"Comment j'ai vécu la fin des usines RGR", par Rolland Veilleux

Publié le 04/03/2011 à 17:53, mis à jour le 11/03/2011 à 12:37

"Comment j'ai vécu la fin des usines RGR", par Rolland Veilleux

Publié le 04/03/2011 à 17:53, mis à jour le 11/03/2011 à 12:37

Par Suzanne Dansereau

Photo : Les Affaires

Rolland Veilleux raconte comment il a pris sa décision de fermer ses usines de fabrication de jeans, annoncée le 15 février dernier. À son apogée, l'entreprise qu'il a fondée avec son frère à Saint-Georges de Beauce, en 1974, employait 1 600 personnes.

"Je l'ai su en novembre dernier, que c'était la fin. Mais je ne l'ai dit à personne. Je ne voulais pas que mes employés passent un mauvais Noël. Il y avait assez d'Electrolux dans les nouvelles...

Je n'ai pas informé mon fils non plus, parce que je savais que cela l'affecterait trop, lui et sa famille.

Je ne l'ai pas dit à ma blonde, je la jugeais incapable de garder le secret. Elle m'a d'ailleurs reproché mon absence d'esprit durant cette période-là. Je ne parlais plus. Je ne pouvais pas non plus en discuter avec mon frère : il a le cancer et est en chimiothérapie. Il m'en a voulu; c'est avec lui que j'ai fondé l'entreprise. Mais je n'aime pas embêter les gens avec mes problèmes.

J'ai pris ma décision après avoir rencontré mon plus gros client. On dit que ce n'est jamais le patron qui ferme une usine, que c'est le client, et c'est vrai.

Cela s'est passé au restaurant Georgeville. On était une dizaine autour de la table. Je leur ai dit que je ne pouvais pas absorber la hausse du prix du coton, une hausse de 148 % en trois mois. J'en étais déjà au point où je ne faisais que rentrer dans mes coûts. Mes clients m'ont répondu que Target arrivait, et que cela n'était pas le temps d'augmenter leurs prix. Je les comprenais : on n'allait pas mutuellement se détruire !

On s'est serré la main, je les ai remerciés du travail qu'ils m'avaient donné, et on s'est quittés en bon terme.

Ç'a été le moment le plus difficile de ma vie. J'ai déjà vécu d'autres deuils, mais perdre RGR, c'est comme perdre la mère de mes enfants : cette entreprise a donné du travail pendant plus de 30 ans à mes employés et, grâce à elle, j'ai pu en fonder d'autres.

Je ne suis pas amer : je suis juste triste, très triste. J'aurais voulu que RGR dure encore quelques années. Je me souviens, en 2005, avoir dit à mes associés : on va être encore là pour 10 ans, à faire des rationalisations, après quoi on va devoir fermer. Mais cela a été plus rapide que prévu et il aurait fallu être aveugle pour ne pas le voir : au début, les Chinois ne savaient pas faire de la qualité, mais ils ont appris. Ils sont maintenant dans la position où nous étions après l'entente du libre-échange avec les États-Unis.

Autre facteur déterminant : le vieillissement de la main-d'oeuvre. Je voyais bien que les enfants de mes employés ne voulaient pas devenir couturiers.

Je sors de cette épreuve avec une satisfaction : celle de ne pas avoir été sali après l'annonce de la mauvaise nouvelle. Mes employés m'ont applaudi et m'ont remercié de leur avoir donné du travail pendant 20 ans. Le syndicat a dit que j'avais tout fait pour garder mes usines.

Louis Garneau m'a appelé et m'a dit que je m'étais bien comporté. Ça a été un baume sur ma plaie.

Je crois que cela tient au fait que j'ai toujours dit les choses comme je les voyais. Oui, je suis passé pour cruel dans mes négociations avec le syndicat, mais le fait est que je n'ai jamais fait faillite. J'ai toujours payé mes fournisseurs, et pas un seul employé ne s'est retrouvé sans paie. Je sors fier de cette aventure. Et je suis prêt à rebâtir. "

Propos recueillis par Suzanne Dansereau

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