Le jatropha, un arbuste tropical, a toutes les qualités. Il pousse vite dans des sols pauvres et l'huile de ses fruits est parfaite pour fabriquer du biodiesel. Carbon2Green l'a choisi pour son premier projet de revente de crédits de gaz à effet de serre (GES) en République démocratique du Congo. La petite entreprise de Laval, qui vient de faire son entrée à la Bourse de croissance TSX, veut couvrir de ces arbres 14 000 hectares près de Kikwit, une municipalité située à 250 kilomètres à l'ouest de la capitale, Kinshasa. " En six mois, le jatropha produit de l'huile ", dit Louis Tourillon, président de Carbon2Green.
L'entreprise veut ensuite transformer l'huile des jatrophas en biodiesel, et remplacer le diesel utilisé dans les petites centrales électriques thermiques disséminées aux quatre coins de l'Afrique subsaharienne. Moins cher et moins polluant, le biodiesel permettrait ainsi aux centrales de fonctionner plus régulièrement. Carbon2Green empocherait les crédits pour la pollution évitée.
L'entreprise fait le pari que la disponibilité d'un carburant produit localement à meilleur coût, augmentera le taux d'électrification des campagnes aux alentours des plantations de jatrophas. Dans la région visée par le projet, qui compte 800 000 habitants, seulement 500 sont branchés au réseau électrique. " Comme ils n'ont plus d'argent pour acheter du diesel, les centrales ne fonctionnent qu'une dizaine d'heures par semaine, dit M. Tourillon. L'idée, c'est d'alimenter des petites centrales autonomes, approvisionnées en matière première par des plantations à proximité. "
En appliquant ce modèle, Carbon2Green pense pouvoir offrir de l'électricité à bien meilleur coût. " Pour l'instant, les habitants de la région de Kikwit payent leurs kilowattheures [kWh] 38 ¢, dit M. Tourillon. C'est très cher ! " À titre comparatif, le tarif résidentiel d'Hydro-Québec coûte moins de 7 ¢ le kWh. Carbon2Green veut produire de l'électricité avec son biodiesel et la revendre 11 ¢ le kWh. Elle vendra aussi du carburant aux particuliers qui ne sont pas branchés au réseau, et dont l'alimentation électrique dépend d'une génératrice.
Rentabilité visée en 2013
M. Tourillon compte commencer à vendre du biodiesel dès 2011. La production d'électricité et de biocarburant à partir de l'huile de jatropha devrait générer plus de sept millions de dollars de bénéfices par an à compter de 2013, quand la productivité des arbres atteindra sa capacité maximale. Près de 70 % de cette somme viendrait de l'exploitation; le reste, de la vente des crédits de GES accumulés, principalement vendus aux États européens qui doivent réduire leurs émissions de GES.
L'entreprise mise sur une valeur de 20 $ canadiens le crédit pour une tonne d'équivalent CO2 non émis. Les crédits de Carbon2Green seront reconnus en vertu du Mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto.
Pour Bertrand Millot, directeur de l'investissement de Cordiant, un gestionnaire d'investissements dans les pays émergents, c'est la partie la plus risquée du projet. " Il suffit que les Nations Unies ou l'Union européenne change certains paramètres pour que cela ait de grandes conséquences sur le projet, dit-il. C'est donc très spéculatif. " Autre question : comment Carbon2Green se fera-t-elle payer pour l'énergie vendue, dans un pays où l'infrastructure financière est chaotique ?
Une technologie bien connue en Afrique
M. Millot voit toutefois d'un bon oeil l'idée de miser sur une technologie que les Africains connaissent bien : la génératrice au diesel. " Tous les mécaniciens peuvent se débrouiller avec cela. " Il retient aussi que Carbon2Green pense pouvoir vendre son électricité beaucoup moins cher que celle qui est déjà disponible sur le marché de Kikwit.
Pour financer son projet congolais, l'entreprise de Laval a réalisé un premier appel public à l'épargne. Carbon2Green a recueilli 2,3 millions de dollars en vendant un total de 6,5 millions d'actions à la Bourse de croissance TSX en novembre 2009, ce qui représente plus de 22 % des capitaux propres de l'entreprise.
