C'est surtout vrai pour le gaz. «Après la révolution du gaz de schiste, nous observons aujourd'hui une disparité majeure entre les États-Unis et le reste du monde: au Japon, les prix du gaz sont jusqu'à cinq fois plus élevés qu'aux États-Unis et trois fois plus élevés en Europe», «une énorme différence» qui pose «un problème structurel pour ces pays», a souligné Fatih Birol, chef économiste de l'AIE, devant la presse à Londres.
Même si l'écart de prix devrait se réduire, «les États-Unis verront leur part dans les exportations de biens à forte teneur énergétique augmenter légèrement". La part combinée de l'UE et du Japon devrait reculer d'un tiers dans les secteurs très énergivores, comme la chimie, l'acier, le verre et le papier.
Dans le même temps, la production montera en puissance au Brésil grâce à la découverte de gisements offshore qui feront de ce pays un poids lourds du secteur.
Mais on ne se trouvera pas pour autant à l'orée d'une nouvelle ère d'abondance, prévient l'AIE.
Les nouveaux investissements se justifient surtout par les cours du brut. L'Agence table sur une progression du prix du baril autour de 128 dollars en 2035 (en dollars constants), contre une centaine de dollars cette année, alors qu'elle tablait l'an dernier sur 125 dollars.
Le rôle croissant du Brésil et le pétrole non conventionnel en Amérique du Nord chamboulent, au moins temporairement, la géographie de la production. Le poids de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) ira en déclinant sur les dix prochaines années.
«Cependant, nous ne croyons pas que cette tendance (d'augmentation de la production de pétrole non conventionnel) continuera après les années 2020. Elle atteindra un plateau puis déclinera à cause de la taille limitée des ressources», a prévenu Fatih Birol. Les États-Unis ne resteraient donc premier producteur mondial qu'une dizaine d'années.
«Après ça, nous aurons besoin d'une augmentation substantielle de la production de pétrole du Moyen-Orient» qui est «crucial» pour répondre à l'augmentation de la demande, a-t-il ajouté.
La géographie de la demande sera également bouleversée par l'essor des émergents. La Chine sera le plus important consommateur devant les États-Unis en 2030 tandis que la consommation au Moyen-Orient dépassera celle de l'UE à la même date, estime l'AIE. Dès 2020, l'Inde sera "le principal moteur" de la croissance de la demande.
Face à cette nouvelle donne, les capacités de raffinage seront redéployées en Asie et au Moyen-Orient. «D'ici à 2035, nous estimons que près de 10 mbj de la capacité mondiale de raffinage est en danger. Les raffineries de l'OCDE, et de l'Europe en particulier, sont parmi les plus vulnérables».