Dette, chômage, et TVA… Retour sur les affirmations contestées du débat Macron-Le Pen

Publié le 21/04/2022 à 07:55, mis à jour le 21/04/2022 à 08:04

Dette, chômage, et TVA… Retour sur les affirmations contestées du débat Macron-Le Pen

Publié le 21/04/2022 à 07:55, mis à jour le 21/04/2022 à 08:04

Par AFP

Emmanuel Macron et Marine Le Pen. (Photo: 123RF)

Paris — Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont ferraillé mercredi à coups de chiffres et d'accusations sur l'emploi, l'énergie, ou encore le bilan du président sortant lors du débat de l'entre-deux-tours. Retour sur une sélection d'affirmations contestées. 

 

«600 milliards» de dettes, un tiers lié à la COVID?

Selon Marine Le Pen, Emmanuel Macron serait responsable d'un gonflement de la dette publique de 600 milliards d'euros, dont un tiers seulement serait lié à la crise de la COVID.

Le président candidat a assuré que c'était «complètement faux», mais il est contredit par les chiffres. 

D'après les données de l'Insee, la dette publique (État, Sécu, collectivités) s'est effectivement creusée de 558,8 milliards d’euros entre 2017 et 2021.

Selon une estimation contenue dans le budget 2022, 165 milliards sont imputables «au quoi qu’il en coûte», mis en place pendant la crise de la COVID, soit près de 30% de cette dette. La proportion évoquée par Marine Le Pen serait donc réaliste même si le gouvernement chiffre aujourd'hui la «dette COVID» aux alentours de 145 milliards. 

Emmanuel Macron a également assuré que seulement 200 milliards de hausses de la dette étaient imputables à l'État. Or, selon l'Insee, la dette de l’État a augmenté de 464 milliards entre 2017 et 2021. En retranchant la part de dette COVID, on arrive à 300 milliards, soit un montant bien supérieur à celui évoqué par Emmanuel Macron.

 

Baisser la TVA, l'écueil européen

Marine Le Pen a dit encore une fois vouloir abaisser de 20 à 5,5% — et de «manière pérenne» — la TVA sur l'ensemble de l'énergie et notamment les carburants. 

Ce serait toutefois contraire à une directive européenne qui liste une vingtaine de biens et services sur lesquels un État membre peut appliquer un taux réduit. Les carburants n’en font pas partie.

La France pourrait passer en force, mais s'exposerait à des sanctions de la Commission. L'équipe de Marine Le Pen assure, elle, qu'elle pourrait convaincre ses partenaires de classer les carburants parmi les produits de première nécessité. 

En revanche, le droit européen permet d'abaisser la TVA sur le fioul, le gaz et le chauffage à la seule condition de consulter pour avis un comité rattaché à la Commission.

 

Baisse du chômage et querelle statistique

Ce sont deux calculs qui s'affrontent. Marine Le Pen s'est montrée «dubitative» sur l'importance de la baisse du chômage revendiquée par Emmanuel Macron. La candidate RN a critiqué des chiffres «extrêmement contestés» du Bureau international du travail (BIT), invoquant plutôt ceux de Pôle Emploi. 

«Personne ne compte les catégories B et C du chômage (de Pôle Emploi, NDLR) puisque ce sont des actifs partiels», lui a rétorqué le président sortant.

De quoi parle-t-on? Les chiffres au sens du BIT, régulièrement donnés par l’Insee, désignent les personnes totalement sans emploi. 

Les chiffres de Pôle Emploi sont quant à eux répartis en plusieurs catégories, notamment A (les personnes totalement sans emploi), B (les personnes ayant exercé une activité réduite de 78 heures par mois) et C (les personnes ayant exercé une activité de plus de 78 heures). 

Au sens du BIT, le taux de chômage est passé de 9,3% à 7,4% de la population active entre le premier trimestre 2017 et la fin d'année 2021.

Si l'on se concentre sur la catégorie A de Pôle emploi, on recense 413 000 personnes de moins dans cette catégorie sur la même période.

Mais si l'on choisit d'additionner les catégories A, B et C, on recense «seulement» 154 500 demandeurs d'emplois de moins. C'est l'argument de Marine Le Pen pour relativiser les chiffres. 

 

La paternité de la taxe carbone

«Vous avez fait le choix de mettre en place la taxe carbone, qui a aggravé le prix de l'essence», a lancé Marine Le Pen à Emmanuel Macron. Mais c'est une mesure qui remonte à 2009 et qui a vu le jour sous le quinquennat de François Hollande. 

Nicolas Sarkozy avait, sans succès, tenté de l'introduire pendant son quinquennat (2007-2012) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Elle sera finalement instaurée dans le budget 2014 sous François Hollande et devait augmenter progressivement chaque année jusqu'en 2022. Mais face au mouvement des «gilets jaunes», le gouvernement a fait marche arrière en décembre 2018 et gelé son augmentation.

 

Les maires et les classes rurales

Emmanuel Macron a assuré avoir «mis fin à la fermeture des classes sans l’accord du maire» en milieu rural. «À chaque fois, il y a eu consultation des maires et ça ça n'a jamais été le cas avant. Ça, c'est depuis 2019», a-t-il détaillé. Cette affirmation, aussitôt contestée par Marine Le Pen, est à nuancer. 

À la rentrée de septembre 2020, le ministère avait imposé cette règle dans les communes rurales de moins de 5 000 habitants, pour tenir compte du contexte «exceptionnel» du COVID.

Toutefois, le ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer avait relativisé la portée de cette «doctrine» devant le Sénat en février 2021, en indiquant que cette règle ne valait que pour la rentrée de septembre 2020 et qu’elle «ne pourrait pas s’appliquer les années suivantes», afin de ne pas mettre en place un «moratoire à jamais» sur les fermetures de classes.

Le président Macron semble avoir fait une confusion avec son engagement pris en 2019 de ne pas fermer d'écoles sans l'accord du maire. 

 

Macron sous-estime le nombre de travailleurs détachés

«Sur le travail détaché, il n'y a pas des centaines de milliers de travailleurs, il y a environ 500 000 tâches en France correspondant à environ 50 000 travailleurs détachés», a affirmé Emmanuel Macron, au sujet de ces salariés envoyés dans un autre État membre de l'UE que celui où ils travaillent habituellement pour effectuer une mission temporaire.

Un rapport du ministère du Travail de juin 2021 estime pourtant que pour l'année 2019, 261 300 salariés ont été détachés au moins une fois en France, hors transport routier. 

Ces salariés, qui peuvent effectuer plusieurs missions au cours d'une même année, ont réalisé au total 675 300 détachements. Plusieurs candidats à la présidentielle assurent que ce mécanisme permet de contourner le droit du travail des pays membres.

 

Le RN et l'Ukraine

L'aide financière apportée à l'Ukraine a été au cœur d'une passe d'armes entre les deux candidats: Emmanuel Macron lui a assuré que les eurodéputés RN se seraient «opposés» à cette aide financière, ce que Marine Le Pen a contesté.

En réalité, huit jours avant l'invasion russe, le 16 février 2022, les eurodéputés RN ont voté à l'unanimité contre un prêt sur 12 mois de l'UE à l'Ukraine, d'un montant de 1,2 milliard d'euros, ce qui n'a pas empêché son adoption.

En revanche, les élus RN au Parlement européen ont voté majoritairement en faveur des sanctions prises le 1er mars contre la Russie, mais n'ont pas pris part au vote sur une résolution appelant à un embargo total sur les importations de pétrole, de charbon de combustible nucléaire et de gaz russes. 

 


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