Occuper un créneau délaissé par les grandes entreprises est une stratégie à l'origine de plusieurs petites entreprises. Comme Divin Paradis qui, chaque année, importe et revend à la Société des alcools du Québec (SAQ) 200 000 caisses contenant chacune 12 bouteilles de vin boudé par les agences plus importantes.
" Les grandes agences vendent ce que les consommateurs veulent acheter; elles ne sont pas innovatrices. Nous avons plutôt proposé à la SAQ de la diversité, et elle a embarqué ", explique Mario Paradis, président fondateur de Divin Paradis.
Le produit vedette de l'entreprise est la gamme italienne Voga. Son contenant semblable à une bouteille de parfum ne l'empêche pas d'être le deuxième produit le plus vendu parmi les vins blancs : la SAQ en vend 40 000 caisses par année au prix d'environ 13 $ la bouteille.
Divin Paradis a actuellement 250 produits à la SAQ. Des vins provenant parfois de pays " exotiques " comme l'Inde, la Turquie, la Roumanie, la Hongrie et le Brésil. Il y a constamment du nouveau, comme cet italien blanc Soave, dont 15 000 caisses ont été écoulées au bout de six mois, ou le vin Relax, un riesling allemand offert dans une bouteille bleue facilement repérable. Et ça fonctionne : les produits de Divin Paradis ont généré des ventes de 25 millions de dollars (M$) à la SAQ en 2008 et de 37 M$ l'an dernier. Cette année, la PME prévoit des ventes de 50 M$. Elle emploie 10 personnes.
Comment l'idée vous est-elle venue ? " Je faisais du vin maison et j'y ai pris goût, raconte Mario Paradis. Je me suis documenté, j'ai gagné des concours et je suis même devenu juge de ces concours, ce qui m'a permis de rencontrer des gens de la SAQ. "
Un jour, cet ancien ingénieur du son à Radio-Canada a voulu acheter un vin que la SAQ n'avait pas. Il en a donc importé une dizaine de caisses qu'il a vendues à des restaurants. L'année suivante, la SAQ lui en a acheté 50 caisses. Il a répété l'expérience avec d'autres vins. Ce qui était alors un simple passe-temps a fini par donner naissance à Divin Paradis, en 1995.
" J'ai commencé avec un Château de Pennautier, un vin à moins de 15 $ qui a fait un malheur ", précise M. Paradis, qui a installé sa PME dans le Vieux-Longueuil. Il partage l'actionnariat de Divin Paradis à parts égales avec Pierre Chanzonkov, un investisseur passif.
Où trouvez-vous ces vins ? Pour dénicher ces perles rares qui répondent à un besoin à la SAQ, M. Paradis, 50 ans, visite les salons de vin un peu partout dans le monde. " Je cherche des vins qui plaisent aux consommateurs et non aux sommeliers ", dit-il. C'est plus difficile que ça en a l'air. Heureusement, la SAQ est très ouverte aux nouveaux produits. Il n'y a pas d'endroit au monde où les consommateurs ont autant de choix qu'ici. "
Certaines semaines, M. Paradis peut goûter jusqu'à 500 crus. " Il me faut cinq secondes pour prendre la décision; je ne cherche pas le goût de cerise ou de chêne en troisième bouche comme les sommeliers. "
Comment convainquez-vous la SAQ ? Pour vendre autant de produits à la SAQ, il n'est pas nécessaire d'être un as de la vente, puisque tout fonctionne par appels d'offre. " Vous ne vendez pas à la SAQ; c'est elle qui achète " explique M. Paradis.
Il y a trois appels d'offre chaque année. Par exemple, la SAQ peut chercher des vins qui viennent d'autres pays que les pays producteurs traditionnels, des blancs allemands ou de nouveaux vins français dans une certaine fourchette de prix.
Les goûteurs de la SAQ font les tests à l'aveugle et il est impossible de les influencer. " J'ai déjà vu une agence présenter 60 produits à la SAQ au cours d'une même année, et aucun n'a été retenu ", dit l'entrepreneur.
Lorsqu'un nouveau produit entre à la SAQ, M. Paradis reçoit généralement du producteur 10 % du prix payé par la SAQ, soit de 2 à 3 % du prix payé par le consommateur. La SAQ revend les vins de trois à quatre fois le prix payé aux producteurs. La SAQ fait une bonne place dans 100 magasins aux nouveaux produits pendant un an. Si un produit connaît du succès, il obtient une meilleure place dans les 400 magasins de la SAQ. Dans le cas contraire, il est retiré des présentoirs.
