L'une des principales entreprises actives dans l'exploration du gaz de schiste au Québec, Questerre Energy, reporte d'au moins un an son projet-pilote de Saint-Édouard-de-Lotbinière, invoquant les nombreuses inconnues auxquelles fait face cette industrie controversée.

Avant d'aller de l'avant, la société albertaine attendra la publication rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur l'exploitation du gaz de schiste, le dévoilement de la future loi qui doit encadrer l'industrie et les résultats de deux autres de ses puits horizontaux, situés à Bécancour.

« Le conseil d'administration a estimé que, compte tenu des risques, il valait mieux ne pas procéder aux investissements avant que certains de ces prérequis n'aient progressé », a déclaré mardi le président et chef de la direction de Questerre, Michael Binnion, au cours d'un entretien téléphonique.

« Cela donnera aussi plus de temps à la population pour mieux comprendre notre industrie », a-t-il ajouté, en se disant néanmoins fort déçu de la tournure des événements.

Dans un communiqué diffusé lundi soir, Questerre a annoncé la suspension du programme sismique de Saint-Édouard, dans la région Chaudière-Appalaches, et du projet de construction d'un gazoduc connexe. Ces travaux représentaient des investissements oscillant entre 20 et 26 millions $.

L'action de Questerre écopé: elle a reculé de 5,6 pour cent mardi pour clôturer à 1,52 $ à la Bourse de Toronto. Deux des 11 analystes qui suivent la compagnie ont abaissé leurs cibles sur le cours du titre.

M. Binnion a rappelé que le projet bénéficiait du soutien de la vaste majorité des citoyens de Saint-Édouard. « C'est le genre de niveau d'acceptation qu'on trouve dans l'Ouest », a-t-il souligné.

Opinion publique

Le hic, c'est que l'opinion publique québécoise se fait tirer l'oreille dans le dossier du gaz de schiste.

« Informer les gens, c'est une tâche beaucoup plus lourde que prévu, a convenu le dirigeant. (...) Nous devons informer des centaines de milliers de personnes et quand je vois à quel point c'est difficile d'en informer 500 (le nombre de personnes touchées par le projet de Saint-Édouard), c'est tout un défi à relever. »

Au départ, a confié Michael Binnion, Questerre pensait pouvoir aller de l'avant avec le seul appui des communautés où elle est présente. « Mais si nous n'avons pas un appui généralisé, pourrons-nous avoir du succès au Québec? » a-t-il demandé.

C'est sans compter les difficultés techniques. Jusqu'ici, Questerre n'a pas réussi à forer un seul puits qui permettrait d'extraire du gaz de façon rentable. L'entreprise espère pouvoir le faire un jour en améliorant ses façons de faire, grâce notamment au projet-pilote de Saint-Édouard.

Le grand patron de Questerre a assuré qu'il croyait toujours au potentiel gazier du Québec et il a juré qu'il ne cherchait pas à accroître la pression sur le gouvernement.

« Nous avons foré notre premier puits au Québec en 1989, alors que j'avais 30 ans, a raconté M. Binnion. J'en ai maintenant 50 aujourd'hui. Ça fait donc 20 ans que nous essayons de découvrir du gaz au Québec et croyez-moi, avec les médias, les environnementalistes et les protestataires, s'il y a quelqu'un qui sent la pression, c'est bien moi. C'est pourquoi nous avons de prendre une décision: la pression était devenue tout simplement trop forte. »