Si recycler est maintenant bien vu, en 1960, il arrivait parfois d'avoir un peu honte. Faire soi-même la collecte des ordures et prendre le chemin du dépotoir pour y trier notre matière première n'avait rien de glorieux." L'anecdote est d'Alain Lemaire, président et chef de la direction de Cascades. Recycler a toujours fait partie de la mission de la papetière - 70 % de ses produits sont fabriqués avec de la matière recyclée. C'est même devenu un atout concurrentiel qui, aujourd'hui, la positionne avantageusement pour retrouver la rentabilité, alors que l'industrie vit l'une des pires crises de son histoire. Comme le recyclage, le développement durable requiert aussi un changement de valeurs radical. Il s'agit d'un nouveau modèle de développement si différent que sa mise en oeuvre engendrera la prochaine révolution industrielle. C'est inévitable. Voici trois raisons qui expliquent pourquoi. 1 - Les changements climatiques À partir de 2008, le Canada devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 270 millions de tonnes métriques (Mt), pour les ramener à 540 Mt, soit 6 % au-dessous du niveau de 1990. Atteindre cet objectif est déjà très difficile, compte tenu de notre dépendance vis-à-vis du pétrole et du charbon. Pourtant, ce n'est qu'un premier pas. Selon les scientifiques, il faudra réduire les émissions mondiales de GES de 60 à 80 % d'ici 2050, afin de simplement limiter l'ampleur des dégâts. Le défi est donc colossal, et les changements qu'il implique, tels que l'abandon du pétrole comme principale source d'énergie, le sont aussi. Les énergies alternatives et l'efficacité énergétique sont deux solutions qui permettent de diminuer les émissions de GES. Elles génèrent aussi des bénéfices. Papiers Massons, de Gatineau, l'a compris : Grâce à des technologies vertes et à une plus grande efficacité de production, elle a réduit ses émissions de GES de 60 %, coupant au passage le quart de sa facture énergétique. 2 - Les investisseurs Les scandales financiers d'Enron et de Norbourg, l'exploitation d'enfants en usine pour Nike et Wal Mart, les véhicules énergivores de Ford et de GM; autant d'exemples de décisions visant une plus grande rentabilité ont nui à l'image de ces sociétés impliquées. Chaque fois, les investisseurs ont écopé. C'est pourquoi ils sont de plus en plus exigeants envers les administrateurs et les gestionnaires de sociétés. Ainsi, des actionnaires d'Alcan veulent que le producteur d'aluminium améliore ses procédures de consultation des communautés. Ils soumettront au vote deux propositions à la prochaine assemblée annuelle des actionnaires, en avril. C'est aussi de cette façon que des actionnaires mécontents de Home Depot ont obligé le détaillant de matériaux de construction à offrir à ses clients du bois provenant de forêts bien gérées. Pour mieux répondre aux attentes des investisseurs, 64 % des 200 plus importantes sociétés de la planète ont publié, en 2005, un rapport annuel sur le développement durable. 3 - Les consommateurs Difficile de trouver un fournisseur de café qui n'offre pas de café équitable. Les aliments biologiques aussi s'imposent. Le détaillant Loblaw, par exemple, les met en évidence dans des rangées identifiées. Un autre épicier, METRO, a écoulé 700 000 sacs réutilisables en un mois. De plus en plus, les consommateurs adoptent des comportements responsables et exigent des produits dits éthiques, fabriqués en respectant l'environnement. Les dirigeants qui négligent cette nouvelle réalité risquent de se faire dépasser par leurs concurrents. Un virage nécessaire Les changements indiquant que nous sommes à l'aube d'une nouvelle révolution industrielle ne se limitent pas à ces trois aspects. L'essor des pays en développement, la fin du pétrole à bas prix, l'épuisement des ressources, le vieillissement de la population, les technologies, sont autant de raisons qui pousseront les dirigeants à prendre le virage du développement durable. Mais la raison qui les convaincra plus que toute autre de prendre le virage, c'est que les dirigeants qui le font déjà connaissent du succès."