L'économie de seconde main s'installe au pays

Publié le 23/02/2018 à 14:34

L'économie de seconde main s'installe au pays

Publié le 23/02/2018 à 14:34

Par Diane Bérard

Le 20 février, l'Observatoire de la consommation responsable de l'ESG UQAM a dévoilé les résultats de la 4e édition de l'indice Kijiji de l'économie de seconde main. On y apprend, entre autres, que 85% des Canadiens ont acheté, vendu, loué, échangé ou donné des biens de seconde main. Les auteurs de cette étude (Fabien Durif, Manon Arcand, Myriam Ertz et Marie Connolly) nous expliquent aussi que 2,3 milliards de biens ont eu une seconde vie en 2017.

«Le phénomène de l'économie de seconde main est bel et bien installé au Canada», estime Fabien Durif, vice-doyen à la recherche à l'ESG.

La principale motivation de ce phénomène est économique. «En se procurant un article de seconde main, on augmente son pouvoir d'achat. Les consommateurs ont le sentiment de payer un prix plus juste pour leurs biens», poursuit le chercheur.

Le cas des cellulaires

Au Canada, la majorité des biens circulant dans l'économie de seconde main sont des vêtements, des chaussures et des biens de divertissement. En Europe, les biens électroniques occupent une part plus importante de ces échanges. «On observe une explosion des plateformes spécialisées et des réseaux de détaillants proposant des cellulaires usagés. Plusieurs consommateurs attendent quelques mois pour se procurer la version la plus récente, délaissée par un usager insatisfait ou déçu. Au Canada, il n'y pas encore de système structuré autour de la vente de cellulaires de seconde main. Lorsque cela se produira, cette portion de l'économie passera à une autre vitesse.»

Des mythes atour de l'économie de seconde main

On serait porté à conclure que l'économie de seconde main vient remplacer l'économie traditionnelle, qu'elle devient un recours lorsque cette dernière fléchit. Au contraire, l'économie de seconde main affiche une performance parallèle à celle de l'économie traditionnelle, la vigueur de la seconde se reflète sur la vigueur de la première. «C'est une forme supplémentaire de consommation, et non une forme de remplacement, explique Fabien Durif. Quand l'économie se porte bien, le consommateur consomme plus, des articles neufs et des articles de seconde main.» D'ailleurs, le tiers de acheteurs de biens de seconde main affirment qu'ils auraient acheté un article neuf s'ils n'avaient pas trouvé une version de seconde main.

Des occasions d'affaires inexploitées

« Dans l'expression économie de seconde main, il y a le mot économie. La clientèle de cette économie n'est pas nécessairement une clientèle précaire, souligne Fabien Durif. Nous sommes en présence d'un marché contextualisé, le recours à l'économie de seconde main correspond davantage à des moments de la vie qu'à une situation financière spécifique.»

Le spectre des utilisateurs de l'économie de seconde main est vaste. Il compte des consommateurs classiques qui cherchent simplement «la bonne affaire» ou qui désirent se tirer un revenu des articles dont ils ne désirent plus. Il rassemble aussi ceux et celles qui connaissent une baisse temporaire de revenu. Et ils attirent ceux qui déménagent et cherchent à se débarrasser de leurs objets ou qui doivent en acquérir. Et puis ceux dont les enfants grandissent ou quittent le nid, et qui sont aux prises avec une foule d'objet inutiles sur les bras.

« Les OBNL devraient décortiquer ces profils et imaginer des campagnes de communication ciblées pour chacun d'entre eux. En adressant le même message à tous les utilisateurs de l'économie de seconde main, on passe à coté de transactions potentielles », dit Fabien Durif. Il poursuit, «Cette segmentation en fonction des moments de la vie devient aussi un occasion d'affaires pour de futures plateformes.»

Le mystère québécois

Le Québec est la seconde province, après les provinces de l'Atlantique, où l'on compte le moins d'adeptes de l'économie de seconde main. L'indice d'intensité, c'est-à-dire le nombre de biens échangés (acquis ou délaissés) par personne, atteint 63 au Québec alors qu'il est de 92 en Ontario et de 90 en Alberta. Comment expliquer cet écart? « Je n'ai pas de réponses précises, plutôt des embryons de réponses, répond Fabien Durif. Ainsi, les anglophones sont plus actifs que les francophones dans cette économie. Or, c'est au Québec et dans les Maritimes que l'on trouve le plus de francophones. On pourrait aussi établir un lien entre la philanthropie et l'économie de seconde main. Encore une fois, le réflexe philanthropique est plus ancré dans la communauté anglophone canadienne. Enfin, il faut mentionner l'impact des populations extrêmes. Le Québec compte moins d'utilisateurs «intenses» de cette économie que les autres provinces.»

En 2017, au Québec, l'économie de seconde main a atteint une valeur de 4,9G$, soit 1,24% du PIB. D'une province à l'autre, cette proportion varie entre 1,24% et 1,94%. En acquérant des biens usagés plutôt que neufs, les Canadiens ont épargné 825$. Et en se départissant de biens dont ils ne voulaient plus, les Canadiens ont empoché 1134$.

 

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