Don planifié : le côté méconnu de la générosité

Publié le 01/10/2015 à 12:00

Don planifié : le côté méconnu de la générosité

Publié le 01/10/2015 à 12:00

Les gens sont très prompts à donner quand il s'agit d'aider les victimes d'une catastrophe. Mais il y a une autre façon de soutenir une cause : le don planifié.

Le don spontané, tout le monde connaît. C'est celui qu'on fait à la Croix Rouge après une catastrophe naturelle, par exemple, pour apporter une aide d'urgence aux populations touchées. Le don planifié, c'est tout le contraire. «Il y a un délai entre le moment où l'on donne l'argent et celui où l'organisme le reçoit, explique Lucille Grimard, présidente d'Un héritage à partager. Les dons peuvent prendre des formes multiples, comme le don d'assurance vie, le legs testamentaire ou le transfert d'actions.»

Céder des titres de valeurs mobilières, c'est la formule qu'a choisie Clément Demers. Ancien vice-président de la société Cadev, le directeur général de la société Quartier international de Montréal et professeur d'architecture à l'Université de Montréal faisait chaque année depuis 2005 des dons à l'Université de Montréal, son alma mater.

Quand le projet du campus Outremont a été amorcé, il a offert 100 000 dollars sur cinq ans sous forme d'actions. Cela représente 20 000 dollars par an. Pourtant, selon sa propre évaluation, ce don lui coûtera moins de 7 000 dollars par an.

«Quand on cède des actions à un organisme de bienfaisance, on ne paie pas d'impôt sur le gain en capital réalisé avec celles-ci, et on reçoit de plus un crédit d'impôt basé sur leur valeur au moment où elles sont encaissées par l'organisme», précise-t-il. Pour ce faire, il faut transférer la propriété des actions à l'organisme, et non offrir le produit de la vente de ces actions.

Payer un dollar pour en donner trois

L'assurance vie offre un effet de levier similaire, le capital versé au décès dépassant le montant des primes payées. C'est la formule retenue par Edmée Métivier. Cette ancienne banquière d'affaires occupe depuis quatre ans le poste de chef de la direction de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC.

Des sommes reçues par la Fondation, un dollar sur neuf environ provient d'un don planifié. «Nous avons formé une équipe pour sensibiliser les professionnels, notamment les notaires, afin qu'ils suggèrent plus souvent à leurs clients ce type de procédure», souligne Edmée Métivier. Avec l'aide d'un spécialiste en philanthropie, la Fondation organise des déjeuners-conférences destinés à des notaires, à des fiscalistes et à des professionnels de l'assurance vie. L'objectif ? Démystifier les dons testamentaires et d'assurance vie.

Edmée Métivier prêche par l'exemple. Peu après son arrivée à la tête de l'organisme, elle a contracté une assurance vie d'une valeur de 100 000 dollars au profit de la Fondation qu'elle allait diriger.

«Cela m'a permis d'offrir un capital trois fois plus imposant que la prime payée, explique-t-elle. Comme j'ai réglé cette dernière d'un coup, j'ai reçu un crédit d'impôt de près de 50 % de ce montant. Donc, mon investissement net correspond en fait à la moitié de la prime.» Si elle avait payé une prime annuelle, elle aurait reçu un crédit d'impôt chaque année.

De donateur à enquêteur

Si les Québécois sont de plus en plus nombreux à découvrir l'existence du don planifié, selon une enquête de CROP (Perceptions et attitudes à l'égard du don planifié), ils sont encore une minorité négligeable à passer à l'action.

Pour un quart des Québécois, la source de cette hésitation découle de la crainte que leur argent soit mal utilisé, et un Québécois sur cinq redoute que l'organisme disparaisse. Isabelle Boisvert, conseillère en dons planifiés à la Croix-Rouge, admet qu'elle reçoit beaucoup d'appels de personnes intéressées à donner, mais qui se montrent hésitantes. «Les gens veulent s'assurer que l'organisme est bien géré, qu'il est solide, qu'il a un bon sens de l'éthique, qu'il partage les valeurs du donateur, ou encore ils veulent savoir comment leur don sera utilisé», explique-t-elle.

Des questions pertinentes que chacun devrait poser avant de faire un don, selon Lucille Grimard. «Exigez de voir les états financiers et les rapports annuels des organismes, et renseignez-vous sur leur histoire», conseille-t-elle.

Vous préférez consulter d'autres sources que l'organisme ? Une simple recherche Google est un bon point de départ, mais il faut se méfier des classements qui comparent des organismes très différents. L'Agence du Revenu du Canada (ARC) fournit des données publiques sur les revenus et les dépenses des organismes. Imagine Canada publie la liste de 150 organismes accrédités dans le cadre de son Programme de normes, attestant de leur éthique.

Si l'utilisation qu'on fait de votre argent vous inquiète, sachez que vous pouvez faire un don «désigné». On entend par là que l'argent devra servir à un projet précis, comme la construction d'une nouvelle aile d'un bâtiment. Edmée Métivier, par exemple, a exigé que son don serve à financer des bourses de recherche pour les jeunes chercheurs.

Lucille Grimard conseille de préparer ce type de don avec l'aide d'un planificateur financier. «Il y a tellement de façons de procéder, et chacune a ses particularités financières et fiscales, explique-t-elle. Il vaut mieux faire affaire avec un spécialiste, qui saura vous proposer la meilleure stratégie en fonction de votre situation.»

