement. Et certains demandent les deux. C'est possible. Il n'est pas nécessaire de pratiquer la politique de la terre brûlée. Mais il faut être volontariste pour faire comprendre aux clients que rendement et responsabilité sont conciliables.

D.B. - Sur votre site, un onglet s'intitule «financer l'économie réelle». N'est-ce pas le mandat de toutes les institutions financières ?

D.L. - C'est ce qui devrait être, mais nous voulions l'affirmer pour créer une distinction avec la spéculation. La spéculation ne crée rien d'utile. Alors qu'en finançant l'économie réelle, vous financez les biens de tous les jours, l'achat d'une maison, le développement d'une entreprise, etc.

D.B. - Les institutions financières ne doivent pas financer la spéculation, dites-vous. Elles doivent financer le profit. Expliquez-nous.

D.L. - Le profit est nécessaire à la pérennité. Vous êtes rémunéré pour un produit ou un service que vous vendez à un client. Ce client vous a choisi parce qu'il apprécie votre prestation. Et le profit est réinvesti pour améliorer la qualité de l'activité. Ce n'est pas de la spéculation. Vous créez quelque chose d'utile dont les gens veulent.

D.B. - Votre planification stratégique évoque une réforme de la gouvernance du Crédit agricole. De quoi s'agit-il ?

D.L. - Vue de l'extérieur, notre société paraît compliquée. Il faut la rendre plus lisible. Les relations entre la coopérative et la structure cotée, Casa, peuvent être améliorées. Les caisses régionales distribuent des produits créés par l'entité cotée. Cette relation clients-fournisseurs doit être revue. Il y a trop de situations à l'intersection de deux métiers où chacun estime que «ce n'est pas sa responsabilité». Il faut améliorer les articulations.

D.B. - Le Crédit agricole conteste une décision du superviseur européen des institutions financières, car il estime qu'elle nie le statut particulier des coopératives. Expliquez-nous.

D.L. - Les coopératives comme le Crédit agricole accueillent des clients au sein de leur conseil d'administration. Ces clients, comme tous les autres administrateurs, prennent des décisions de crédit. Ce sont des dirigeants effectifs. Or, la nouvelle règle du superviseur des institutions financières affirme que les non-banquiers ne sont pas compétents, qu'ils ne méritent pas le titre de dirigeants effectifs. Cette règle veut ramener les clients qui siègent à nos conseils à un rôle de surveillants. Nous nous y opposons ! C'est nier l'essence d'une coopérative. Nos sociétaires bénéficient d'une gouvernance au sein de laquelle ils ont des représentants engagés et compétents. Nous défendons cette particularité et nous tenons à ce qu'elle soit reconnue.

D.B. - Depuis la crise, on cite le mouvement coopératif comme une solution pour éviter les dérives. Qu'en pensez-vous ?

D.L. - Le mouvement coopératif n'est pas uniforme. Les coops de production, par exemple, fonctionnent différemment du Crédit agricole. Et ce mouvement n'est pas parfait. Comme la démocratie, il est difficile à organiser. Il est traversé par des mouvements de foule et risque le populisme. De plus, les valeurs coopératives ont été galvaudées pour devenir des slogans. Mais globalement, on gagne parce qu'on responsabilise les membres plutôt que de leur demander d'accepter passivement ce qu'on leur propose.

D.B. - Quel est l'apport le plus important du mouvement coopératif ?

D.L. - C'est le concret. Quand un élu participe au comité de prêts, il apporte sa connaissance du secteur. Sa contribution dépasse l'analyse financière du banquier. L'élu a une longueur d'avance, il sait ce qui s'en vient dans son secteur d'activité. Pour moi, une coopérative comme le Crédit agricole est un modèle grâce auquel on enrichit les décisions financières de points de vue issus de l'économie réelle.

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