Le groupe qatari Al-Jazeera a lancé mardi à 19H00 GMT sa nouvelle chaîne d'information aux Etats-Unis à grand renfort de publicités et en promettant un journalisme approfondi.

Dès les premières minutes de diffusion, Tony Harris, un journaliste débauché de CNN, a présenté une tranche d'information.

Forte d'un porte-monnaie bien garni, d'un programme ambitieux et d'une brochette de reporters célèbres, Al-Jazeera America entend révolutionner le journalisme télé en diffusant notamment des reportages à long format, un aspect souvent négligé par les autres grands groupes télévisés américains.

La première heure de vie de la chaîne qatarie a été consacrée à un reportage de l'émission "Fault Lines" consacré aux entreprises américaines au Bangladesh.

"Fault Lines s'est rendu secrètement au Bangladesh pour une enquête de plusieurs mois qui montre comment les entreprises américaines considèrent d'abord leurs bénéfices avant le bien-être et la sécurité des salariés qui fabriquent leurs produits", expliquait la chaîne avant son lancement.

Pour ses débuts, le groupe s'est offert plusieurs pages de publicité dans les quotidiens New York Times, Wall Street Journal et USA Today, et était très présent sur les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook et Tumblr.

"Changez la manière dont vous regardez les informations", affirme Al-Jazeera dans le Wall Street Journal. "Obtenez davantage de profondeur. Davantage de perspective. Chaque jour", ajoute la chaîne.

Sur Facebook, Al-Jazeera America se présente comme "la nouvelle chaîne d'information américaine qui vous connecte aux histoires humaines du coeur de l'actualité".

Al-Jazeera America sera dans un premier temps reçue par 40 millions de foyers à travers le pays. Si elle prévoit de démarrer avec un taux d'audience relativement faible, elle compte s'étendre davantage et frapper un grand coup face à la concurrence féroce des trois géants de l'information en continu: CNN, MSNBC et Fox News.

Outre les longs reportages, la présidente d'Al-Jazeera America, Kate O'Brian, a promis que la nouvelle chaîne allait "éviter les commentaires d'experts ou les dernières folies des célébrités".

Sur les réseaux sociaux, certains exprimaient mardi leur crainte que Al-Jazeera mette fin à son offre en streaming sur internet en langue anglaise. Il s'agirait d'une condition posée par les compagnies de câble, selon des responsables de la chaîne.

Bataille difficile

Jeff Jarvis, professeur de journalisme à la City University de New York, est sceptique: "ils ont embauché des gens qui viennent de l'info télévisée traditionnelle; ils ont fait attention à ne pas embaucher d'étrangers. Or ce que j'attends, c'est une nouvelle forme (de télévision), avec de nouvelles perspectives".

La chaîne qatarie proposera chaque jour 14 heures de direct, des documentaires et débats ainsi qu'à chaque heure pleine un bulletin sur les dernières nouvelles de la journée.

Le groupe, qui appartient à la famille souveraine du Qatar, doit se préparer à une bataille difficile pour conquérir des parts d'audience aux Etats-Unis, en particulier en raison de son histoire au Proche-Orient.

La chaîne est en effet connue pour avoir diffusé dans le passé des messages vidéo d'Al-Qaïda ou d'Oussama ben Laden. Et certains conservateurs estiment que le groupe est encore aujourd'hui hostile à l'Occident.

Ehab Al Shihabi, directeur général par intérim d'Al-Jazeera America, promet, sondages à l'appui, que les téléspectateurs se feront une opinion positive de la chaîne une fois qu'ils l'auront regardée.

Au total, 850 personnes ont été embauchées pour travailler dans 12 bureaux à travers les Etats-Unis (sur un total de 70 dans le monde).

Pour s'assurer de son succès, la chaîne n'a pas hésité à s'offrir des personnalités du journalisme télé telles que Soledad O'Brien et Ali Velshi, deux figures de CNN, l'ancienne présentatrice de CBS Joie Chen ou encore Sheila MacVicar, autrefois avec ABC et CNN.

Le quartier général d'Al-Jazeera America est à New York, près de Penn Station. A Washington, Al-Jazeera a récupéré des studios autrefois occupés par ABC au sein du "Newseum", à quelques blocs de la Maison Blanche et du Congrès.