De sombres perspectives à court terme pour les actions pétrolières

Publié le 02/04/2015 à 13:20

De sombres perspectives à court terme pour les actions pétrolières

Publié le 02/04/2015 à 13:20

Il est difficile de trouver un argument convaincant pour investir dans le secteur pétrolier quand tant de données fondamentales sous-jacentes laissent présager d'autres baisses des cours pétroliers. Le pétrole revivra sans doute des heures de gloire, mais il va falloir du temps pour que le marché boursier s'adapte à la nouvelle dynamique des cours.

Un énorme surplus de pétrole dans le monde, exacerbé par la décision prise par l'Arabie Saoudite de maintenir sa production et de laisser les cours sombrer, est la principale cause de la détérioration des données fondamentales des actions pétrolières. Les Saoudiens ont peu de chances de changer de direction, puisque la faiblesse des cours pétroliers répond à leurs objectifs financiers et politiques.

Avant tout, les Saoudiens défendent leur part du marché mondial. Des prix qui dépassaient ou avoisinaient 100 $ US le baril d'équivalent pétrole ont eu pour conséquence imprévue de rendre la production d'huile de schiste et les nouvelles techniques de fracturation hydraulique plus viables économiquement, ce qui a conduit à un énorme accroissement de la production américaine. Non seulement les États-Unis sont devenus le premier producteur de pétrole dans le monde, ils ont désormais la capacité d'être un exportateur net. Le pétrole coule si vite dans les installations de stockage américaines que celles-ci atteignent maintenant leur capacité maximum.

À cause de la position de l'Arabie Saoudite, le prix du pétrole a peu de chances de grimper au-dessus de 60 $US. Certaines opérations d'extraction d'huile de schiste ont un seuil de rentabilité autour des 80 $ US, et même les puits les moins chers exigent des prix dans les 60 $ US. Rendre la production d'huile de schiste non rentable, ou au minimum s'arranger pour qu'elle le soit moins, profite clairement aux Saoudiens sur le long terme.

Deuxièmement, les Saoudiens cherchent à affaiblir l'Iran, autre exportateur de pétrole qui représente leur principal rival géopolitique au Moyen-Orient. Ce ne serait pas la première fois que les Saoudiens utilisent le prix du pétrole comme arme économique contre Téhéran.

Il existe par ailleurs d'autres perspectives d'accroissement de l'offre pétrolière qui créeraient une pression à la baisse supplémentaire. Par exemple, la production de pays ravagés par la guerre comme le Nigeria et la Libye pourrait se stabiliser. Une autre possibilité est un accord nucléaire entre l'Iran et les pays occidentaux qui se traduirait par la suppression des sanctions économiques. Cela pourrait permettre au pétrole iranien de couler de nouveau à flots et d'inonder encore plus le marché.

Du côté de la demande, la croissance économique a été anémique dans le monde entier. La Chine, jadis un des plus gros consommateurs, a de fait comblé ses besoins de réserves pétrolières et a donc réduit ses achats. Les sanctions contre la Russie pourraient aussi avoir un impact. Ces sanctions ont eu comme conséquence involontaire de pousser le régime de M. Poutine à faire des concessions sur les prix pour finaliser un accord gazier de 400 milliards $ avec la Chine. Il est raisonnable de penser que cette relation commerciale pourrait s'étendre aux exportations de pétrole, où la Russie comblerait les besoins futurs de l'économie chinoise à des prix inférieurs à ceux du marché.

Les effondrements du prix du pétrole ne sont rien de nouveau. En 2008, le pétrole a chuté aux niveaux que nous connaissons actuellement. Toutefois, un rebond relativement rapide et radical l'a propulsé vers les 100 $ US. Cette fois-ci, un rebond de ce type semble beaucoup moins probable compte tenu de la dynamique géopolitique sous-jacente et le manque de demande mondiale qui ont précipité la baisse actuelle.

Certains producteurs réussissent encore à tolérer l'orage actuel grâce à leur couverture sur des périodes de six mois à deux ans. Ces contrats vont peu à peu expirer et laisser les producteurs totalement exposés aux prix du marché, avec le besoin d'ajuster leurs dépenses en conséquence. Avec l'annulation déjà annoncée de plusieurs milliards de dollars en projets, les gros producteurs ont reconnu la dure réalité d'aujourd'hui. Seuls les projets les plus prometteurs ont des chances d'être menés à bien dans un avenir proche.

Les investisseurs dans les actions qui, pour une raison ou pour une autre, sont incapables d'éviter carrément le secteur devraient se tourner vers Imperial Oil IMO. Ce jugement se base sur l'attrait relatif de la société par rapport à ses pairs évoluant dans les champs pétroliers, plutôt que sur son attrait dans l'absolu. En gros, les données fondamentales d'IMO se sont moins détériorées que celles d'autres actions pétrolières.

Le ratio cours-bénéfices estimés d'Imperial Oil pour 2015 est de 26,7, bien plus cher que les ratios beaucoup plus modestes que le marché affichait il y a même six mois. Actuellement, IMO n'est à son avantage que par rapport au ratio médian extraordinairement élevé de 63.

De plus, il est prévu que la valeur comptable d'Imperial Oil n'augmente que d'un maigre 5,2 % cette année, chiffre qui a l'air très bon comparativement à la médiane de -3,9 % de l'industrie. La faiblesse des chiffres de réinvestissement n'est pas surprenante compte tenu des milliards de dollars de projets annulés. De plus, les attentes des analystes de courtage pour l'industrie, qui se reflètent dans la réduction en 2015 des estimations de bénéfices sur les derniers 90 jours, sont désespérément faibles à -55,7 % pour la médiane des sociétés pétrolières ou gazières canadiennes. IMO « surclasse » ce chiffre avec une révision qui n'est que de -38,2 %.

Lorsque la dynamique du marché change, il est toujours préférable d'ajuster son portefeuille plutôt que de s'enfouir la tête dans le sable (bitumineux). Le secteur pétrolier va finir par s'améliorer et cela se verra dans les attentes des analystes et l'amélioration des données fondamentales. Entre-temps, les perspectives boursières pour toutes les actions pétrolières, grandes ou petites, se sont extrêmement détériorées. C'est pour cela qu'il faudra faire très attention dans l'évaluation des occasions de placements dans le secteur pétrolier canadien. Laissez les chiffres et les faits bruts guider vos décisions de placement.

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