Pour structurer son don, Clément Demers n'a pas hésité à discuter longuement avec son comptable et son courtier. Il souhaite d'ailleurs que les professionnels comme les notaires ou les planificateurs financiers soient plus nombreux à mentionner cette option à leurs clients. «C'est une forme de don très importante pour soutenir nos organismes et nos institutions», affirme-t-il.

 

Comment donner?

 

Don d'assurance vie

Fonctionnement : Vous pouvez souscrire une police d'assurance vie et la céder à un organisme en le nommant bénéficiaire. Vous recevrez près de la moitié de la prime annuelle sous forme de crédit d'impôt. Céder une police déjà contractée donne droit à un crédit d'impôt pour chaque prime payée à partir du moment du don. Vous pouvez aussi rester propriétaire du contrat d'assurance et le céder à votre décès. Cela réduira l'impôt à payer par votre succession, mais ne vous donnera pas de crédit d'impôt de votre vivant. Il vaut mieux choisir une assurance vie permanente, car les primes n'augmenteront pas. Il est aussi préférable de choisir un terme fermé, c'est-à-dire qu'on paie la police dans un nombre d'années déterminé à l'avance.

Avantages :

Fort effet de levier ;

Pas besoin de passer par la succession, contrairement au legs testamentaire ;

À l'abri des fluctuations du marché.

Inconvénients :

Si la police est irrévocable, vous ne pourrez pas la modifier si vous ne souhaitez plus faire ce don ;

Si l'organisme est propriétaire de l'assurance, il devra payer la prime si vous arrêtez de le faire.

 

Legs testamentaire

Fonctionnement : Vous pouvez léguer au décès un montant précis ou un bien déterminé, léguer le résiduel (ce qui reste après le paiement à ses héritiers), désigner un organisme comme bénéficiaire subsidiaire (si le premier bénéficiaire décède, ce qui reste ira à l'organisme), ou léguer des REER.

Avantages :

Le don donne droit à un reçu officiel qui diminue l'impôt de la succession ;

Cette méthode est relativemen simple à comprendre et à mettre en oeuvre ;

La stratégie est révocable. Vous pouvez modifier votre testament.

Inconvénient :

Le don peut faire l'objet d'une contestation des héritiers. Il faut bien faire connaître ses intentions.

 

Rente de bienfaisance

Fonctionnement : Vous cédez un capital à un organisme, qui s'engage en échange à vous verser un revenu régulier (rente viagère). L'organisme peut investir le capital sur le marché et payer la rente lui-même, mais il assume alors le risque. La plupart des organismes achètent plutôt une rente au nom du donateur. À son décès, ce qui reste du capital est versé à l'organisme. L'ARC exige que le coût de la prime ne dépasse pas 80 % du capital cédé. Par exemple, si ce capital est de 100 000 dollars, la rente ne pourra pas coûter plus de 80 000 dollars. La différence constitue un don, pour lequel le donateur bénéficiera d'un crédit d'impôt.

Avantages :

La rente peut constituer une bonne source de revenus pour le donateur, qui n'a plus à gérer ce capital ;

Cela permet de donner un montant important tout en recevant un crédit d'impôt. 

Inconvénients :

Tous les organismes ne sont pas autorisés à offrir ces rentes. Leurs règlements doivent leur permettre de le faire ;

Il faut bien connaître les nombreuses règles fiscales pour déterminer l'autorisation d'émettre une rente, la portion imposable et le reçu.

 

Don de valeurs mobilières

Fonctionnement : Vous pouvez transférer des actions cotées en Bourse, des obligations d'épargne, des parts d'un fonds commun de placement et d'autres titres similaires. 

Avantages :

Depuis 2006, les gouvernements fédéral et québécois ont supprimé l'impôt sur le gain en capital dans le cas d'un don d'actions cotées en Bourse ;

Cela permet de faire un don sans puiser dans ses liquidités ;

Le donateur bénéficie d'un crédit d'impôt pour un montant correspondant à la juste valeur marchande de ses actions. Ce crédit est toutefois plafonné à 75 % de son revenu annuel.

Inconvénient :

Si votre courtier achète et vend beaucoup, les gains en capital auront déjà été fiscalisés et l'avantage sera moindre pour l'organisme. Il vaut mieux choisir des titres qui ont pris beaucoup de valeur depuis leur acquisition.

 

Fiducie de bienfaisance

Fonctionnement : Vous placez un capital en fiducie de manière irrévocable. Vous n'y touchez plus, mais vous - ou un bénéficiaire désigné - recevez le rendement de cette somme. Au décès du bénéficiaire, le capital est versé à l'organisme. La constitution de la fiducie donne droit au donateur à un reçu d'impôt. Celui-ci est calculé en fonction de la juste valeur marchande du bien transféré, de l'espérance de vie du donateur et du taux d'intérêt de référence.

Avantages :

Cela permet de bénéficier d'un crédit d'impôt important, correspondant à la valeur escomptée de l'actif transféré ;

Cela permet de continuer à retirer un revenu provenant du rendement du capital investi.

Inconvénients :

Vous n'avez plus accès à ce capital ;

La création et l'administration de la fiducie engendrent des frais significatifs. Cette stratégie n'est recommandée que pour les dons de 200 000 dollars ou plus.

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