Qu'est-ce qui flingue l'enthousiasme de vos employés?

Publié le 18/04/2016 à 06:33

Qu'est-ce qui flingue l'enthousiasme de vos employés?

Publié le 18/04/2016 à 06:33

Avez-vous remarqué tous ces zombies tout autour de vous au bureau? Photo: DR

Ils ont le teint pâle, les yeux cernés et une haleine riche en café... Non, ce ne sont pas des zombies, mais... vos employés! Du moins, ceux qui viennent tous les jours au travail et qui filent le long des couloirs comme des ombres à longueur de journée, histoire de donner l'impression d'être débordés, alors qu'en réalité ils sont épuisés.

Bon, d'accord. C'est vrai, je grossis le trait. Mais, à votre avis, est-ce que je le grossis tant que ça? Hein? Pensez-y bien, oui, songez à chacun des membres de votre équipe, un par un, et vous verrez que j'exagère peut-être à peine...

Vous voilà maintenant alertés : nombre de vos employés ont perdu tout enthousiasme au travail et sont même, pour certains, en train de se zombifier sous vos yeux horrifiés. D'où la question suivante, évidente : «Comment vous y prendre pour arrêter tout ça? Pour leur redonner du coeur à l'ouvrage? Voire le sourire?»

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La bonne nouvelle du jour, c'est que j'ai mis la main sur une étude fantastique à ce sujet, intitulée Fate or fight: Exploring the hedonic costs of competition. Celle-ci est signée par : Christopher Hsee, professeur de marketing et de science du comportement à l'École de commerce Booth à Chicago (États-Unis); Luxi Shen, professeure de marketing à l'École de commerce CUHK à Hong Kong (Chine); Jingqiu Chen, professeure de management au College Antai à Shangai (Chine), assistée de son étudiante Shirley Zhang; et Li Zhang, doctorante en marketing à l'École de commerce HKUST à Hong Kong (Chine). Et elle met au jour le fait qu'il y a une chose qui tue l'enthousiasme des employés presque à tous les coups. Découvrons tout cela ensemble...

Les cinq chercheurs ont procédé à trois expériences rigolotes, histoire de voir si l'on était, en général, plus heureux lorsqu'on est combatif ou lorsqu'on est résigné. Ces expériences revenaient toujours au même, d'infimes variations étant apportées ici et là juste pour affiner les résultats.

Ils ont ainsi demandé à un total de 170 volontaires de venir deux par deux dans une salle particulière, composée de deux cubicules rigoureusement identiques, dotés chacun d'une table, d'une chaise, d'un ordinateur et d'une bande dessinée de Tom et Jerry (vous savez, ce chat gris qui tente sans cesse d'attraper une souris brune, toujours en vain). Puis, de s'installer chacun dans le cubicule de leur choix et d'y rester pendant dix minutes, le temps de l'expérience.

Les deux participants - A et B - devaient répondre à un questionnaire destiné à évaluer leur degré de satisfaction au moment présent, puis étaient placés dans l'une des deux conditions suivantes :

> Fatalité. A était invité à visionner des dessins animés de Tom et Jerry sur son ordinateur, tandis que B (qui entendait ce qui se passait dans le cubicule voisin) ne pouvait que lire, pendant ce temps, la bande dessinée de Tom et Jerry, son ordinateur étant en panne. (À noter qu'une expérience préliminaire avait montré que les gens préféraient nettement regarder le dessin animé que lire la bande dessinée de Tom et Jerry.)

> Compétition. A et B disposaient tous les deux d'un ordinateur qui fonctionnait, à ceci près que ceux-ci ne pouvaient pas fonctionner en même temps, mais à tour de rôle. Pour regarder sur son écran le dessin animé, chaque participant devait donc appuyer sur une touche du clavier colorée en rouge (ce qui privait automatiquement l'autre d'image). Une situation propice, on le voit bien, à une "guerre des boutons rouges", si jamais les deux tenaient mordicus à regarder le dessin animé.

Une fois les dix minutes écoulées, les participants devaient répondre à un questionnaire individuel visant à évaluer leur degré de satisfaction à l'instant présent. Ce qui permettait aux expérimentateurs de savoir si le participant en question était heureux, ou pas, à ce moment-là.

