La transformation numérique, oui, si tout le monde en profite


Édition du 07 Avril 2018

La transformation numérique, oui, si tout le monde en profite


Édition du 07 Avril 2018

Il faut miser au maximum sur son potentiel sans pour autant créer deux classes de citoyens et d’entreprises, selon les régions où ils habitent et où elles sont actives. [Photo: 123RF]

S'il faut en croire les chaussures que portait le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, lors de la présentation de son budget, le gouvernement du Québec est véritablement préoccupé par les questions liées à l'économie numérique.

Rappel : pour montrer à quel point il se dit concerné par l'enjeu du commerce électronique et de celui de la taxation qui en découle, il s'est fait acheter en ligne des chaussures de la chaîne Aldo, qui lui ont été livrées en personne par le fondateur de l'entreprise, aujourd'hui multinationale, Aldo Bensadoun lui-même.

Évidemment, les journalistes et photographes étaient au rendez-vous. En mauvais français, on parle d'une « photo op », c'est-à-dire d'un événement conçu sur mesure pour se retrouver dans les médias. Et le ministre Leitão est alors revenu sur l'importance pour le Québec de taxer les achats effectués à partir de sites extérieurs au pays, ce qu'on a appelé la « Taxe Netflix » que le fédéral, lui, a choisi d'ignorer.

Fort bien. Petit problème : dans le budget du ministre, les produits tangibles (chaussures et autres) importés des États-Unis ou d'ailleurs ne sont toujours pas imposés directement. On s'en remet aux douanes canadiennes pour percevoir les taxes. Seuls les produits intangibles, comme ceux qu'offre Netflix avec ses films et émissions le seront.

Comme le disait Marwah Rizky, professeure à l'École de gestion de l'Université de Sherbrooke, ce n'est qu'une demi-victoire, elle qui se démène depuis quelques années pour que les biens et services importés soient soumis à l'ensemble des lois canadiennes sur l'impôt.

On y arrivera peut-être un jour. En attendant, la transformation numérique de notre économie se poursuit au-delà du seul commerce électronique. La contribution des technologies les plus avancées, ou leur invasion diront certains, aidera nos entreprises ou bien les bouleversera. Tout dépend de celles qui y auront accès.

Il n'y avait pas grand-chose à cet effet dans le budget Leitão, pourtant prodigue de financement pour toutes sortes de mesures visant l'Aquarium de Québec, les palais de justice, les aidants naturels et tant d'autres. Sans compter, évidemment, ce réinvestissement massif de l'ordre de 5 % en santé et en éducation.

Oui, TechnoMontréal se réjouit, à bon droit, des efforts dirigés vers la transformation numérique et le soutien à une utilisation accrue des avancées technologiques au Québec. On mentionne nommément cette enveloppe de 810 millions de dollars prévue pour préparer la main-d'oeuvre de demain, en misant encore davantage sur la formation.

Cette mesure incite également la Coalition des organismes communautaires pour la formation de la main-d'oeuvre, dont les membres sont actifs sur le terrain, à donner une note de passage au budget même s'il aurait fallu, selon elle, « un investissement à la hauteur de l'enjeu ».

En matière d'éducation, ce budget réserve, par exemple, des fonds pour l'intégration des technologies numériques dans les écoles. Bonne idée, encore meilleure si des entreprises québécoises y participent. On devra aussi ne pas retomber dans les ratés de ces fichus tableaux dits « interactifs » du temps du gouvernement Charest, bien des enseignants s'en souviennent encore...

Toutefois, pour l'ensemble du Québec, une grande question demeure : si on veut véritablement propulser l'économie québécoise dans le 21e siècle, il faudrait brancher le Québec tout entier sur Internet haute vitesse.

Ce que cela peut donner ? Au début des années 1950, la Corée du Sud était un pays mendiant qui faisait partie du tiers-monde. Au fil des ans, on y a investi massivement dans les nouvelles technologies, comme Internet. C'est aujourd'hui un des pays les plus connectés au monde et il est devenu une puissance mondiale. Son PIB dépasse même celui de l'Espagne pour une population équivalente.

C'est vrai que la Stratégie numérique du Québec, présentée l'automne dernier, aborde directement l'enjeu du service Internet haute vitesse partout sur le territoire. On y a prévu 300 M$ sur cinq ans pour qu'à l'échéance, 100 % des foyers québécois y aient accès. La Fédération québécoise des municipalités du Québec avait évalué les besoins à 100 M$ par année. À ses yeux, toutefois, c'est un pas dans la bonne direction et il ne faut pas s'en inquiéter pour l'instant même si rien de plus n'a été mentionné dans le budget.

L'enjeu demeure cependant entier. Ottawa, Toronto et Québec viennent d'annoncer en mars un investissement conjoint de 400 M$, avec des entreprises privées, pour la mise en place d'un service sans fil 5G dans le corridor entre le Québec et l'Ontario. Ces nouveaux réseaux sont 100 fois plus rapides et 10 fois plus puissants que le 4G... si on y a accès.

Mais ailleurs, on fait quoi pour attirer des gens et des entreprises ?

Voilà un enjeu réel de cette transformation numérique maintenant rendue au goût du jour. Il faut miser au maximum sur son potentiel sans pour autant créer deux classes de citoyens et d'entreprises, selon les régions où ils habitent et où elles sont actives.

On ne veut surtout pas, pour reprendre l'expression, se retrouver avec « un Québec cassé en deux ».

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