Une réforme financière qui tarde à venir

Publié le 07/04/2010 à 17:07

Une réforme financière qui tarde à venir

Publié le 07/04/2010 à 17:07

Par Jean-Paul Gagné

Blogue. Après la réforme du financement du système de santé américain, c’est la réforme du système financier qui constitue le plus grand défi de Barack Obama. Ce sera une tâche gigantesque, qui montrera à nouveau un Congrès éminemment divisé.

C’est un également un défi qui rejoint le G20 à cause de l’interdépendance des marchés financiers et des institutions financières. Cette réforme sera à l’ordre du jour du sommet du prochain G20, qui se tiendra à Toronto en juin.

La contagion rapide du système financier lors de la crise financière de 2008 a bien démontré cette interdépendance.

Toujours plus grosses

Les grandes banques d’affaires américaines, qui étaient alors apparues comme « too big to fail » (c’est pour cela qu’il a fallu les sauver) sont encore plus grosses aujourd’hui. Bank of America a acheté Merrill Lynch, JPMorgan Chase a acquis Bear Stearns et Wells Fargo a fusionné Wachovia.

Or, elles sont encore davantage « too big to fail ».

Tout ce qui traîne se salit

Malheureusement, tour avance à pas de tortue sur le plan de la gouvernance du système financier, comme le déplorait ces jours derniers Dominique Strauss-Kahn, président du FMI. Il craint que plus on retarde cette réforme, plus il sera difficile de mettre en place les solutions nécessaires.

Obama rencontre la résistance des grands banquiers américains, qui intensifient leur lobbying à Washington. Ceux-ci s’opposent notamment farouchement au projet d’agence de protection financière des épargnants de l’administration Obama.

Une option envisagée est de donner à la Réserve fédérale l’autorité de réglementer le niveau de capital des banques américaines. Si les banques sont plus capitalisées, elles sont moins à risque s’il survient un accident.

On propose aussi de faire payer par les grandes banques un droit qui servirait à créer un fonds pour parer à une crise. On parle d’une contribution de 90 milliards de dollars sur 10 ans.

Ces mesures sont des solutions de remplacement à la suggestion de Paul Volcker de fractionner les grandes banques d’affaires. Selon cet ex-président de la Réserve fédérale, les grandes banques devraient être fractionnées sur la base suivante : une entité prendrait toute l’intermédiation : la cueillette de l’épargne, les activités de prêt et de financement et le courtage en valeur mobilières; la deuxième entité hériterait des activités que les banques font pour elles-mêmes : la gestion financière de leurs liquidités, l’investissement, la spéculation sur les produits financiers structurés, des activités qui sont parfois faites hors bilan.

Les dangereux « hedge funds »

Le système financier est aussi aux prises des grands spéculateurs que sont les « hedge funds », dont les activités ne sont pas encadrées (on ne connaît pas leurs investissements) et qui ne reculent devant rien pour faire de l’argent.

Il ne leur importe pas que leurs actions puissent mettre en difficulté des sociétés et des pays en influençant de façon importante le cours des matières premières, des devises et des obligations gouvernementales.

Plusieurs de ces fonds ont trempé dans des activités liées à la bulle immobilière, notamment en misant sur son dégonflement, ce qui a accéléré la crise.

Ils spéculent probablement actuellement sur une chute de l’euro étant donné les déficits énormes et les dettes importantes de plusieurs pays européens.

Preuve de la puissance énorme de ces machines à faire de l’argent, les 25 dirigeants les mieux payés de « hedge funds » ont gagné des revenus de plus de 25 milliards de dollars en 2009.

Avenir inquiétant

Alan Greenspan, qui s’oppose à toute réglementation additionnelle, croit que la solution préventive à une nouvelle crise financière réside dans l’augmentation des exigences de capitalisation des banques. Il prétend qu’une capitalisation adéquate protègera les contribuables contre un nouveau sauvetage des institutions financières.

Cynique, il prévoit tout de même qu’il y aura une nouvelle crise et que celle-ci s’illustrera par une pléthore de nouveaux produits financiers, qui ne seront pas toxiques intrinsèquement et qu’il est impossible de deviner aujourd’hui.

Ce n’est pas rassurant, car force est de constater que les apprentis sorciers qui ont préparé le terrain à l’émergence de cette crise n’affichent aucun remords pour la façon dont ils ont géré l’économie.

Alan Greenspan, qui a comparu mardi à Washington, a trouvé le moyen de blâmer l’Asie pour l’origine de la crise du marché hypothécaire aux États-Unis. Selon lui, ce sont les abondantes liquidités créés par le développement de l’économie asiatique qui ont contribué à faire baisser les taux d’intérêt à des niveaux historiquement très bas, amenant ainsi les consommateurs américains à s’endetter indûment pour acheter des maisons.

Il a oublié de dire que la Réserve fédérale, alors sous sa direction, avait maintenu son taux directeur à 1 % pendant quelques années, qu’il n’avait pas écouté les avertissements reçus de nombreux intervenants sur les risques d’une bulle des prix immobiliers et que l’appareil de surveillance des marchés avait montré une négligence scandaleuse dans la surveillance des prêteurs hypothécaires.

Rien pour hausser sa crédibilité.

Et rien pour nous rassurer.

 

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