La Cour se penche sur la contestation de la légalité du passeport vaccinal

Publié le 16/03/2022 à 08:32

La Cour se penche sur la contestation de la légalité du passeport vaccinal

Publié le 16/03/2022 à 08:32

Par La Presse Canadienne

L’avocat Hans Mercier tente de faire invalider le décret adopté le 1er septembre 2021 qui instaurait l’obligation de présenter une preuve vaccinale. (Photo: La Presse Canadienne)

Est-il opportun de se prononcer sur la légalité du passeport vaccinal alors que ce dernier n’est plus en vigueur depuis le 12 mars?

C’est à cette question que doit répondre le juge Daniel Dumais, de la Cour supérieure, qui a été saisi, mardi au palais de justice de Saint-Joseph-de-Beauce, d’une demande du Procureur général du Québec de rejeter le recours intenté par l’avocat Hans Mercier.

Ce dernier, qui se représente lui-même, tente de faire invalider le décret adopté le 1er septembre 2021 qui instaurait l’obligation de présenter une preuve vaccinale — en l’occurrence le passeport — pour avoir le droit d’accéder à certains commerces et autres endroits publics.

Parlant au nom du Procureur général, l’avocate Stéphanie Quirion-Cantin a d’abord soutenu que le décret était légal puisqu’il avait été émis sur la base des articles de la Loi sur la santé publique qui donne au gouvernement le pouvoir de décréter l’urgence sanitaire et d’instaurer les mesures requises pour protéger la santé de la population. 

 

«Il ne reste plus de litige»

Cependant, Me Quirion-Cantin a fait valoir que ce décret avait été abrogé le 11 mars et que, dès lors, le recours devenait théorique et, donc, que la Cour n’avait plus à trancher. «Le décret n’existant plus, la conclusion du recours étant de demander la nullité du décret, ici n’a plus aucun effet pratique», a-t-elle fait valoir. 

L’avocate a invoqué le Code de procédure pour rappeler que «les tribunaux ne sont pas tenus de se prononcer sur des questions théoriques».

«Un tribunal peut refuser de juger une affaire (…) quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a ou qui peut avoir des conséquences sur les droits des parties.»

«Il ne reste plus de litige», a martelé Me Quirion-Cantin, tout en reconnaissant que le tribunal a tout de même un pouvoir discrétionnaire de se prononcer quand même dans les cas de «circonstances exceptionnelles». 

 

Une question tout de même intéressante

Le juge Dumais, qui s’est fait l’avocat du diable tout au long de la procédure, lui a fait remarquer que, même si le Québec vit actuellement «une trêve» de la pandémie, «ce n’est pas dit qu’il ne peut pas y avoir une recrudescence de cas qui pourrait peut-être amener la nécessité de prendre de nouveaux moyens. N’importe lesquels.»

Il a demandé à la juriste si, dans une telle éventualité, la question «d’imposer un passeport vaccinal est légal ou pas, est-ce que ce n’est pas quelque chose, dans le contexte où on est, qu’il serait intéressant de savoir, de l’avoir déterminé avant?»

«Il y a sûrement des éléments d’une réponse qui seraient donnés par la Cour et qui pourraient être intéressants pour tout le monde», a fait valoir le magistrat.

Me Quirion-Cantin a cependant rétorqué que «l’effet du jugement doit être réel. Les tribunaux ne doivent pas être instrumentalisés dans des débats politiques. (…) Les tribunaux ne donnent pas d’opinions juridiques.» 

 

Le problème des réseaux sociaux

Le juge lui a répondu du tac au tac que «c’est pas mal mieux un jugement de la Cour qui se prononce sur la légalité de quelque chose que d’avoir la population qui se prononce sur les réseaux sociaux aller-retour sur n’importe quoi. Tout le monde a sa définition de la légalité, tout le monde a raison».

Il a ajouté que des gens «qui n’ont aucune formation juridique» investissent les réseaux sociaux et «se prononcent sur la légalité des choses. Tout le monde nous dit ce qui est légal et ce qui n’est pas légal sur les réseaux sociaux.»

