– Ben, pas vraiment. Nous sommes un peuple sans armée, pacifique.
– Un grand politicien, alors?
– Ben, pas quelqu'un qu'on pourrait qualifier de «héros».
M. Nagano s'est alors creusé la tête, ne comprenant pas qu'un peuple soit dépourvu de héros. Il a exploré différentes pistes, puis a fini par dire:
– Et un champion de sport?
– Ah oui. Les Canadiens!
Résultat? Le 2 avril 2009, l'événement intitulé La rencontre du siècle, à l'occasion des 100 ans de l'équipe de hockey de Montréal. Des joueurs des Canadiens ont lu des extraits de textes sur la scène installée sur la patinoire du Centre Bell, aux côtés des musiciens de l'OSM. «Cette soirée débordait d'énergie et d'émotion. La communication a été immédiate avec le public. Exceptionnelle même. Car les valeurs véhiculées étaient en phase avec celles de l'auditoire», a-t-il expliqué.
Un autre exemple révélateur… En avril 2008, Kent Nagano et l'OSM ont effectué l'enregistrement d'un album double, Beethoven : L'idéal de la Révolution française, dédié au compositeur allemand. Celui-ci comprenait la Cinquième symphonie et Le Général, une œuvre originale écrite par Paul Griffiths qui saluait «le courage, la compassion et l'intégrité» du lieutenant-général Roméo Dallaire. «En 1994, cet homme a vu, impuissant, le génocide rwandais se dérouler sous ses yeux. Il lui avait été interdit d'intervenir. Ce fut pour lui une tragédie dévastatrice, qui l'a amené à reconsidérer toute sa vie et ses valeurs d'un œil neuf, impitoyable. Cette remise en question totale m'a semblé résonner fortement avec la musique de Beethoven, empreinte de liberté, de fraternité, d'humanité», a-t-il raconté.
Du coup, le chef d'orchestre de l'OSM a trouvé le moyen de combiner les deux. «En ayant en tête l'image et l'histoire de Roméo Dallaire, le public québécois était à même de saisir les moindres subtilités de Beethoven. Grâce à cela, il lui était possible d'être ému par une musique qui venait d'un autre siècle et d'un autre lieu. La connexion était parfaite», a-t-il dit.