Vous voyez, on ne peut pas faire plus simple comme expérience. Et, l'air de rien, ça leur a permis de faire des trouvailles renversantes :

> La compétition rend malheureux. Les participants qui avaient été placés dans la situation Compétition sont ressortis de l'expérience moins heureux.

Comment expliquer ce phénomène? Eh bien, les cinq chercheurs se sont appuyés sur d'autres études qui avaient montré que l'on ne pouvait retirer de la satisfaction d'une compétition qu'à condition que celle-ci nous ait donné l'occasion de concocter une stratégie ou de collaborer avec d'autres, dans l'espoir d'en sortir victorieux. Or, l'expérience n'offrait ni l'un ni l'autre, si bien que chaque participant ne pouvait qu'en ressortir avec des frustrations.

> La fatalité rend heureux. Les participants qui avaient été placés dans la situation Fatalité sont ressortis de l'expérience plus heureux, aussi curieux que cela puisse paraître. Et ce, y compris pour ceux qui avaient connu la situation la plus injuste qui soit, à savoir de devoir se résigner à lire la bande dessinée tandis que leur voisin, lui, regardait le dessin animé et ne pouvait se retenir d'éclater de rire, de temps à autres.

Comment expliquer ce phénomène? Les cinq chercheurs considèrent que l'absence de compétition, même si elle implique une certaine injustice entre les uns et les autres, procure une certaine «paix à l'âme». Par exemple, l'un se félicite de pouvoir regarder un bon dessin animé (sans pour autant se réjouir sadiquement du fait que son voisin, lui, ne le peut pas). Et l'autre se résout sans trop de difficultés à se plonger dans une bande dessinée qui, somme toute, n'est pas si mal que ça (même s'il sait pertinemment que son voisin est en train de vivre un moment un peu plus tripant que le sien).

Fascinant, n'est-ce pas? Car cela permet d'y voir plus clair, concernant ces innombrables employés qui se zombifient tout autour de nous, sans qu'on comprenne trop pourquoi. Ceux-ci s'épuisent et sombrent parfois même dans le désespoir parce qu'ils sont, jour après jour, en situation de compétition. Une compétition dépourvue d'éventuelles satisfactions, comme le plaisir de concocter sa propre stratégie pour l'emporter, ou de collaborer avec autrui pour mettre en application leur propre stratégie.

Leurs managers croient dur comme fer que c'est ainsi qu'ils donneront leur 110%, alors que c'est exactement le contraire qui se produit. Lourde erreur!

Quel est dès lors le réflexe de ceux qui se refusent, un beau jour, à jouer le jeu absurde de la compétition perpétuelle? On vient de le voir : ils tirent une certaine satisfaction là où ils le peuvent, à savoir en... se résignant à la passivité! Ils se retirent du jeu. Ils se réfugient dans leur coin, en silence, et se plonge dans "une bande dessinée de Tom et Jerry". Peu leur chaut qu'une poignée de collègues s'éclatent de temps à autres à côté d'eux, sur certains dossiers plus tripants que la majorité des autres, car ils se sont détachés de la réalité du quotidien de l'entreprise. Ils savourent tranquillement leur «paix à l'âme» retrouvée.

J'imagine que des flashes vous sautent aux yeux, en ce moment précis. Que vous comprenez mieux pourquoi celui qui vole de succès en succès maigrit à vue d'oeil au bureau. Et pourquoi celui qui ne fait jamais de vagues semble toujours si calme.

Ces signes sont de véritables signaux d'alerte. Ils vous disent que ça va mal dans votre équipe. Très mal.

Fort heureusement, maintenant que vous avez une vision claire de la situation, vous êtes en mesure d'y remédier. Comment? Comme ceci, à mon avis :

> Qui entend raviver la flamme de ses employés se doit de mettre fin à l'esprit de compétition qui règne au sein de l'équipe. Il lui faut expliquer à chacun que le but n'est plus de faire mieux que les concurrents de l'entreprise, voire mieux que les collègues, mais de grandir tous ensemble. Que ce qui compte vraiment, c'est le voyage fait ensemble, pas le point d'arrivée. Et que la performance de l'équipe ne peut découler que du bonheur de chacun à apporter sa contribution personnelle à l'atteinte de l'objectif collectif. Oui, réveiller l'enthousiasme, c'est aussi simple que ça.

En passant, le constructeur automobile américain Henry Ford aimait à dire : «L'enthousiasme est à la base de tout progrès».

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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