Intervenant en réplique, Me Hans Mercier a d’abord déploré que les constantes modifications du décret, qui ajoutaient ponctuellement de nouveaux endroits où le passeport vaccinal était requis, l’aient forcé à constamment ajuster sa requête, menant à une audience après la levée de l’obligation vaccinale. «C’est un éternel recommencement et on se trouve à neutraliser le pouvoir des tribunaux», a-t-il dit.

 

Discrimination: un exemple mal choisi

Selon lui, cette situation a mené le débat sur le besoin d’entendre ou non le recours puisque le passeport vaccinal n’est plus requis, plutôt que de débattre sur le fond de sa requête, qui soulève la question de discrimination.

«Le rôle des tribunaux, traditionnellement, en matière constitutionnelle, a toujours été d’être les chiens de garde contre les abus du gouvernement et de voir à l’application de la constitution et des chartes (…) et le fer de lance a toujours été la question de la discrimination, toujours.

«Ce qui me choque terriblement dans tout ça, M. le juge, c’est à quel point on minimise la chose», a-t-il déclaré. Puis, pour asseoir son argumentaire en matière de discrimination, il a comparé le fait de se voir interdire l’entrée à un restaurant à la situation aux États-Unis, où «les personnes de couleur ne pouvaient pas aller dans certains restaurants».

Le juge Dumais l’a cependant aussitôt ramené à l’ordre. «Le motif n’était pas tout à fait le même. À l’époque, le motif c’était la couleur de la peau. Ici le motif, c’est une question de santé publique», a-t-il rappelé.

 

L’argument du retour possible

Hans Mercier a par ailleurs cherché à contrer l’argument du débat rendu théorique par la levée de l’obligation vaccinale en déposant un article de journal dans lequel «le ministre de la Santé (Christian Dubé) a indiqué qu’il ne fermait pas la porte à un retour du passeport si nécessaire (…) et il a conseillé de le garder sur son téléphone».

«Je ne nie pas que le recours est théorique, a-t-il poursuivi. C’est une évidence. Par contre, quand on dit (que ce recours) peut être justifié pour répondre à une question théorique d’importance nationale, je pense que c’est difficile de nier que c’est le cas ici.

«Ce n’est pas une question théorique normale», a-t-il insisté. Selon lui, le tribunal doit trancher si le passeport vaccinal est discriminatoire et ne respecte pas les critères d’atteinte minimale aux droits prévus dans les chartes.

Le juge Dumais lui a cependant rappelé que le simple fait qu’il y ait discrimination ne signifie pas l’inconstitutionnalité pour autant. «Si c’est de la discrimination, il peut y avoir des justifications et à ce moment, ce sera légal», a-t-il répliqué, prenant l’exemple du permis de conduire à 16 ans. «C’est discriminatoire pour les 15 ans, mais c’est justifié.»

Me Mercier a alors évoqué l’impact de refuser d’entendre le recours sur le fond dans le grand public, allant jusqu’à ramener les paroles du juge sur la table. «Il va y avoir un coût social si le tribunal dit: je ne me saisirai pas de ça. Les gens vont perdre confiance dans le système de justice et là, effectivement, vont commencer à se faire justice eux-mêmes. Et le phénomène que vous soulignez des gérants d’estrade va se multiplier par dix, voire par mille», a-t-il fait valoir.

Enfin, un autre requérant au dossier, le notaire Gaston Vachon, a fait de courtes représentations. Non vacciné, il estime que le fait d’avoir contracté la maladie équivaut à un passeport vaccinal. Il a dit espérer que le juge accepte de se pencher sur le fond. «Je serais très déçu que le recours soit éteint. Moi j’apprécierais d’avoir un jugement par un tribunal. (…) Si c’est légal, on va se conformer», a-t-il dit.

Le juge Dumais a pris sa décision en délibéré.

 

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