Alcools d'ici: des appellations réservées pour se démarquer

Publié le 06/10/2023 à 12:30

Alcools d'ici: des appellations réservées pour se démarquer

Publié le 06/10/2023 à 12:30

Par Benoîte Labrosse

Sébastien Daoust, vigneron propriétaire de Les Bacchantes (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE DES ALCOOLS. Alors que l’offre d’alcools ne cesse de s’étoffer au Québec, les outils marketing permettant de se distinguer, localement comme hors de nos frontières, gagnent en importance. Entrent en scène les appellations réservées et les termes valorisants.

« Au début, on n’avait pas de stratégie marketing ; on allait faire du vin, le mettre sur des tablettes et espérer que quelqu’un le prenne. Ça s’est avéré une bien mauvaise orientation et on en a souffert durant trois-quatre ans », admet Sébastien Daoust, vigneron propriétaire de Les Bacchantes. Ce vignoble d’Hemmingford, en Montérégie, a alors décidé de consulter une firme spécialisée pour revoir complètement son image de marque. 

Parmi ses nouveaux outils marketing, il compte l’Indication géographique protégée (IGP) Vins du Québec. Cette certification assure la traçabilité et la qualité d’une cuvée au moyen d’un cahier des charges et d’audits. « On veut être capable de démontrer aux consommateurs l’origine de nos raisins, et, actuellement, l’IGP est le seul identifiant qui la garantit », précise le vigneron. 

Les Bacchantes compte près d’une vingtaine de produits certifiés et travaille à y ajouter ses neuf vins de l’année. « L’IGP, c’est probablement l’outil de communication et de commercialisation le plus puissant que notre industrie a entre les mains, affirme Sébastien Daoust. C’est un catalyseur pour se regrouper et tenter d’aller chercher plus que l’actuel 1 % du marché des vins au Québec. » Il estime que la compétition se joue non pas entre les vins québécois, mais plutôt avec les bouteilles qui arrivent de France, d’Italie ou même de l’Ontario. 

La collaboration est justement au cœur du processus de certification chapeauté par le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV). « Obtenir une appellation, c’est une démarche collective, souligne Marjolaine Mondon, coordonnatrice de projets à la reconnaissance et maintien des appellations réservées au CARTV. Les groupes de producteurs se donnent des contraintes qui leur permettent d’affirmer leurs signes distinctifs aux consommateurs. » 

Et ce, qu’ils soient locaux ou internationaux. « C’est un passeport pour l’exportation dans les nombreux pays où ce système est utilisé », note-t-elle. Un produit s’affiche IGP Vin de glace du Québec ou IGP Cidre de glace du Québec — les deux autres certifications du secteur — met donc plusieurs acheteurs européens en confiance, malgré leur méconnaissance de ces types d’alcool.

 

Valoriser les alcools 100% locaux

Souhaitant profiter d’une notoriété semblable, l’Union des distillateurs de spiritueux d’érable a déposé le projet d’un IGP Acerum du Québec auprès du CARTV au printemps 2020… Sans grande avancée depuis. « Pour obtenir une appellation, il faut octroyer du temps et des ressources, explique Marjolaine Mondon. D’autres dossiers ont occupé le groupe entre temps, mais ils nous ont recontactés récemment en disant qu’ils étaient prêts à mettre un petit coup d’accélérateur. »

« Content » d’avoir été rappelé au sujet de l’acerum, le CARTV ne peut toutefois s’avancer sur un échéancier pour la suite du processus, qui comprend une audience publique et l’approbation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). 

Une autre appellation risque de voir le jour plus tôt ; elle reconnaîtra les alcools produits uniquement à partir des matières premières québécoises. « Le cahier des charges est presque terminé et va être déposé au comité d’experts du CARTV dans quelques semaines, annonce Hugo D’Astous, président de l’association Spiritueux Québec. On espère que [le processus de certification] sera en fonction au début de 2024. »

Comme pour l’acerum, un premier projet — une IGP Spiritueux 100 % Québec — a été déposé en 2020, puis mis sur la glace. « Il a avorté, parce que c’est difficile de circonscrire un territoire géographique et d’aller chercher les consensus nécessaires au sein de l’industrie, résume celui qui est également cofondateur d’Ubald Distillerie, dans Portneuf. On l’a relancé au printemps 2022 parce que le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et le MAPAQ nous l’ont fortement suggéré. » 

Les membres de Spiritueux Québec fignolent actuellement les derniers détails en vue de la création d’un terme valorisant dont le nom est encore confidentiel. « Le processus de certification est le même qu’un IGP, explique Marjolaine Mondon. Toutefois, il n’y a pas d’obligation de déterminer une zone géographique plus précise que l’ensemble de la province. »

Le terme valorisant est plutôt lié à un savoir-faire, dans ce cas-ci le l’utilisation d’intrants québécois dans toutes les étapes de création d’un alcool au caractère distinctif. « On travaille la matière première — maïs, seigle, patates, etc. —, on la fermente, on la distille au moins deux fois pour créer un alcool de base qu’on aromatise ensuite par distillation ou macération, avant de l’embouteiller », résume Hugo D’Astous.

L’objectif de cette certification est de se démarquer, sur les tablettes de la SAQ, des spiritueux qui ne sont qu’embouteillés ou préparés au Québec. « Le terme valorisant, c’est une question de survie pour la dizaine de distilleries qui font leur produit de A à Z avec des intrants d’ici, déclare-t-il. C’est une façon de démontrer aux consommateurs qu’il y a de vrais produits québécois et d’autres qui sont seulement le résultat d’un travail marketing… »

 

Cet article a initialement été publié dans l'édition du 14 juin 2023.

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