Vol d'identité, le mal du siècle


Édition de Avril 2014

Vol d'identité, le mal du siècle


Édition de Avril 2014

Le vol d'identité est à la mode chez les fraudeurs. Ces derniers rivalisent d'imagination pour nous soutirer nos renseignements personnels et les utiliser à mauvais escient. Regard sur un type de crime en pleine expansion.

«C'est quand la banque a refusé de renouveler son hypothèque, sous prétexte qu'elle avait trop de créanciers à son dossier de crédit, que la victime s'est doutée de quelque chose. Elle a fait venir ce fameux dossier, pour constater que des fraudeurs avaient utilisé son identité pour ouvrir des comptes de téléphonie cellulaire, pour obtenir des cartes de crédit, des cartes de magasins, etc.»

En racontant cette anecdote, Me Caroline Le Dû, avocate et conseillère principale, Assistance juridique chez Sigma Assistel, une filiale de Desjardins qui offre de l'aide aux victimes de vol d'identité, affirme que ce genre de mésaventure est de plus en plus fréquent. Les chiffres lui donnent raison. En 2012, le Centre antifraude du Canada recensait 17 009 victimes de vol d'identité, une hausse de 38 % par rapport à 2008. Valeur totale de ces fraudes : près de 16 millions de dollars, soit environ 940 dollars par personne fraudée.

La victime dont parle Me Le Dû n'a pas eu à rembourser les dettes contractées en son nom. «Elle a payé en temps et en stress, explique l'avocate. Elle a travaillé environ 15 heures par semaine, pendant plusieurs mois, à rétablir son identité et à régler les problèmes avec chacun des créanciers. Avec le stress de ne pas savoir si elle allait devoir payer, et en subissant un retard important dans le renouvellement de son hypothèque.» Tout cela parce qu'un commerce s'était fait dérober ses informations personnelles !

Des crimes en votre nom

Si le vol d'identité est populaire, c'est qu'il permet aux criminels de procéder à d'autres escroqueries. Ils utiliseront par exemple des téléphones cellulaires achetés au nom de leurs victimes pour procéder à des fraudes téléphoniques, comme la «fraude des grands-parents» ou la «fraude de sécurité informatique».

Dans le premier cas, les fraudeurs appellent des personnes âgées et prétendent qu'un de leurs proches a des ennuis dans un pays étranger, et qu'ils doivent rapidement envoyer de l'argent pour l'aider. Dans le second, un faux technicien informatique vous téléphone et soutient que votre ordinateur présente une faille de sécurité importante. Il vous aidera à régler le problème. Si vous faites ce qu'il dit, vous lui donnerez vous-même le contrôle de votre ordinateur et l'accès à vos informations personnelles !

Le vol d'identité peut mener à des supercheries encore plus audacieuses, comme l'explique Mario Langlois, lieutenant- détective du Service de police de la Ville de Montréal. «La fraude hypothécaire est un cas qu'on observe régulièrement, dit-il. Le fraudeur assume une identité usurpée et se rend chez un notaire avec un complice. Ils simulent alors une vente de maison, l'un jouant le vendeur et l'autre l'acheteur, et contractent une hypothèque. Lorsque le vrai propriétaire s'aperçoit que sa maison a été vendue à son insu, il peut facilement faire annuler la transaction, mais le prêteur, lui, ne peut pas récupérer son argent.»

Attention à vos cartes de paiement

Autre forme de vol d'identité, l'utilisation frauduleuse de cartes de crédit ou de débit continue de faire des victimes. En 2012, le coût des fraudes par cartes de crédit s'élevait à plus de 439 millions de dollars, selon l'Association des banquiers canadiens. On comptait 752 341 comptes touchés, une augmentation de 20,53 % par rapport à l'année précédente. Dans plus de 529 000 cas, la fraude était liée à des achats frauduleux en ligne, par téléphone ou par la poste, le reste étant des cas de cartes volées, perdues, non reçues, demandées sous une fausse identité, falsifiées ou clonées.

Les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises. Selon Interac, depuis l'introduction de la carte à puce, le nombre de titulaires de cartes de débit remboursés à la suite d'une fraude est en chute libre. Mario Langlois rappelle que certaines cartes dont la bande magnétique a été copiée peuvent être utilisées à l'étranger.

Nos renseignements se promènent

Pourquoi le vol d'identité gagne-t-il en importance ? L'omniprésence des outils informatiques dans nos vies et la quantité phénoménale d'information personnelle que nous y entreposons nous rend certainement plus vulnérables. Mais bien souvent, c'est notre naïveté ou notre imprudence qui est la source de notre malheur «Les gens magasinent en ligne et oublient de s'assurer que le site de paiement est sécurisé, ou encore ils font des transactions dans un endroit où le réseau sans fil n'est pas sécurisé», explique Natasha Nystrom, agente des relations avec les médias de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Elle ajoute que les courriels qui prétendent provenir d'une banque ou du gouvernement, et demandent qu'on clique sur un lien et qu'on entre des renseignements personnels pour régler un supposé problème font encore des ravages. «Les sites frauduleux ressemblent à s'y méprendre aux vrais sites, mais aucune banque ou organisation gouvernementale n'exigera de renseignements critiques par courriel ou par téléphone, ils vous demanderont de vous rendre sur place», dit-elle.

La plus grande prudence ne vous mettra pas à l'abri des erreurs des autres. Selon Alexandre Plourde, avocat chez Option consommateurs, la surabondance de données que les entreprises conservent sur nous augmente notre vulnérabilité. «Les entreprises recueillent beaucoup trop d'informations par rapport à leurs besoins réels, et les conservent beaucoup trop longtemps, ce qui augmente les risques de pertes ou de vols», soutient-il.

Cette évolution n'a pas échappé à l'attention des criminels, indique Benoît Dupont, professeur titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sécurité, identité et technologie. «Les fraudeurs cherchent de plus en plus à s'approvisionner à la source, en volant des informations personnelles à un commerce, par exemple. Pourquoi perdre son temps à infecter 50 millions d'ordinateurs personnels si je peux obtenir 50 millions de dossiers d'un coup ?»

En janvier, la chaîne américaine Target a admis que 40 millions de comptes de cartes de crédit et de débit et les renseignements personnels de 70 millions de consommateurs, dont près de 700 000 Canadiens, avaient été compromis par une attaque informatique. Rien qui puisse rassurer les consommateurs...

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17 009

En 2012, le Centre antifraude du Canada recensait 17 009 victimes de vol d'identité, une hausse de 38 % par rapport à 2008.

Un classique nommé «PONZI»

Les stratagèmes à la Ponzi restent un des types de fraudes financières les plus fréquents. Le principe est simple. Le fraudeur recrute des investisseurs en leur faisant miroiter des rendements exceptionnels, et leur fait quelques versements intéressants assez rapidement. Le hic, c'est qu'il paie les investisseurs avec l'argent d'autres investisseurs, et que les investissements ne sont jamais placés dans de vrais instruments de placement. En fin de compte, le fraudeur disparaît avec l'argent.

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