Réforme fiscale : «Si nous réussissions, alors tout le monde le fera», dit Pierre Moscovici

Publié le 19/04/2018 à 06:22

Réforme fiscale : «Si nous réussissions, alors tout le monde le fera», dit Pierre Moscovici

Publié le 19/04/2018 à 06:22

Par lesaffaires.com

Photo : Sylvie-Ann Paré

Le commissaire européen en matière de fiscalité, Pierre Moscovici, s’est présenté en leader farouche d’une modernisation de la fiscalité des entreprises. Sa cible : les grandes technos qui génèrent des milliards de dollars de chiffre d’affaires, mais n’en reversent que bien peu au trésor public.

«Jusqu’au bout de mon mandat, en novembre 2019, mon combat sera celui de la justice fiscale en Europe», a-t-il assuré.

Dans une conférence organisée mercredi par le CORIM et qui rassemblait de nombreuses personnalités, dont Carlos Leitao, Pierre-Marc Johnson et Pauline Marois, le politicien français s’est montré des plus déterminés à réformer la fiscalité de l’Europe… et à montrer l’exemple au reste du monde.

«L’économie numérique est un business florissant, avec une croissance de 14% en moyenne par année, comparativement à (une croissance économique) à quelque 2% au Canada ou 2,4% en Europe. Nos règles fiscales, elles, n’ont pas évolué. La désuétude de nos règles fiscales signale un problème de fond, celui de la justice fiscale.»

Pourquoi les États devraient-ils s’attaquer à ce problème ? Tout simplement pour pouvoir continuer de remplir leur mission. «Le défi numérique, le défi migratoire, le défi climatique, le défi sécuritaire seront très difficiles à relever par des États paupérisés par l’évasion fiscale», a-t-il fait valoir. 

18 mois pour réussir

Le commissaire a énuméré les mesures récentes auxquelles il a contribué en Europe : disparition du secret bancaire; adoption d’une liste noire de 9 paradis fiscaux; identification, dans les rangs même de l’Union européenne, de 7 États aux pratiques fiscales « agressives »; réglementation imposant plus de transparence de la part des intermédiaires fiscaux qui conseillent les entreprises dans leur stratégie.

Il a également annoncé que le 23 avril, la Commission européenne proposera la création d’un statut européen de lanceurs d’alerte, afin qu’ils soient mieux protégés et reconnus. Pour mémoire, ici, Revenu Québec a récemment décidé de rémunérer ces lanceurs d’alerte.

Mais le grand projet de Pierre Moscovici, c’est une réforme fiscale en profondeur visant à taxer les profits réalisés sur un territoire, que l’entreprise y ait une présence physique ou non. Une approche qui renverserait les stratégies des grandes entreprises du secteur numérique, dématérialisé. Par conséquent, une approche nécessairement de longue haleine.

Le commissaire veut y parvenir en deux temps. En mars, il a proposé une taxe temporaire de 3% sur le chiffre d’affaires généré par certaines activités numériques, si le chiffre d’affaires de l’entreprise dépasse 750 millions d’euros, dont plus de 50 millions dans l’Union européenne. «Ce n’est pas une mesure pour pénaliser les start-up ou les scale-up, mais une mesure qui va taxer environ 120 entreprises et qui générera des milliards d’euros», a-t-il expliqué.

«Je ne dis pas que parce que nous le faisons, tout le monde doit le faire. Je crois que nous montrons la voie, que nous sommes leaders. Si nous réussissions, alors tout le monde le fera», croit-il.

Il pourra compter sur l’appui du Québec. En préambule de la conférence, Carlos Leitao, ministre des Finances du Québec, a rappelé les «14 mesures concrètes» annoncées dans le dernier plan économique pour l’équité fiscale et la lutte contre l’évitement et l’évasion fiscale. Il affirmé que «le Québec est déterminé à aller plus loin. Mais il faut le reconnaître, c’est un enjeu global et multilatéral». 

Le spectre d’une baisse de compétitivité

Pierre Moscovici est conscient que la barre est très haute. « Ce sera très difficile à faire passer, car il faut l’unanimité. » Mais il estime que le moment est propice, parlant d’une « fenêtre d’opportunité ».

Aux détracteurs d’une telle approche, qui invoquent la compétitivité des entreprises, sa réponse est claire : l’Europe n’a pas peur. Celui qui dit faire tandem avec sa consoeur Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, qui va jusqu’à poursuivre des États de l’Union pour défendre l’équité fiscale, estime que « les entreprises du numérique ne se passeront pas du marché européen ».

Selon lui, les géants technos sont actuellement bien plus pénalisés par les brèches dans leur réputation qu’ils ne le seraient par la modernisation de la fiscalité qu’il propose. «Chacun voit qu’elles ne se comportent pas comme des contribuables exemplaires.»

Questionné sur l’écart de vue entre Québec et Ottawa au sujet de la taxation de Netflix, il a répondu : «Ce n’est pas à moi de dire au gouvernement canadien ce qu’il doit faire, ni à moi de saluer le gouvernement québécois sur ce qu’il veut faire. Même si c’est ce que je fais…»

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